Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/481

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

947

    1. ROVIDENCE##


ROVIDENCE. PÈRES GRECS, DISCIPLES D’ORIGÈNE

948

récompense et qui châtie selon les mérites de chacun. C’esl l’idée Juridique toute romaine opposée à l’idée de pédagogie toute grecque, Op. cit., p. 190, en note. La remarque est juste, dans son ensemble ; encore i ; t ii i il noter que la punition des fautes et la récom pense « les mérites loni également partie, d’après Origène, de l’action éducative <1<’la providence ; l’opposition mise entre l’idée grecque de pédagogie et les conceptions romaines plus Juridiques, sans ot re aussi absolue qu’on semble le dire, esi cependant un trait qu’il est utile de signaler. E. de Faye cil » également un passage bien significatif de la manière d’Origène ; c’est au traité de la prière, à propos de cette demande de l’oraison dominicale : et ne nos inducas in tentât ionem ; le docteur alexandrin écrit : « Je pense que Dieu dirige (oIxovojj.£Ïv) chacune des âmes raisonnables, ayant toujours en vue leur vie éternelle. Chacune d’elles possède le libre arbitre (tô aÙTsÇoûaiov) ; selon sa propre responsabilité (nap% ty ; v lâîav ocItîxv), elle se trouve parmi les choses meilleures, s’élevant vers la cime des biens ; elle descend au contraire, par négligence, dans tel ou tel débordement du vice. » De oral., 29, P. G., t. xi, col. 540 A, cité par de Faye, op. cit., p. 214, dont je n’accepte pas la version. Pour la traduction de oeÏTÎoe, cf. Prédestination, t.xii, col. 2825. Ce texte d’Origène donne occasion à une note assez vive de Delarue, note 94, P. G., t. xi, col. 539 : Aperlc hic somnia sua occinit Origenes. Et, de fait, on peut entendre ici un écho affaibli des « erreurs » d’Origène. En effet, alors que Clément d’Alexandrie envisageait principalement l’action éducative de la providence dans les diverses modalités de sa réalisation historique, philosophie, loi ancienne, loi nouvelle, foi et gnose, son disciple, plus métaphysicien, transpose cette même idée de pédagogie divine du plan assuré de l’histoire sur celui, plus audacieux, de la cosmologie. Les âmes sont créées de toute éternité dans un état initial identique ; leur union à des corps est une conséquence de péchés antérieurs qu’elles doivent expier avant de faire retour dans le monde des esprits. Cette conception sera le point de départ et l’occasion de nombreuses attaques et de solennelles ccndamnations. Cf. art. Origène, Origénisme, t. xi, col. 1531 et 1565. Encore faut-il remarquer que l’alexandrin expose tout cela par mode d’hypothèse et avec d’importantes réserves ; certains passages de ses œuvres, comme celui que l’on vient de citer, restent susceptibles, si l’on n’en presse pas trop le sens, d’une interprétation orthodoxe, tandis que d’autres sont évidemment à rejeter. Il suffit de noter ici comment le désir de rendre raison, d’une façon générale, de l’action providentielle et le souci d’expliquer les conduites mystérieuses de Dieu ont amené Origène à imaginer cette chute et cette ascension des âmes ; tout ce roman cosmologique, qui manifeste le puissant réalisme de sa pensée théologique, est fondé sur une conception pédagogique de la providence divine. On y sent l’élève de Platon et l’émule aussi de certains gnostiques ; cependant, la netteté aveclaquelle l’auteur du Periarchôn affirme et assure l’existence du libre arbitre de la créature suffit à le distinguer de façon radicale de ces derniers.

