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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/235

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1883
1884
REALISME. LE BLONDÉLISME


joignent ? P. xiv. Il ne faut pas s’arrêter aux petites antinomies, aux exclusivismes. L’esprit vivant « réunit ce que l’analyse notionnelle semblait opposer ». « La vie associe ce que la spéculation tendrait à disjoindre et à heurter. » « La diversité réelle » est au service de l’unité et au service de cette unité seulement, unité spirituelle sous-jacente. Avant la distinction sujet-objet, considérons donc la pensée en acte : dans le langage, dans la logique de la grammaire, dans la métaphysique implicite « immédiate ». P. xvi. Des « tests linguistiques » nous apprennent que les mots forment le corps de la pensée, de quoi faire travailler l’imagination et l’esprit. Peut-on saisir une unité dans ce travail à base de mots ? D’abord on aura l’impression de mots choisis assez bas pour désigner le travail même de la pensée. Avec la diversité des langues cette diversité semble s’accroître. Mais il faut examiner de plus près cette complexité apparente. En français, en italien, en latin, le mot cogilalio veut dire « tassement ». P. xviii. Les Grecs qui ont bâti une noétique par détails, ont connu aussi, au dessus un cpp-jvsïv, une <pp6vy)CT(.< ; unifiant les détails comme à la chaleur de la vie. Toutes ces expressions diverses montrent que la pensée apparaît toujours comme dépassant la simple mise en mots et en images. On est donc convié à examiner les tests sémantiques et logiques. Le mot « pensée » est un mot qui s’applique à des réalités évidemment diverses « en apparence ». Mais ce n’est là qu’une apparence, car une logique secrète lie tous ces sens du mot pensée. P. xx. Il existe toute une « généalogie » de sens qui fait que « pensée » équivaut tantôt à formes concrètes, tantôt à aspect subjectif. Aussi là où il paraissait y avoir des discontinuités, il existe un « puzzle » et il faut chercher la manière d' « emboîter les pièces ». A cette fin il faut tâter de toutes parts, faire des « prospections », élargissant en bas et en haut. On n’a pas le droit d’oublier les extrêmes : haut et bas de la pensée. « L’autre en tant qu’autre », la dualité du sujet et de l’objet ne nous fera pas oublier que « reste incoercible l’exigence d’unité pour la pensée consciente de son vœu essentiel ». P. xxii. Il ne faut pas en rester à « la cage tournante… des oppositions intestines ». La métaphysique doit tout fondre en son baume. Par delà les manifestations multiples de la pensée, la tâche est donc de retrouver la solidarité essentielle de ces manifestations multiples là où elle est, c’est-à-dire en une « pensée en soi », plutôt qu’en une « pensée en nous » dont la « pensée en soi » seule rendra compte. Ainsi, il faut avoir l’espoir qu'à examiner la pensée on y trouvera plus que le chaos qui s’y perçoit d’abord. P. xxiv. Ce sont les spéculations partielles et partiales, plus exactement les découpages arbitraires des abstractions qui perpétuent le chaos, tandis qu’au concret la pensée réelle est un rythme vital et unitaire. Le livre qu'écrit M. Blondel expliquera cela progressivement. La grande erreur des naïfs est « de fonder les réalités une à une, comme si chaque être formait un tout indépendant des autres dans son individualité close ». L’unité pacifiante cherchée est d’ailleurs moins une évasion hors de la mêlée des choses qu’une unité sous-jacente aux apparences. P. XXVII. On partira à la recherche de la pensée, où tout s’unilie dans l'être. Cette méthode d'étude de la pensée « risque d'émouvoir » ceux qui pensent tenir déjà du vrai de telle manière que, pour ce qu’ils ignorent, il leur suflirait de « s’annexer tout champ nouveau d’investigation ». Ces esprits timorés auraient tort de s'émouvoir de la sorte. En réalité la philosophie que veut construire M. Blondel n’est pas établie au même étage que la leur. C’est ce que tout de suite on va montrer par « quelques anticipations ». P. xxix. Puisqu’il s’agit en somme d’un nouveau « Discours sur la méthode », il convient d’y insister : trouver cette

