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    1. PROTESTANTISME##


PROTESTANTISME. LE LUTHÉRANISME, ÉVOLUTION

comme une idolâtrie le culte rendu à Notre Seigneur Jésus Christ et, n’admettant qu’un seul Dieu, une seule personne divine, onl poussé à ses extrêmes la thèse « les antitrinit aires. Née en Angleterre, cette secte J compte aujourd’hui plus de trois cent cinquante Églises, et a été répandue aux États-Unis grâce aux efforts de Channing (1780-1842) el de Parker (1810 1860).

Puis la secte des universalistes, qui admettent le salut universel, eu quoi ils tournent franchement le dos à In doctrine traditionnelle de la Réforme sur le petit nombre des élus par prédestination éternelle. C’est d’ailleurs moins une secte religieuse qu’une école philosophique, puisque, à côté du Christ, ils met t eut, et sur un rang qui ne semble pas inférieur, tous ceux qui, par leur sagesse et leur influence, peuvent être considérés comme les prophètes de l’humanité, et puisque, à côté de la Bible, regardée comme livre divinement inspiré, ils énumèrent comme presque aussi divinement inspirés les divers livres religieux ou philosophiques qui ont marqué une étape dans l’histoire de la pensée humaine.

Procédant des baptistes dont nous avons vu l’origine, il faut citer les dunkers et les disciples du Christ. Ceux-là sont une secte des baptistes allemands venus en 1719 en Pensylvanie, et s’en distinguent par leur hiérarchie, qui comprend des diacres, des ministres et des anciens. Ceux-ci furent détachés en 1807 du presbytérianisme par Thomas Campbell et ils pratiquent, comme les baptistes, le baptême par immersion, sans avoir d’ailleurs un credo fort défini, étant tout près d’accepter l’union avec les autres confessions qui admettent, à tout le moins, le Nouveau Testament.

Les frères unis en Christ constituent une secte à peu près uniquement répandue aux États-Unis, où Philippe Otterblin l’organisa à la fin du xviiie siècle. Comme les précédents, ils se montrent très peu exigeants pour le credo et se contentent d’une vague affirmation du rôle surnaturel du Christ. Ils ont une hiérarchie avec des évêques-surintendants.

Assez près d’eux par leur constitution hiérarchisée, il faut citer encore les fidèles de l’Association évangélique. Jacob Albright l’organisa, en 1819, en Pensylvanie, parmi des colons allemands ; aussi a-t-il conservé beaucoup de points des confessions luthériennes.

Parmi les plus récentes fondations de sectes, issues des Églises déjà nommées, les adventisles forment un groupe très singulier. Un certain William Millier prétendit en 1840 que le retour glorieux du Christ prédit dans l’Évangile allait bientôt se réaliser, et, sur cette affirmation, l’adventisme s’organisa, toujours déçu dans ses espérances, mais toujours en progrès… Après les prédications de J.-N. Andrews, en 1874, l’adventisme s’est répandu en Europe, surtout en Angleterre, en Suisse et jusqu’en Extrême Orient.

Citons encore les Christian scientists. organisés par Mrs. Baker-Eddy (1821-1910). Ces nouveaux chrétiens prétendent que toute maladie vient de l’âme et que guérir celle-ci par l’infusion de la foi au véritable Bien, c’est, par contre-coup, guérir le corps. La foi au Christ devient un talisman de santé. Ces extravagances ont été récemment diffusées en Europe, et surtout en Angleterre et en France, par une habile et tenace campagne de presse, qui ne semble pas toutefois avoir fait avancer chez nous les affaires de la doctoresse américaine.

