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RELATIONS DIVINES LEUR SURSISTENCE


Ce principe posé, il devient évident que, si la relation, comme telle, est totalement étrangère au concept de substance ou d’accident, il lui devient, en réalité, indifférent d’être substance ou d’être accident. Or, la révélation nous faisant connaître l’existence en Dieu de relations réelles, notre esprit, éclairé par cette révélation même, arrive à concevoir que Veste in des relations qui constituent les divines personnes, n’est pas un esse in alio, mais un esse in se. Ainsi, puisque la relation, en tant que telle, n’est pas conçue par rapport au sujet dans lequel elle se trouve, mais par comparaison au terme auquel elle rapporte ce sujet, il s’ensuit que le concept d’un tel rapport est en soi indifférent à la nature de l’être qui lui donne sa réalité. L’aspect de l’esse ad dans la relation réelle s’accommode tout aussi bien d’une réalité qui lui est conférée par un esse in alio (inhérence accidentelle) que d’une réalité qui lui est conférée par un esse in se (subsistence). Et ainsi, nous arrivons logiquement au concept de relation subsistante, lequel, en vérité, ne peut se vérifier qu’en Dieu.

On comprend par là comment les théologiens peuvent affirmer que deux prédicaments seulement, la substance et la relation, peuvent se rencontrer en Dieu. De toute évidence, il ne s’agit pas de faire rentrer la divinité dans les catégories d’Aristote. Mais on transporte en Dieu, d’une manière analogique et transcendante, en le dépouillant de toute imperfection, le concept de la substance et celui de la relation. Cf. S. Thomas, In 7um Sent., dist. VIII, q. iv, a.3 : Sum. theol, I a, q. xxvhi, a. 2, ad lum.

2. Réalité en Dieu.

Que les relations réelles dont la foi nous oblige à admettre la présence en Dieu soient des relations subsistantes, c’est-à-dire s’identi fiant avec la substance divine, la raison théologique le démontre péremptoirement et les documents du magistère l’attestent : à cette double démonstration, saint Thomas ajoute un argument tiré de la liturgie.

a) Raison Ihéologique. - — Dans toute relation réelle, avons-nous dit, l’esse in est le titre même de sa réalité. Or, tout ce qui en Dieu possède un être réel s’identifie avec la substance divine elle-même. D’ailleurs la simplicité divine s’oppose à ce qu’il y ait en Dieu la moindre composition, ce qui serait si les relations ne s’identifiaient pas réellement avec la substance de Dieu.

b) Documents du magistère. — Le concile de Reims (1148) condamne Gilbert de La Porrée qui distingue Dieu et la divinité, l’essence et les relations. Credimus et confilemur, dit le concile, solum Deum Patrem et Filium et Spiritum sanctum adernum esse, nec aliquas omnino res, sive relationes, sive proprielales, sive singularitales vel imitâtes dicantur, et hujusmodi alia, adesse Deo, quæ sint ab œterno, quæ non sint Deus. Denz.-Bannw. , n. 391 ; Cav., n. 597.

Joachim de Flore ne reconnaissait, avons-nous déjà dit, qu’une unité de ressemblance entre les trois personnes, de sorte que, pour lui, la substance divine diffère des personnes, nouvelle et distincte en chacune d’elles, comme l’humanité est nouvelle et distincte en chaque individu humain. Le IVe concile du Latran condamne cette sorte de quaternité en Dieu et rappelle que quæltbet trium personarum est illa res, uidelicet substantiel, essenlia seu naturel dioina. De cette affirmation dogmatique découle immédiatement la vérité que la relation réelle en Dieu est subsistante, c’est-à-dire s’identifie onlologiquement avec l’essence divine : et cette unique réalité de l’essence divine n’est, ajoute le concile, « ni génératrice, ni engendrée, ni procédante, mais elle est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède ». Denz.-Bannw., n. 432 ; Cav., n. fini.

c) Argument tiré de la liturgie. — La préface de la Trinité nous fait dire : Et in personis proprielas, et in

essenlia imitas et in majeslate adoretur œqualitas. C’est d’une unique adoration qu’on doit rendre hommage à la propriété, c’est-à-dire à la relation et à l’essence divine. Donc, relation et essence sont la même réalité. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xxviii, a. 2, Sed contra. La note théologique à donner à cet enseignement est théologiquement certain. Ce n’est, en effet, que par voie de déduction que notre esprit conçoit les relations divines, objet de sa foi, comme des relations subsistantes.

3. Fondement des relations subsistantes.

- Le fondement des relations divines subsistantes ne peut être que réel, puisque réelles sont les relations ; et d’autre part, il ne pe-it se distinguer réellement des relations.

Au point de vue logique, le fondement qui nous conduit, en Dieu, à connaître les relations subsistantes, ce sont les processions divines. Voir ci-dessus, col. 2136. On doit donc dire que les relations divines, signifiées par mode d’origine, sont à elles-mêmes leur propre fondement. Au point de vue ontologique, les relations subsistantes, précisément parce que subsistantes, sont leur propre fondement : elles se posent elles-mêmes dans l’essence divine. Cf. Billot, op. cit., p. 389-390. Le P. Galtier conçoit les processions, non seulement comme fondement logique, mais encore comme fondement ontologique. Op. cit., n. 270. La chose est de peu d’importance.

De toute façon, il faut conclure qu’en Dieu, procession et relation s’identifient, non seulement dans la réalité, mais même dans leur concept : « la raison d’origine est contenue dans la raison formelle de relation subsistante par le fait même qu’elle est subsistante, tout comme la raison de substance est contenue dans la raison formelle de sagesse divine par le fait même qu’il s’agit de sagesse divine. Toutefois, comme l’une n’est contenue dans l’autre que d’une manière formelle implicite et non explicite (il faut en effet un raisonnement pour faire apparaître leur équivalence), on doit ajouter que la raison d’origine et. la raison de relation subsistante diffèrent entre elles comme l’implicite de l’explicite. » Billot, op. cit., p. 421.

4. Perfection des relations subsistantes : cette perfection est-elle principe de limitation ? — Le concept que nous devons nous faire de la perfection des relations subsistantes est en dépendance des principes philosophiques ci-dessus exposés.

L’école de Suarez, qui tient que le concept de l’esse ad implique nécessairement et par lui-même l’esse iii, ne peut pas ne pas conclure que, par elles-mêmes, les relations subsistantes sont des perfections, bien plus, puisque les relations se distinguent en Dieu en supposant, des perfections qui s’opposent et s’excluent. Opposition et exclusion qji n’impliquent pas de limitations réciproques. Pour étayer son système, Suarez distingue deux sortes de perfections : les perfections simplement simples et les perfections non simplement simples. Les premières sont préférables à leur privation ; les secondes n’apportent à qui les possède aucune supériorité sur qui ne les possède pas, précisément parce qu’il est de leur essence d’appartenir à l’un et non à l’autre. Ainsi, les relations subsistantes sont des perfections non simplement simples : la paternité donne au Père une perfection qui n’apporte aucune limitation, aucune restriction à la perfection du Fils, précisément parce que le Père doit être père et le Fils, lils. De Trinitate, t. III, c. ix et x. On retrouve cette doctrine chez les jésuites Grégoire de Valencia, Jacques Granado, Arrubal, Ruiz, Plalel, et chez les dominicains Ledesma et Gonzalès ; on en retrouve des échos chez les modernes disciples de Suarez : les théologiens de Wurtzhourg, De Trinitate, n. 367 ; Tepe, De Deo uno et Irino, p. 392-393. Il est difficile de se rallier à pareille explication : Tout d’abord cette distinction