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    1. PROTESTANTISME##


PROTESTANTISME. LE CALVINISME, ÉVOLUTION

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; 'i assurer la prééminence « lu sacerdotalisme. C’est

parce que leur existence requiert des ministres pour les <list ribuer que l’Eglise conserve les sacrement s et toute une hiérarchie de puissances ecclésiastiques, dette armature cléricale, Calvin en a libéré son Église en détruisant la caste sacerdotale. Cependant, le calvinisme a une ccclésiologie bien plus nuancée que celle du luthéranisme ou du zwinglianisme. D’après M. Doumergue, l’historien le plus dévoué à Calvin, le concept calviniste d’Eglise est un habile moyen terme entre l’anarchie du sacerdoce universel et la tyrannie de l’autorité ecclésiastique. Toute son organisation repose sur une constatation de fait : Calvin envisage l’Église comme une association d’individus. Mlle est une association en ce sens que ses membres font une même profession de foi et adhèrent à une vérité objective qui constitue le lien de l’association..Mais l’individu règle lui-même les destinées de l’association. On a dit que le calvinisme était, beaucoup plus que le luthéranisme, démocratique, par le rôle actif qu’il accorderait à chaque fidèle dans l’organisation de l’Église. En ce sens il est vrai que Luther, en cédant les droits des fidèles au pouvoir séculier qui dirige l’Église à sa guise, a moins bien compris que Calvin le développement logique d’une réforme qui prétendait libérer la conscience individuelle. Mais ce sont là des apparences. L’Église de Calvin n’est certes pas démocratique ; son organisation ne repose nullement sur le suffrage universel. Il s’oppose même à l’action des ensembles, à mesure que les intérêts deviennent plus généraux. En s’élevant du consistoire aux synodes, le calvinisme demande les conseils de membres de moins en moins nombreux, de plus en plus sélectionnés, et c’est une conception aristocratique qui préside aux destinées de cette Eglise. Par la manière habile dont Calvin amalgame le concept démocratique et le concept aristocratique, il a su gagner les hommages d’un luthérien moderne d’esprit fort averti, M. Troeltsch, et d’un anglican fort cultivé, M. Loi gh ton Pullan. L’Allemand avoue que l’organisation calviniste est admirable pour s’adapter aux besoins des diverses civilisations. L’Anglais admire Calvin pour avoir su réaliser la synthèse entre l’individu et l’Église, entre l’autorité et la liberté. En fait, l’organisation calviniste ne tient presque aucun compte de l’individu, sinon pour l’assujettir à une volonté de groupe, puis d’ensemble. Calvin organisait son Église d’après ce qu’il avait trouvé dans l’Écriture, les quatre ordres institués par le Christ : pasteurs, docteurs, anciens et diacres. Pour contrebalancer cette organisation ecclésiastique et cléricale, Calvin créa le consistoire, qui peut représenter la volonté de la communauté et tempérer la force cléricale par la force laïque. C’est l’apparence ; en fait, le consistoire n’est rien d’autre qu’une simple juridiction, un conseil disciplinaire. D’autre part, afin de mieux soustraire le ministère proprement dit à l’influence démocratique, à la volonté populaire, Calvin enseigne que son autorité ne vient pas du peuple, que la communauté ne l’institue pas, que sa doctrine n’est pas « assujettie à la censure des hommes ». On ne permettra pas à un fidèle quelconque de prêcher « sa » vérité, sous le prétexte que le pasteur « fait fausse route ». « Dieu, dit Calvin, a commis en dépôt ce trésor à son Église ; il a institué des pasteurs et des docteurs pour enseigner. » Ces principes commandent l’organisation de l’Église calviniste. Elle est théocratique, comprenant une masse de fidèles organisés, soumis à des chefs de la doctrine et de la discipline, qui eux-mêmes se soumettent à la parole de Dieu, seule souveraine. L’État ou puissance séculière ne peut dominer un organisme créé sur la parole divine. L’Etat doit être chrétien, protéger l’Église, y maintenir au besoin la saine doctrine et la régularité des mœurs, et, selon le mot de l’Écriture, les

magistrats seront les lieutenants de Dieu. Mais l’Église reste maîtresse de son credo et de sa liturgie. Au contraire de Luther, qui avait préconisé pour ses Eglises le système territorial, chaque prince ou gouverneur étant chef île l’Eglise établie sur ses terres. Calvin a institué le système théocratique, mais, ce faisant, il est revenu aux Églises d’institution, qu’il avait prétendu abolir.

