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    1. PROVIDENCE##


PROVIDENCE. PÈRES GRECS, JEAN CHRYSOSTOME

se soutenir sans le concours toujours actuel (le Dieu ; ainsi, quand nous voyons une cithare, que nous admirons la beauté « le ses proportions ou que nous entendons la mélodie de ses sons, nous pouvons savoir quel que Chose « le celui qui l’a laite, même si nous ne le connaissons pas de vue. Ibid., 6, col. 32 1) 33 A. Le premier discours d’invective contre Julien l’Apostat fait plusieurs fois mention du gouvernement universel de Dieu sur le monde qu’ira créé. Cont..lui., i, 17, I’. G., t. xxxv, col. 572 H ; 78, col. 604 C. Le discours sur l’amour des pauvres fournit également à son auteur l’occasion de parler du domaine divin sur la créature. Grégoire blâme d’abord ceux qui s’autoriseraient des décrets de la providence pour abandonner les Indigents à leur malheureux sort, sous prétexte que celui-ci est conforme à la volonté de Dieu. On voit, dit l’orateur, que ceux qui raisonnent de la sorte ne reconnaissent pas que leur propre fortune vient de Dieu ; sans cela, ils en useraient davantage selon Dieu. De pauperum amorc, 29, P. G., t. xxxv, col. 896 D-897 B. D’ailleurs, dans cette vie, nous ne pouvons savoir si le malheur est la punition d’une faute ou l’épreuve de la vertu, les desseins de Dieu nous restent cachés. Ibid., 30, col. 897 C-900 A. Quelques lignes plus loin, le saint évêque reprend vivement ceux qui font argument des misères de la pauvreté pour calomnier la providence divine ou pour tout abandonner aux hasards de la fortune ou aux exigences de la fatalité. Ibid., 32-33, col. 900 D904 A. Il termine son discours en exhortant ses auditeurs à la miséricorde, il leur montre l’exemple de Dieu et celui du Christ, il leur rappelle les figures bibliques de Job, de Lazare et du mauvais riche, la parabole du bon Samaritain ; enfin, il insiste sur l’utilité morale et sociale de la pauvreté.

Saint Grégoire a consacré en outre deux poèmes à célébrer la providence divine, Poemata dogmatica, v et vi, P. G., t. xxxvii, col. 424-438, et la mention de la providence revient souvent dans son œuvre poétique. Index Anahjticus, P. G., t. xxxviii, col. 1279. Il s’agit toujours du gouvernement divin qui s’étend à toute créature et contient toute chose dans son action souveraine.

3° Telle est également la doctrine exposée de façon plus didactique, par saint Grégoire de Mysse.

Le mot même de providence est rare dans ses écrits. On peut en signaler l’usage dans le petit traité intitulé Quod non sunt très dii, où l’auteur affirme que la providence et le gouvernement des créatures sont communs aux trois personnes divines. P. G., t. xlv, col. 128 D. De même, dans le dialogue avec sa sœur, sur l’âme et la résurrection, Macrine fait mention des erreurs des épicuriens qui nient la providence et attribuent toutes choses au hasard. De anima et resnrr., P. G., t. xlvi, col. 21 B. En revanche, ni dans le Contra fatum, ni dans les homélies sur l’oraison dominicale, on ne rencontre de développement sur la doctrine de la providence. La manière de Grégoire apparaît nettement dans sa grande catéchèse. Il entreprend de montrer la bonté et la justice du gouvernement divin tel qu’il se réalise de fait. Or. catech., xx, P. G., t. xlv, col. 56-57. Le mot obcovouioe est employé, celui de providence ne l’est pas, ce qui, au point de vue du vocabulaire théologique, est évidemment plus exact.

V. Le grand théologien de la providence, saint Jean Chrysostome.

Alors que les Pères de Cappadoce s’étaient contentés de toucher brièvement à la doctrine de la providence, saint Jean Chrysostome. au contraire, dans ses homélies, dans ses exposés de la sainte Écriture, dans ses traités de morale et d’ascèse, se plaît visiblement à consacrer à la même question d’amples développements.

