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- QUESNEL##
QUESNEL. LES. RÉFLEXIONS MORALES
1480
Ions, Taris, 1671, in-12. Dans cette première édition, Quesnel l’ail aux âmes chrétiennes une obligation de lire le texte des évangiles et il s’appuie sur la version de Mons, qui avait été condamnée trois ans auparavant. On y trouve linéiques idées de Y Augustinus, plus ou moins dissimulées, el quelques-unes des propositions qui seront condamnées en 1713. AI. Gazier parle de dix propositions. Histoire du mouvement janséniste, t. t, p. 234. Languet de Gergy, de son côté, écrit dans les Mémoires de Mme de Muintenon : < En examinant eetle première édition, je n’y ai trouvé que cinq propositions qui ont fait l’objet de la censure de Clément XI. ».Mais les tendances s’accusaient déjà par le choix voulu de la traduction de Mons, chère aux jansénistes. Le pape Clément XI déclarera qu’une des raisons pour lesquelles le livre de Quesnel fut condamné, c’est la traduction qui y est employée. Dans l'écrit lui-même, on lil des réflexions équivoques, comme celle-ci : « Quand Dieu veut sauver l'âme, en tout temps, en tout lieu, l’indubitable effet suit le vouloir de Dieu » (Alarc, ii, 11), ce qui pourrait être entendu en ce sens que la grâce est irrésistible et que Dieu ne veut sauver que les élus ; on lit encore les propositions suivantes : « Moïse et les prophètes sont morts sans donner des enfants à Dieu, n’ayant fait que des enfants de crainte » (Alarc, xii, 19) ; « Dieu ne récompense que la charité parce que la charité seule honore Dieu. » (Mat th., xxv, 36).
Quoi qu’il en soit, le livre eut beaucoup de succès, et il n’y eut aucune plainte, disent les jansénistes. Une 2e édition parut en 1674, et une 3e en 1679, toujours en un seul volume, mais avec quelques menues additions. Il y eut alors quelques protestations, mais isolées. Toutefois, il n’est pas exact de dire, avec les amis de Quesnel, que l’applaudissement fut universel pendant vingt-cinq ans, vingt-sept ans, trente ans et même quarante ans » (ces divers chiffres sont donnés par des documents jansénistes).
lui 1680, Noailles succéda à Yialarl sur le siège de Châlons et il approuva l'écrit de Quesnel, mais il ne donna une approbation formelle que plus tard, par son mandement du 23 juin 16 ! >.">. Nous avons vu que Quesnel, après l'édition des Œuvres de suint Léon et surtout après son refus de se soumettre aux ordres donnés par le général de l’Oratoire, dut quitter Taris et se retirer à Orléans, puis il s’exila dans les Pays-Bas, où il demeura près d’Arnauld, qui mourut le H août 1694, laissant Quesnel le chef du groupe janséniste. C’est durant cette période que Quesnel reprit et compléta son travail. En 1687 parut une nouvelle édition, fort augmentée, qui contenait tout le reste du Nouveau Testament, les Actes des apôtres et les épîtres. Ce fut V’Abrégé de tu monde des Actes des apôtres, des épttres de s<iint l’uni, des épilres canoniques cl de l’Apocalypse ou Pensées chrétiennes sur le texte de ces Livres sucrés, Paris, 16K7, 2 vol. in-12. Les réflexions sont courtes, comme dans le premier écrit, et elles parurent, avec le mandement de Yialarl et par l’ordre de l'évêque de Châlons ; or, il est bien (Aident que l’approbation de Yialart ne pouvait s’appliquer à cet écrit puisque le prélat était mort en 1680. L’ouvrage portait l’approbation d’Ellies Dupin (21 févr. 1687) ; Nicole, dans nue lettre d’octobre 1689, fait un grand éloge de cet écrit, i tel qu’il n’en trouve pas de plus digne d’un prêtre, de plus utile à l'Église, de plus propre à tout le monde, cl. s’il avait à choisir un livre avec le Nouveau Testament, à l’exclusion de tout autre, c’est celui-là qu’il prendrait… Tout paraît non seulement solide, mais ravissant. Les lumières y sont vives et profondes et dans une abondance prodigieuse. Il remplit et passe Infiniment toutes les idées… o Nicole déclare qu’il ne peut.se charger de surveiller l'édition, a cause de la faiblesse
