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RATHIER DE VERONE


au clergé de Vérone ses idées personnelles relativement à la restauration de la morale et de la vie ecclésiastiques. Il dut s’y prendre avec trop de rudesse ; le mécontentement est bientôt à son comble. Après une émeute où sa maison est détruite, il ne peut être rétabli que par l’autorité de l’empereur (janvier 905). il promulgue des ordonnances maladroites, celle par exemple qui prescrit la réordination des clercs ordonnés par l'évêque usurpateur Milon, neveu de ce comte Milon que nous avons vu acharné jadis contre lui. Ses ordonnances contre les clercs mariés ou concubinaires, encore qu’inspirées par une théologie plus saine, n’ont pas meilleur succès. Après sept ans de lutte, se sentant abandonné par l’autorité impériale, il songe à reprendre le chemin de sa patrie. En 908, Lobbes le voit revenir une quatrième l’ois ; il obtient du roi de France, Lothaire, l’abbaye de Saint-Amand, dont les moines le chassent au bout de deux jours ; revient à Aulne, qu’il avait jadis gouverné et qu’il ne garde pas bien longtemps. Rentré à Lobbes, il se brouille avec Folcuin le nouvel abbé, repart pour Aulne. Après de multiples tribulations il meurt à Namur, lors d’un séjour qu’il faisait chez le comte. Ce devait être en 971. Son corps fut ramené à Lobbes, où il fut enseveli avec les honneurs dus à la dépouille d’un évêque.

II. Œuvres. — L’activité littéraire de Kathier est le reflet de la vie mouvementée que nous avons très sommairement décrite. De bonne heure l’abbé Folcuin en a donné un aperçu dans les Gesta abbalum Laubiensium, n. 20, 24, 28, P. L., t. cxxxvii, col. 502573, en rapportant les divers ouvrages à leur date de composition. Sigebert de Gembloux, un siècle plus tard, est moins complet et moins précis dans la notice qu’il consacre à Rathier. Descriptor. eccles., c. cxxvii, P. L., t. CLX, col. 574.

Doué d’une culture qui dépasse de beaucoup la moyenne de son époque, héritier de l'érudition de la renaissance carolingienne, comparable pour l’ampleur de son savoir à un Alcuin et à un Raban Maur, les dépassant par sa connaissance de la littérature classique, Rathier n’a pourtant jamais été un homme de lettres. Toute considérable qu’elle est, sa production est œuvre de circonstances, et ne prend son sens que replacée dans le cadre de sa vie. Les frères Ballerini, qui, au xviii'e siècle, ont rassemblé avec beaucoup de diligence l'œuvre de Rathier, jusque là dispersée, ont réussi à marquer avec assez de bonheur les dates des diverses productions ; une étude très poussée de A. Vogel, en 1854, a mis au point ces résultats, cpie l’on peut regarder désormais comme à peu près assurés. Ralherius von Verona und dus zehnte Jahrhundert, 2 vol. Les Ballerini, dont l'édition est purement et simplement reprise par P. L., t. cxxxvi, col. 9-766, ont groupé les œuvres sous trois rubriques, les livres et opuscules, les lettres, les sermons, en ordonnant dans chaque catégorie les divers numéros selon la chronologie. Nous nous en tiendrons à cette division. On trouvera dans A. Vogel, t. ii, p. 190-218. un ordre plus strictement chronologique.

Livres et opuscules.

1. Preeloquioriun libri sex,

dont le titre complet, tel que Rathier l’avait mis en tête de son œuvre s'énonce ainsi : Meditationes cordis in exsilio cujusdam Ralherii Veronensis quidem Ecclesise episcopi, sed Lobiensis monacfri, quas in sex diijestas libellis volumen censuit appellari Prseloquiorum, eo quod ejusdem quoddam prwloquuntur opusculum quod nocatur Agonisticum, (col. 145-344). — Cet ouvrage, le plus volumineux de tous, a été composé par Rathier lors de son emprisonnement à Pavie (935-937). Le titre développé semblerait indiquer qu’il s’agit seulement de prolégomènes à un ouvrage qui aurait porté le nom d' Agonisticum « le combat spirituel ». Cet ouvrage n’a jamais été rédigé ; mais les Prwloquia n’en