nouvelle vérité métaphysique qu’on cherche, demande qu’on ait préalablement trouvé une nouvelle méthode d’accès. Seulement cet instrument méthodique ne peut être établi entièrement a priori et il restera à le limer suivant les besoins de l’enquête. On cherchera l’i invariant » de toutes les pensées, « la présence effective ou même efficiente d’un dynamisme reliant tous les états en apparence épars ou même exclusifs les uns des autres ». Cela doit être fait avec une grande ampleur, car la science de la pensée doit comprendre tout ce qui touche la pensée, par exemple « l’ordre universel du monde physique ». P. xxxi. Si des données réelles sont possibles, si la conscience est possible, c’est que toutes ces assertions sont unies par une « connexion entière ». Pour s’en rendre compte, il ne faut pas suivre les chemins battus mais les fourrés mal explorés. La vie comme la pensée ne serait-elle pas une idée unitaire ? On partira donc des pensées les plus bassement naturelles, p. xxxiv, dans le but de préciser finalement les origines et la nature de la pensée unitaire. Il faut considérer non seulement l’efficacité mais la vérité de la pensée. En ce sens, la pensée impliquée dans les pensées doit être cherchée comme l’unité explicative de tout le reste. Ainsi, à la place des prétendues vérités abstraites, il faut découvrir la vérité une impliquée. P. xxxvi. A travers les apparentes cacophonies, il faut débrouiller « la symphonie totale de la pensée ». Pour cela M. Blondel désire faire abstraction de tous les conflits et de toutes les régions de conflits. Ce ne sera pas une exclusion arbitraire que l'éloignement de ces zones de conflits. En effet « le monde réel ne comporte pas les séparations facticement instituées par notre art et notre technique ». Hélas, en ce bas monde, il est impossible d’unir en un hymen absolu et souhaitable l’objet et le sujet seulement fiancés et promis à l’unité. P. xxxix. Peut-on cependant se résoudre à n’avoir de la pensée que la connaissance inférieure qui concerne ses opacités troublées ? Quand on connaîtra la pensée véritable, tout le reste s'éclairera, car la pensée est clarté universelle. P. xl. Qu’on oublie donc toute métaphysique préjugée. Qu’on chasse les fantômes pour qu’apparaisse la « pensée pure ». L'étude de la « pensée cosmique », p. xli, introduira ainsi à la connaissance de « la pensée réelle hors de la pensée pensante ou pensée ». Titre de la première partie.

On s’est astreint à résumer ainsi en une phrase chacun des alinéas des 1 500 pages in-8° des trois volumes récemment publiés par M. Blondel. Il est regrettable qu’on ne puisse donner ici cette analyse, seul moyen impartial pour entrer dans la pensée philosophique de M. Blondel. On verrait de la sorte qu’on semble pouvoir résumer son réalisme déficient dans cette proposition qu’il énonce ainsi (La pensée, 1. 1, p. 130) : « Les objets auxquels se prend la pensée ne trouvent leur stabilité spécifiée que par un artifice de langage. » On peut encore citer cette proposition, ibid. : « Nous substantivons les choses que nous savons n'être point des substances ; » et encore, p. 131 : « La notion d’objet… est un de ces découpages, mensonge chronique, improbité ruineuse. » Le ton est identique p. 20 : « D’après les implications réciproques qui résultent de nos constats directs, la matière apparaît non comme une chose à part, comme un être indépendant du reste et même d’un Créateur et encore moins comme une créature sui generis. » Et, p. 346 : « Spontanément la conscience projette tout ce qu’elle connaît, même de ses propres états ou des élaborations auxquelles elle participe, sous la forme d’objets, comme si elle était le simple témoin d’un réel indépendant d’elle-même. C’est ainsi que les impressions les plus subjectives sont toujours naïvement « objectivées. »

Si l’on n’avait pas affaire à une reprise par M. Blondel du réalisme déficient du P. Labcrthonnière, on pourrait être tenté de déclarer ce philosophe un pur