Doctrine et liturgie.

De la doctrine calviniste,

il n’est pas téméraire de dire que presque rien ne subsiste aujourd’hui. En réformé suisse a osé, naguère, poser l’impertinente question : Que faut-il garder du calvinisme de Calvin ? Et il y répondait par une critique pertinente de tous les points doctrinaux où s’appuyait le réformateur.

On ne conserve plus la théorie de la prédestination, qui est cependant le fondement même du calvinisme ; plus d’excès logiques sur la justification par la foi seule, sur la grâce, sur le symbole eucharistique, sur l’inamissibilité de la justification, sur la corruption totale de la nature et l’absence de liberté humaine, sur l’impossibilité du mérite, sur la nature de la grâce sacramentelle ; plus de croyance en l’Église d’institution, création du Christ, chargée de prêcher la doctrine et de distribuer les sacrements. Ayant éliminé tout ce fond doctrinal, M. P. Vallotton écrivait qu’on ne pouvait conserver du calvinisme que le principe de la liberté d’examen, ce qui est d’une belle ironie ou d’une rare méconnaissance de l’histoire, Calvin ayant surtout frappé de sa main impitoyable tous ceux qui, invoquant ce principe luthérien, osaient exprimer une pensée personnelle, en contradiction avec le dogme fixé par le réformateur de Genève. Paul Vallotton, Que faut-il garder du calvinisme de Calvin ? Genève, 1919, et E. Pétavel-Ollif, Les bases logiques d’un néo-calvinisme, Montbéliard, 1911.

Il y a même une sorte de joie pour les calvinistes modernes à rejeter la paternité du réformateur : « Il appartient à chaque réformé de lire la Bible avec sa conscience et sa raison. Que tout protestant se fasse donc sa religion en prenant dans la Bible cela seul qu’admet sa raison. Cette religion raisonnée et tout individuelle, qui n’est pas du tout l’orthodoxie imposée à tous les fidèles par l’autoritaire Calvin, c’est le protestantisme libéral dont le père est incontestablement Rousseau. » Un autre écrit : « En réalité notre protestantisme moderne, tout au moins notre protestantisme libéral, vient moins de Calvin que de Sébastien Castellion. Traducteur de la Bible, exégète, critique, théologien, théoricien de la tolérance et de la pensée libre, il n’est aucune de nos voies qu’il n’ait déblayée devant nous. Nous sommes ses héritiers, plus, beaucoup plus que ceux de son irascible antagoniste. » Cité par le pasteur Noël Vesper, olias M. Nougat, dans Les protestants devant la patrie, Paris, 1925, p. 91, 146.

Ce n’est donc pas l’étude de la pensée de Calvin qui nous permettra de comprendre le calvinisme actuel. Ni l’étude de la pensée de Rousseau et de Castellion.

Les origines du calvinisme actuel.

La doctrine

calviniste, depuis le début du xix c siècle, a souffert d’une absence totale d’originalité. La pensée des réformés s’est orientée de jour en jour vers les nouveautés des théologiens luthériens, qu’elle s’est docilement incorporées.

1. Facteurs généraux de l’évolution doctrinale. — Nous avons vu dans l’étude des origines du luthéranisme actuel l’importance des œuvres d’un Lessing, d’un Schleiermacher et d’un Ritschl. Elles ont exercé la même influence sur les chefs du calvinisme. Mais à leur action s’est ajoutée celle de la poussée piétiste, connue sous le nom de Réveil. Vers 1818, Cook, disciple de Wesley, parcourait la France avec ses mission-