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READING — RÉALISME


Quant à la sainte Trinité, Jean de Reading tient qu’elle ne peut pas être connue naturellement. Il combat les théories de Pierre Aureoli et de Guillaume d’Occam sur les processions immanentes et la génération en Dieu pour se rallier à la thèse scotiste. Il enseigne, avec le Docteur subtil, que l’essence est le terme formel de la génération, de sorte que le Fils reçoit l’esse formaliter per essenliam et non per filialionem. L’essence divine cependant n’engendre pas et. pour le prouver, il fait appel à la raison profonde alléguée par Scot, à savoir, que, si l’essence divine engendrait, il faudrait admettre la distinction et la division en Dieu. Comme principe de la génération en Dieu, Jean de Reading admet, à la suite de Scot, la mémoire ou l’intelligence, qui est une puissance opérative et productive comme la volonté et qui précède celle-ci dans ses opérations. L’intelligence possède en soi une fécondité suffisante pour produire un effet adéquat sans la coopération de la volonté. Que la volonté ne puisse pas être le principe de la génération en Dieu, Jean de Reading le déduit d’abord de ce qu’un principe fécond ne peut pas produire deux effets adéquats et ainsi la volonté, qui est le principe du Saint-Esprit, ne peut point être le principe du Fils, et ensuite de ce qu’un effet ne peut pas être causé par deux principes suffisants. D’où il résulte que l’intelligence doit être considérée comme le principe du Fils et no 1 la volonté. Cependant, à côté de la mémoire ou de l’intelligence, il faut admettre aussi la nature comme principe de la génération en Dieu, parce que le Fils par la génération est semblable au Père, le générateur. L’Esprit-Saint procède du Père et du Fils par la volonté, à la manière de l’amour, dans une activité libre. Contre le Docteur subtil, Jean de Reading admet le caractère relatif des principes constitutifs des personnes divines. Celles-ci se distinguent entre elles non par des propriétés essentiellement identiques et formellement distinctes, mais par des relations différentes. Ainsi la paternité constitue la première personne, la filiation la seconde, la spiration la troisième. L'étude des théories de Jean de Reading présente un intérêt spécial, parce qu’il est possible, à cause des nombreuses citations que l’on y rencontre, de reconstituer les thèses des auteuis contemporains, principalement de Duns Scot, qui y est toujours désigné par son titre de « Docteur subtil » et même de rendre avec certitude à leurs auteurs les ouvrages dont des extraits y sont cités, comme V. Doucet l’a fait pour le Commentaire sur le premier livre des Sentences de Guillaume Alnwick, O.F.M., dans Descriptio cod. 172 bibl. communalis Assisiensis, dans Arch. franc. Iiist., t. xxv, 1932, p. 387-389. C’est sans conteste une des plus anciennes sources dans lesquelles le titre de Doclor sublilis est donné au Docteur mariai.

E. I.ongnré, Jean de Bcadinq et le bienh. Duns Seul, dans La France franciscaine, t. vii, 1024, p. 99-100 ; le même, Jean de Rearlinqe it beato Duns Scoto, dans Biv. di filosofta ni <>scolaslica, t. x i, 1924, p. 1-10 ; le mdme, Gualliero de Cation, un mæstro francesc. (l’Oxford, dans Studi frane., t. ix, 1923, p. 101-114 : D. E. Sharp, Francise, philosophg al Oxford, Oxford, 1930, p. 284 ; A. Lang, Die Wcæ der Glaubensbegriïndimg bei den Scholaslikern des 14. Jabrhunderts, dans Beitiaqr z. Gesch. d. Phil. u. Theol. d. M. A., t. x.xx, fasc. 1-2. MUnster-en-W., 1931, p. 39, 82. 101-104, 117, 24-1 ; M. Sclimf us. I er I iber Pmpugnat. des Thomas Anglicus und die Lehrunterschiede zwischen Thomas non Aquin und Dans Scotus, dans la même collection, t. xxix, MUnster-on-W., 1930, p. 34 ; 70-71 ; 139-141, 230, 522-525, 664, 286* -307* j P. Glorieux, I a tittér. quodlibéiique, t. ii, Paris, 1935, p. 184 ; A. G. Little, The qreij friars in Oxford, Oxford, 1892. p. 168.

