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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/259

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1931 RÉDEMPTION. PROBLÈME DE LA TRADITION PATRISTIQUE

1932

l’ordre humain. Tour à tour, la mort du Christ est donnée comme une rançon, I Tim., ii, 6, un sacrifice, I Cor., v, 7 et Eph., v, 2, spécialement un sacrifice propitiatoire, Rom., iii, 25, mais aussi comme un acte de médiation réconciliatrice, Rom., v, 9-10 ; Eph., ii, 1 1-18 ; I Tim., ii, 5, dont la solidarité qui nous unit à notre chef mystique, Eph., IV, 15 et Col., i, 18, étend jusqu'à nous la vertu. Rom., v, 15 ; I Cor., xv, 21-22.

Pour expliquer la raison interne qui donne au drame du Calvaire sa valeur devant Dieu, l’Apôtre ouvre à l’esprit deux voies différentes, mais complémentaires. Tantôt c’est la souffrance imméritée du Juste qui retient son attention. Rom., iv, 25 et viii, 32. Rien fine, même lorsqu’il le montre devenu « péché », Il Cor., v, 21, ou « malédiction pour nous », Gal., iii, 13, contrairement à l’exégèse excessive de J. Holtzmann, reprise par A. Médebielle, art. Expiation, col. 180-181, il ne soumette jamais le Christ à la colère divine, il n’en invite pas moins à voir dans sa mort l’expiation de la peine due à nos péchés. Tantôt il insiste davantage, et avec non moins d'énergie, sur l’aspect volontaire, Phil., ii, 0-8, voire même spontané, Gal., i, 4 et ii, 20 ; Eph., v, 25 ; I Tim., ii, (i, de cette mort, en soulignant qu’elle doit à ce caractère d'être « un sacrifice d’agréable odeur » devant Dieu, Eph., v, 2, et de constituer un acte d’obéissance propre à compenser la révolte d’Adam. Rom., v, 19.

Qu’on regarde à la puissance de l’affirmation dogmatique ou à la richesse de l’analyse théologique, saint Paul léguait à l’avenir un capital qui ne serait pas perdu. Mais l’histoire doit maintenir qu'à cet égard, loin d'être un créateur, comme on l’a voulu, il ne faisait que développer la foi de tous.

3. Derniers écrits du Nouveau Testament.

Sauf saint Jacques et saint Jude, qui ne quittent guère le terrain pratique, les derniers écrivains du Nouveau Testament rendent à la foi de l'Église naissante, chacun à sa façon, le même témoignage fondamental.

a) Toute paulinienne de fond sinon de forme, l'épitrc aux Hébreux a pour but d'établir la caducité de l’Ancien Testament sur le plan particulier du sacrifice.

En regard des rites lévitiques, incapables, par leur caractère trop matériel, soit de purifier les âmes, ix, 9, 13 et x, 1-1, soit de plaire à Dieu, x, 5-8, l’auteur place l'œuvre du Christ, qui a offert une fois pour toutes le sacrifice de son propre sang, parfaitement et définitivement efficace pour la rémission de nos péchés, ix, 24-28 et x, 9-14. Valeur due tant à la personne du prêtre, vii, 20-28, qu’aux sentiments intimes dont procède son oblation, ii, 9-10, 14-18 ; v, 7-9 ; x, 5-9. La mystique et la théologie postérieures du sacrifice rédempteur, l’une et l’autre extrêmement abondantes, se dérouleront dans le cadre ainsi tracé. Voir A. Médebielle, art. Expiation, col. 190-202.

b) Chez saint Pierre, le rituel de l’ablution, I Petr., i, 2, puis le sacrifice de l’agneau pascal, ibid., 18-19, cf. II Petr., ii, 1, servent à décrire l’efficacité rédemptrice de la mort du Christ. Au passage, l’Apôtre cite et commente également l’oracle d’Isaïe sur la souffrance expiatoire du serviteur innocent. I l’etr.. ii, 21-25. Un peu plus loin, ibid., iii, 18, son langage rappelle celui de l'épître aux Hébreux, quand il parle du Christ « mort une seule fois pour nos péchés, lui juste pour nous pécheurs, en vue de nous rapprocher de Dieu ». Cf. A. Médebielle. lor. riL, col. 2 12-253.

c) Dans les écrits johnnniqucs, avec l'œuvre générale de lumière et de vie qui tient à la personne du

Verbe Incarné, s’affirme aussi le rôle de la croix.