3° Il est naturel de joindre au nom d’Origène celui d’Eusèbe de Césarée, son admirateur et le bénéficiaire de la bibliothèque réunie par ses soins. Dans sa Préparation évangélique, Eusèbe consacre de nombreux chapitres à la question de la providence. Il reprend, sur une base documentaire plus large, les thèmes généraux de l’apologétique du iie et du iiie siècle : démonstration de l’existence de la providence contre les épicuriens, divergences entre les conceptions péripatéticiennes et stoïciennes et la conception chrétienne, accord partiel entre la doctrine de Platon et la foi de Moïse. La méthode employée, semblable à celle de l’Histoire ecclésiastique, « est toujours « elle (les extraits massifs (A. Puech, Histoire de la littérature grecque chrétienne, t. iii, Paris, 1930, p. 194), mais elle se révèle ici moins heureuse dans un ouvrage qui pourrait prétendre, de soi, a une certaine vigueur originale de la pensée. La Préparation a conservé un important fragment du IiEpl çuoeuç de Denys d’Alexandrie dirigé contre les épicuriens. Prsep., XIV, xxiii, P. G., t. xxi, col. 1272. Dans son traité polémique contre Hiéroclès, Eusèbe condense en deux affirmations capitales la doctrine de la providence : elle s’étend universellement à toutes choses, elle prend un soin spécial des âmes raisonnables auxquelles est concédé le privilège de l’immortalité i l de la liberté ». Cont. Hieroclem, vi, P. G., t. xxii, col. 805 D-808.

4° Un autre Palestinien, saint Cyrille de Jérusalem, se montre moins soucieux d’érudition, bien qu’il sache lui aussi, à l’occasion, citer les philosophes. Dans ses catéchèses familières, l’ordre du symbole de la foi, qu’il commente aux aspirants au baptême, l’oblige à parler du gouvernement divin avant de traiter de la création elle-même : Credo in Deum — omnipotentem (vme cat.) — jactorem cseli et terrie (ixe cat.). Dom Touttée fait justement remarquer que le 7ravTOXpxTcop de la formule grecque du Credo serait mieux rendu en latin par omnitenens que par omnipolens. Admonitio in eut., viii, 3, P. G., t. xxxiii, col. 623-624, et Appendix in cal., v, note 11, col. 534 D. Il ne s’agit pas en effet, dans l’exposé de Cyrille, de la considération abstraite d’un attribut divin, d’une possibilité infinie d’action ; il s’agit au contraire de l’exercice de fait du pouvoir divin, du domaine universel et absolu de Dieu sur sa créature. Cat., viii, col. 625-636. Aussi, malgré le titre que porte la traduction latine : De providentia, le thème de la providence-prévoyance n’est-il pas explicitement abordé. La puissance divine est envisagée dans sa réalité sans cesse présente, dans son extension universelle et actuelle à tous les êtres. Dans ces limites, la doctrine est exposée avec beaucoup de force et de clarté ; un usage fréquent de brèves sentences script uraires vient ponctuer heureusement les affirmations du catéchiste sans nuire à la rigueur ni à l’unité de son développement.

Tite de Bostra, consacre tout le IIe livre de son traité Contre les manichéens à une vigoureuse apologie de la providence divine. Le c. i, affirme qu’aucun des êtres créés par Dieu n’est substantiellement mauvais ; tous sont bons, mais à divers degrés, et sont susceptibles de servir à des fins différentes. Cont. man., II, i. P. G., t. xviii, col. 1132 D-1133 A. Le dernier chapitre insiste, par manière de conclusion, sur la variété de la création. Ibid., xxxviii, col. 1205-1208. Dans le cours du livre, l’auteur examine les objections tirées tant de l’ordre moral que de l’ordre physique. Les questions de la fortune qui est parfois le fruit de l’injustice, c. viii, et des maladies qui affligent les justes, c. ix. sont sobrement traitées. Certaines considérations sur l’utilité des famines et des tremblements de terre, c. xiv, et sur celle des serpents venimeux, c. xxii, sont moins heureuses et ne sont pas exemptes de quelque puérilité. Comparé aux pieuses catéchèses de saint Cyrille, l’ouvrage de Tite de Bostra a plutôt l’allure d’un traité profane.

6° Contemporain de Cyrille de Jérusalem et de Tite de Bostra, saint Athanase ajoute à la piété du premier une profondeur théologique à laquelle l’auteur des catéchèses ne pouvait prétendre. Au point de vue négatif, le grand évêque d’Alexandrie combat les épicuriens qui nient l’existence de la providence et démontre, contre Platon, que la matière elle-même a été créée par Dieu. Or. de incarnat. Yerbi. 2, P. G., t. xxv, col. 97 D99. Au contraire, le mal n’est d’aucune façon une œuvre divine. Or. contra génies, 2, P. G., t. xxv. col. 5 CD : t.