A. Teetært.

    1. RÉALISME##


RÉALISME. — Le réalisme est la doctrine philosophique qui est contenue implicitement dans le catholicisme et dans la plupart des formes du christianisme. Il s’oppose tantôt au nominalisme, tantôt à

l’idéalisme. L’une de ces deux positions extrêmes, le nominalisme, tend à nier la valeur des idées, du moins des concepts : l’autre position extrême, l’idéalisme, tend à ôter à la connaissance sensible sa valeur absolue de représentation d’un monde extérieur, sa valeur indépendante de l’esprit humain.

Le réalisme, non pas naïf mais philosophique et théologique, comprend ce que chacune des deux positions extrêmes affirme comme positif et vrai, puisqu’il admet à la fois la valeur de certaines idées des plus abstraites et la consistance des faits les plus matériels.

Le réalisme chrétien reconnaît dans les richesses les plus matérielles de l’univers des traces d’esprit invisible. Selon les circonstances de temps et de lieux, il a eu à s’opposer à l’un ou l’autre des deux systèmes extrùnistes ; et, par le fait même, il a paru ressembler à celui de ces deux systèmes qu’il n’avait point à combattre. C’est comme une sorte d’idéalisme modéré qu’il s’opposait, au Moyen Age, au nominalisme trop terre à terre. C’est à titre de pluralisme concret, et comme légèrement teinté de nominalisme, qu’il s’oppose, dans les temps modernes, aux idéalismes outranciers. Dans un sens ou dans l’autre il a toujours été se complétant, se précisant, se perfectionnant. C’est un système très riche et qui pourrait sembler un syncrétisme artificiel à qui ne saurait voir que ses richesses, en apparence antinomiques, sont en réalité complémentaires.

Ainsi le réalisme aboutit à la fois à admettre la valeur des idées générales, telles que les notions spécifiques, et l’existence d’individus irréductibles aux espèces analogiques dont ils font néanmoins partie. De même il en vient à considérer que l’esprit humain se construit son univers dans l’activité de ses idées et il continue pourtant à admettre fermement que, dans l’acte de connaître, chaque esprit possède un reflet exact de ce qui existe en dehors de lui.

En regard du nominalisme et du réalisme, certaines philosophies plus modernes, qui nient le problème du réalisme en rejetant la valeur des sens aussi bien que celle des concepts, méritent une particulière attention comme une des formes les plus subtiles et les plus absolues d’hétérodoxie.

I. Les philosophies grecques et le réalisme chrétien. II. Le problème du réalisme chrétien et la solution d’Abélard (col. 1814). III. La thèse hellénistique de l’unité de l’intellect et le psychologisme concret de saint Thomas d’Aquin (col. 1849). IV. Le réalisme concret de Scot et le nouveau nominalisme (col. 1858). V. Le néo-réalisme scolastiquc : Capréolus, saint Vincent Fenier (col. 1808). VI. De la philosophie réaliste de la conscience à la critique idéaliste moderne du réalisme médiéval (col. 1869). VII. Les néo-réalismes et le réalisme chrétien (col. 1877). VIII. Le blondelisme et le réalisme intellectualiste et théologique (col. 1881). IX. La philosophie nouvelle d’H. Bergson et son apport à la théologie réaliste (col. 1889). X. Accord du réalisme avec les exigences des sciences positives et des disciplines historiques (col. 1 !)04).

I. Les philosi’phies grecques et le réalisme chrétien. — Dès qu’il émigra des milieux les plus populaires du Transtévère romain, des faubourgs d’Alexandrie ou des campagnes palestiniennes, le christianisme se trouva entrer en relation ou en conflit avec des formes de philosophie existantes : matérialisme stoïcien et astrologie déterministe à la manière de Celse, idéalisme issu d’une simplification de la connaissance sensible par la métaphysique platonisante. Il parut d’abord que les ennemis les plus acharnés du christianisme s’avéraient parmi les partisans du matérialisme. De fait, il y avait entre les deux vues du monde une incompatibilité radicale.

Pour ce qui est des rapports entre le platonisme et