Au cours (u quatrième Évangile, la parole mystérieuse de Jean-Baptiste sur « l’agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde », Joa., i, 29, 30, et la prédiction

involontaire de Caïphe sur la providentielle nécessité de sa mort, xi, 50-53 et xviii, 14, vont de pair avec les déclarations personnelles de Jésus, voir col. 1927. Selon l’Apocalypse, les élus sont rachetés, i, 5 ; v, 9 ; xiv, 34, et purifiés, vii, 1 1, cf. xxii, 14, par l’immolation de l’agneau. Pour détruire le règne du démon et du péché, ce qui était le but principal de l’avènement du Christ, I Joa., iii, 5 et 8, la première des épîtres johannines fait aussi intervenir la vertu de son sang, i, 7. Où l’Apôtre, avec saint Paul, voit une preuve de l’amour de Dieu, qui envoya son Fils « comme victime de propitiation pour nos péchés ». tv, 10 ; cf. ii, 1-2. Voir A. Médebielle, toc. cit., col. 202-242.

Cette œuvre de rachat spirituel et de réconciliation avec Dieu, que l’Ancien Testament attendait du Messie, dont le Christ s’est proclamé l’agent, l'Église apostolique tout entière a eu la conviction d’en jouir, et ces divers témoins de la révélation divine sont d’accord pour la rapporter au sacrifice du Sauveur. Aux formules techniques près, tout le dogme chrétien de la rédemption est là.


III. Tradition patbistique : « PiiiiPÉruiTii de la foi ». —

Mise en possession d’une doctrine aussi explicite, il est difficile d’imaginer comment l'Église aurait pu ne pas s’y tenir, à plus forte raison de concevoir qu’elle en ait dévié. De fait, envisagé sans parti pris, le rôle de la tradition ecclésiastique à cet égard apparaît avant tout comme celui d’une fidèle et active conservation.

Néanmoins, d’après les historiens adverses, entre la période patristique et le Moyen Age, où le dogme de la rédemption prit sa forme actuelle, il y aurait la plus flagrante discontinuité, avec la circonstance aggravante des pires déformations au regard de l'Écriture et du sens moral. La sotériologie chrétienne aurait d’abord passé par une phase archaïque, « celle des Pères de l'Église, … dominée par la notion mythologique d’une rançon payée par Dieu à Satan ». A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, p. 90. Thèse classique chez les protestants depuis Chr. Raur (Loskaufsou Redemplionstheorié), reproduite à ce titre par d’innombrables vulgarisateurs, souvent d’ailleurs embellie d’un prétendu marché (Tauschtheorie), qui se complique lui-même d’une clause frauduleuse par où Dieu jouerait son partenaire (Listlheorie), en attendant que J. Tunnel, sous le pseudonyme d' « Hippolyte Gallcrand » puis sous son propre nom, entreprît de l'ériger à la hauteur de la science. A quoi s’ajouterait, d’après A. Ritschl et Ad. Harnack, une divergence entre l'Église latine et l'Église grecque, celle-ci faisant dépendre uniquement le salut de l’incarnation. Une indifférence très répandue sur la portée de la passion du Christ achèverait le tableau.

En réalité, il ne s’agit là que de synthèses polémiques ou cavalièrement simplifiées, qu’on élève à plaisir au mépris des faits les plus certains, et dont la critique objective a déjà fait bonne justice. Il nous suffira de présenter ici les conclusions acquises, avec un minimum de documentation à l’appui, en renvoyant, pour une justification plus étendue, aux monographies déjà nombreuses, voir à la bibliographie, col. 199°), dont cette doctrine fut l’objet surle terrain positif.

Pour ne rien dire de l’insuffisance parfois dérisoire du dossier qui les soutient, un vice radical de méthode est commun aux plus monumentales comme aux plus sommaires des systématisations pseudo-historiques au nom desquelles il est entendu que la tradition catholique devrait être déboulée sans appel de ses prétentions à une perpétuelle stabilité in codent sensu eademque sententia, finîtes ont le tort de ne s’attacher qu'à des phénomènes de surface, et qui n’intéressent que la spéculation théologique ou moins encore, en