C’est un sujet, d’ailleurs, dans lequel il excelle ; un discours calme, majestueux, puissant, sait faire reluire, chez lui, quelque chose de l’ordre, de la beauté, de la grandeur <iui brillent dans l’œuvre même de Dieu. Comme pour Bossuet, auquel, depuis Villemain, on a coût unie de le comparer, il existe une affinité préétablie en1 re le génie « le l’homme et les merveilles du gouvernement providentiel qu’il s’attarde à décrire ; aussi sait-il le faire avec une ampleur de vues, une sûreté de trait, un tact « pie bien peu, si même il en est, possèdent à un pareil degré.

L’évêque de Constantinople ne s’attarde pas a discuter avec ceux des philosophes qui nient la providence divine ; la dialectique scolaire n’est pas son fait ; c’est en orateur, en théologien, en moraliste surtout qu’il aborde et traite la question. Dés le début de sa carrière, il proclame que seules la malice des hommes et leur mauvaise conduite ont pu les empêcher d’admettre une vérité plus claire que la lumière du jour. Adv. oppiign. vilæ mon., iii, 10, P. G., t. XL vil, col. 365. A la fin de sa vie, il est plus convaincu que jamais de la même doctrine : l’ordre et l’harmonie du monde, les astres, les règnes de la nature, démontrent suffisamment l’existence d’une providence divine. Ad eos qui scandalizati sunt, v-vi, P. G., t. lii, col. 488 ; vii, col. 491-496 ; développements parallèles : De cornpunctione ad Stelechium, ii, 5, t. xlmi, col. 418-419 ; Ad populum Antiochenum, hom. ix, 4, t. xlix, col. 109 ; hom. x, 2-3, col. 113-115. La splendeur du jour, les mers, les sources, les couleurs variées du plumage des paons, sont tour à tour invoquées ; l’univers possède un tel éclat qu’il semble toujours neuf et fabriqué d’aujourd’hui ; il est si beau qu’on a pu le prendre lui-même pour un dieu. Ibid., col. 114-115. Ailleurs, Chrysostome, comme l’avait fait Basile, donne une attention particulière à la nature végétale ; la fertilité des prairies, cette « graisse du froment » (ex adipe frumenti), dont parle le psaume qu’il commente, Ps., cxlvii, 14, lui sont un moyen de démontrer l’existence de la providence de Dieu. P. G., t. lv, col. 479. Aussi est-il naturel que cette même providence soit comparée ailleurs aux eaux d’un fleuve puissant qui apporte la fécondité à toute la région qu’il arrose. In Ps., xlv, 1, ibid., col. 205.

Le gouvernement de Dieu s’étend à toutes les créatures, aucun des êtres singuliers n’y échappe, chacun d’eux y est spécialement soumis. Ad Stagirium a dsemone vexatum, i, 5, P. G., t. xl vii, col. 437 ; In Ps., cxxxiv, 4, t. lv, col. 392 ; In Matth., hom. xxviii, (al. xxix), 3, t. lvii.coI. 354. D’une façon plus absolue encore, l’orateur sacré affirme que, sans la providence, le monde ne pourrait ni durer ni se soutenir un seul instant. Ad pop. Antioch., hom. ix, 4, t. xiix, col. 109 ; hom. x, 2-3, col. 113-114. L’exemple qu’il prend est celui du corps humain, composé de divers éléments, et qui ne peut rester lui-même que sous l’action et le gouvernement de l’âme qui l’anime. Ainsi, bien que l’idée d’une prévoyance divine ne soit pas exclue, la notion de providence évoque plus spécialement pour Chrysostome, comme pour les Pères grecs, cette continuité de l’action créatrice qui soutient actuellement toute chose dans son être et la dirige dans son mouvement ; mais encore faut-il, pour atteindre le sens exact de l’idée grecque, ajouter que cet être est beauté, et ce mouvement harmonie ; le monde conservé dans l’ordre, la paix et la splendeur, tel est l’effet propre de la providence divine.

Le passage de l’ordre de la nature à celui de la vie morale, on le voit, est aisé. L’homme, créature de Dieu, n’échappe point évidemment à l’action précise et particulière du Créateur qui s’exerce sur chacun de ses actes. De même que nous ne pouvons rien ajouter à notre taille, de même est-ce la providence divine qui, dans nos œuvres, parfait toute exécution. Sans elle, ni soucis, ni peines, ni efforts ne nous seraient de