de sa vue, et il ajoute : « Ce que j’en ai vu me suffit, ce me semble, pour pouvoir dire que cet ouvrage n’a point du loul besoin d'être revu. Il est d’une exactit ude prodigieuse : il n’y a pas la moindre inutilité. Je ne sais si l’on y pourra ajouter, mais je sais bien qu’il n’y a rien a ôter… Enfin, ma pensée est que, sans penser à des revisions, additions, retranchements, transcriptions, on songeât au plus tôt à faire jouir l'Église de cet ouvrage en l'état où il est ; car tout le reste est peu important. »
L’ouvrage parut enfin en quatre volumes in-8°, en 1692, avec la seule traduction française, puis en 1(393, avec le texte latin, sous le titre : Le Nouveau Testament en français, avec des réflexions momies sur chaque verset pour en rendre lu lecture plus utile et lu méditation plus aisée ; une autre édition parut en 1(595. Antoine de Noailles, le futur archevêque de Paris et cardinal, était alors évêque de Châlons : il en recommanda la lecture à son clergé, par un mandement du 23 juin 1695. Noailles, s’appuyànt sur l’approbation de Vialart, son prédécesseur, dont le mandement en date de 1671 paraissait toujours en tête des quatre volumes de 1695, ajoutait : « Quel fruit n’en devons-nous pas espérer pour vous, présentement que l’auteur l’a augmenté et enrichi de plusieurs saintes et savantes réflexions'? qu’il a ramassé ce que les saints Pères ont écrit de plus beau et de plus touchant sur le Nouveau Testament, et en a fait un extrait plein d’onction et de lumière ? Les difficultés y sont expliquées avec netteté, et les plus sublimes vérités de la religion traitées avec cette force et cette douceur du Saint-Esprit, qui les fait goûter aux cœurs les plus durs. Vous y trouverez de quoi vous instruire et vous édifier. Vous y apprendrez à enseigner les peuples que vous avez à conduire… Ainsi ce livre vous tiendra lieu d’une bibliothèque entière ; il vous remplira de l'éminente science de Jésus-Christ… » Cette approbation, écrit Languet de Gergy, « a été la première cause de toutes les divisions qui ont agité l'Église de France ».
L’Histoire du livre des Réflexions morales ajoute d’autres approbations : celle de Jean-Baptiste-Gaston de Noailles, qui en 1696 succéda à son frère, devenu archevêque de Taris (25 févr. 1697) ; celle de AI. d’Urfé, évêque de Limoges ; de M. Girard, évêque de Poitiers ; de AI. de Montgaillard, évêque de Saint-Pons ; de AI. de Bissy, alors évêque de foui. Ce dernier exhorte ses prêtres à se faire une petite bibliothèque de bons livres et, dans cette bibliothèque, il place le livre de Quesnel. Le T. La Chaise, disent les jansénistes, comptait le livre de Quesnel parmi ses livres de piété, et Quesnel, dans ses Entretiens sur le décret de Home, raconte que Bourdaloue parla très avantageusement de ses Réflexions en bonne compagnie, chez AI. de Lamoignon, avocat général ; il prétend même que Clément NI en a parlé « comme d’un livre dont la doctrine était bonne ». M. Albert Le Roy, dans son ouvrage si partial en faveur de Quesnel, parle à ce sujet « de certaines anecdotes fantaisistes » et déclare que de telles allégations n’ont aucune valeur critique :
ce sont des commérages d’histoire > ; niais le même auteur dit que, pendant vingt-cinq ans, « ce fut un applaudissement général », ce qui évidemment est 1res exagéré, car il y eut des soupçons graves, presquedès le début. D’ailleurs, il faut remarquer que beaucoup d’approbations, dont se réjouissent les jansénistes, ne s’appliquent qu’aux premières éditions. Or les t’dit ions successives sont considérablement augmentées et modifiées : elles renferment de nombreuses propositions qu’on ne trouve pas dans l'édition approuvée par Vialart, bien que Quesnel prétende, dans les Vains efforts des jésuites, qu’un seul esprit anime toutes les éditions plus ou moins développées et que les mêmes doctrines soient affirmées dans tous