6° En somme, dans l’extraordinaire morcellement et l’infinie variété des credo et des sectes, on peut essayer de fixer quelques points de repère. Les unitariens et les universalistes libéraux possèdent, en Amérique, plus de cinq mille Églises, avec un million et demi d’adhérents. Les orthodoxes luthériens, presbytériens, réformés épiseopalistes, possèdent plus de quarante mille Eglises et six millions de fidèles. Les multiples sectes issues des trois branches principales de la Réforme — méthodistes, congrégationalistes, baptistes, moraves, mennonites, adventistes, scientistes, Eglises du Christ, disciples du Christ, etc. — comprennent environ trente millions de membres avec plus de cent quatre-vingt-sept mille Églises.

Aujourd’hui même, l’anglicanisme et toutes les formes du non conformisme en Angleterre subissent une nouvelle amputation, grâce au mouvement des fraternités » (brothenruod naïvement). Ce sont des réunions d’hommes, de deux cents à douze cents membres, qui ont lieu le dimanche après midi. Chacune d’elles est entièrement autonome, ne reconnaît l’autorité d’aucune confession, d’aucun pasteur et elle grandit sans souci de dogme, de culte, de hiérarchie sacerdotale.

L’office religieux comprend la prière, une hymne, la lecture de la Bible suivie d’une allocution dont se charge un assistant, qui peut être parfois étranger aux fraternités. Les signes morbides du prophétisme et de l’inspiration qui rendent si pénibles les scènes du banc du repentir dans certaines sectes protestantes réapparaissent parmi ces fraternités que ne contrôle et que ne dirige aucune autorité compétente.

6° Afin de mettre quelque ordre dans ce désordre des croyances, on peut accepter que les sectes protestantes doivent être cataloguées d’après leurs affinités constitutionnelles, les unes mettant à la base de leur organisation l’autonomie de la paroisse ; les autres, la forme synodale sans hiérarchie ecclésiastique ; les dernières acceptant la hiérarchie épiscopale.

On obtient alors, d’après MM. A. Bouvier et A. Paul, le dénombrement suivant :

1. Églises congrégationalistes (ou paroisses autonomes ) : les congrégationalistes, les baptistes, les adventistes, les disciples du Christ, les darbystes, les unitaires, les fraternités.

2. Églises synodales : les Églises luthériennes et moraves, les Églises réformées, presbytériennes, l’Église évangélique ou Église unie de Prusse, les méthodistes d’Europe, les mennonites, les dunkers, les universalistes.

3. Églises épiscopales : certaines Églises luthériennes et moraves, l’Église réformée de Hongrie, l’Église anglicane, protestante-épiscopale d’Amérique, méthodiste d’Amérique, l’Église des frères unis ; l’Association évangélique, l’Église irvingienne, qui accepte une hiérarchie sans cependant le titre d’évêque.

Il nous reste à étudier, pour les principales de ces sectes, l’organisation, la doctrine, la liturgie, telles qu’elles ressortent de l’état actuel de la pensée protestante.


II. Le luthéranisme actuel.

Évolution générale des idées.


Il n’est pas paradoxal de parler d’un luthéranisme actuel, totalement différencié du luthéranisme primitif. Luther ne se reconnaîtrait point dans son ouvrage et il se hâterait d’apporter sa réforme dans une Béforme révoltée contre lui. De cela, les luthériens éclairés conviennent de bon gré, quoiqu’ils prétendent continuer la ligne tracée par le réformateur. Mais quand commence ce luthéranisme actuel ? A quelle date mettrons-nous la brisure entre les deux tronçons de la pensée de Luther ? A mon avis, il faut remonter jusqu’aux alentours de 1770, jusqu’à l’influence du philosophe Lessing (1729-1781). C’est lui qui imprima à son Eglise une impulsion dont les conséquences se déroulèrent au courant du xixe siècle et sont en train, à l’heure actuelle, de jeter le luthéranisme allemand en d’inextricables embarras.

1. L’influence de Lessing.

En quoi Lessing a-t-il modifié l’ouvrage de Luther ? En y insérant la pensée de quelques sceptiques fameux, tels Mendelssohn et Spinoza.