gardent pas moins un vif intérêt. Il est impossible de leur trouver un parallèle dans toute la littérature médiévale. C’est un immense examen de conscience qui pose aux chrétiens de tous états, de toutes conditions, de tout âge, des questions propres à les faire réfléchir sur leur devoirs, donne à chacun les conseils propres à le guider dans les combats de la conscience. Les moralistes y trouveront une description fort intéressante de la vie chrétienne et morale au xe siècle ; les historiens de l'Église s’arrêteront de préférence aux livres III et IV, qui détaillent les devoirs des souverains, tout spécialement en ce qui concerne leurs rapports avec les évêques. C’est ici que s’expriment au mieux les idées réformatrices de Rathier, comme l’a fait très bien ressortir A. Fliche. L'évêque prisonnier se rend parfaitement compte que l’indépendance du pouvoir ecclésiastique par rapport à l’autorité séculière est la condition primordiale de la réforme de l'Églisç. Encore qu’il soit prématuré de chercher ici, même à l'étal de germe, les idées que mettront en circulation les réformateurs de la période grégorienne, il faut reconnaître en Rathier un sentiment très vif de la supériorité du spirituel sur le temporel. Bien entendu, ce n’est pas le seul intérêt de cet ouvrage, et l’on se tromperait en y voyant seulement un des premiers manifestes de la querelle du Sacerdoce et de l’Empire.

2. Viia sancti Ursmari (col. 345-352). Rédigée durant l’exil à Côme (937-9391 et adressée aux moines de Lobbes, cette vie n’est qu’un remaniement d’une vie d’un des premiers abbés de Lobbes, saint t’rsmer, qu’il convenait, parait-il, de remettre en un latin convenable.

3. Conclusio deliberativu Leodici acta, sive climax syrmatis (col. 353-304). — Ce titre obscur désigne un manifeste rédigé par Rathier en 955, après son expulsion de Liège, au prolit deRaldric. L'évêque dépossédé n’entendait point s'éloigner et il énumère les raisons qui lui dictent son attitude. La finale qui se lit col. 304 a été ajoutée après coup, quand, revenu à Vérone, Rathier renouvela sa protestation contre les événements de 955. Il y est fait allusion à < l’autorité impériale « le César. ce doit donc être après le couronnement d’Othon en 902. Revendication très énergique des droits des évêques, qui sont la conséquence de leurs devoirs.

t. Plirenesis (col. 365-392). Rédigé lors du séjour à Mayence qui suivit l’expulsion de Liège ; cf. col. 368 A. Dans l’intention première, ce titre devait s’appliquer à un ensemble de douze livres, où Rathier exposait sa situation relativement aux (vu sièges épiscopaux de Vérone et de Liège. Sachant qu’il y travaillait, ses adversaires, tout spécialement Baldric, l’avaient traité de fou furieux fphreneticum). Rathier releva le gant et choisit pour titre du recueil, où ses ennemis n'étaient pas ménagés, le mot de frénésie. Nous n’avons plus cpie le sommaire de cet ensemble, cf. col. 372-373, cl quelques parties qui ont pris place ailleurs ; ainsi la » profession de foi, qui est passée dans les Prseloquia, I. III, n. 31. col. 240 ; ainsi les deux lettres au pape et aux évêques d’Italie, de Gaule et de Germanie (voir ci-dessous), qui ont été conservées indépendamment ; ainsi enfin la Conclusio deliberuliva, qui a été éditée à part. Les quelques pages qui portent maintenant le nom de Plirenesis ne correspondent plus qu’au 1. I er du recueil projeté. Après qu’il se fut réconcilié avec Rai dric, Rathier fit disparaître tout le reste. On trouvera, dans cet opuscule, plus de questions personnelles que de doctrine.

5. Excerplum ex dialogo confessionali (col. 393-444).

Composé au moment où Rathier fait fonction d’abbé à Aulne, et vers le temps de Pâques 957. Le titre ne doit pas donner le change ; ce n’est pas un extrait