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    1. RELIQUES##


RELIQUES. L’AGE DES PERSÉCUTIONS

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consigne qu’il faut avoir grand soin « de donner la sépulture aux corps des martyrs et des autres ; négliger de le faire pour ceux à qui incombe ce devoir serait un grand péril. Quiconque d’entre vous aura la moindre occasion de remplir cet office, nous sommes certain qu’il sera jugé [par Dieu] comme un bon serviteur ». Epist., viii, n. 3, p. 488. Il n’empêche que saint Cyprien ne connaît encore, dans son Afrique si fervente pour ses martyrs, aucune des manifestations de piété qu’au siècle suivant saint Optât et saint Augustin verront se développer autour des corps saints. Au moment de mourir, l’évêque de Carthage prévient même une marque de dévotion qu’il juge intempestive : « Il arriva en hâte, dit son diacre Pontius, jusqu’à l’atrium Sauciolum : il était en sueur. Un soldat, jadis chrétien, lui offrit des vêtements secs, dans la pensée sans doute de garder ceux du martyr. Cyprien refusa, en lui disant avec bonté : « Soyez tranquille, c’est un malaise dont je serai guéri avant ce soir. » Vila Cypriani, Hartel, p. cvm.

Quant aux actes de piété individuels, même approuvés par l’autorité, il faut bien se résigner à en ignorer, dans ces siècles reculés, la plupart des manifestations. Quand quelqu’une d’entre elles transparaît dans les lettres des Pères d’Afrique, elle fait l’impression d’une chose admise par tous, du moins aux abords du [e siècle : ainsi saint Optât nous apprend qu’à la suite de la persécution de Dioclétien une matrone de Carthage, avant de communier, baisait dévotement les reliques de son martyr favori : le rite était courant, mais le malheur c’est que le prétendu martyr n’avait pas été vindicatus, reconnu par l’évêque, qui en fit à la dame un blâme sévère. De schismale dmatislarum, I. I, c. xvi, P. L., t. xi, col. 91()-<J17.

2. Les Alexandrins.

Parmi les écrivains ecclésiastiques du début du iiie siècle, les docteurs alexandrins sont naturellement très réticents sur la vénération des reliques. Non pas que ce culte fût inconnu, de leur temps, dans l’Eglise d’Egypte et Djnys signale avec éloge un diacre d’Alexandrie qui « ensevelissait, au péril de sa vie, les corps des bienheureux martyrs désormais consommés en Dieu ». Dans Eusèbe, H. E., t. VII, c. xi, 24. Mais l’Egypte n’avait pas beaucoup soulïert des premières persécutions et sous celle de Dècc, l’évêque et les chefs du Didascalée avaient pris le parti de la fuite. L’ambiance n’était pas à l’héroïsme. Quant à l’enseignement, il négligeait systématiquement tout ce qui concerne le culte extérieur. Aussi Clément, qui bavarde de tout, ne trouve pas un mot à dire à ses élèves du Didascalée sur les glorieux restes des héros du Christ. Quant à Origènc qui aurait bien passé sous silence les temples et les autels chrétiens, s’ils n’avaient pas frappé les yeux des païens eux-mêmes — Contra Celsum, I. III, c. xxxiv et 1. VI II, c. xviii — lui, qui interprétait dans un sens tout spirituel la vision de saint Jean sur les âmes des martyrs « près de l’autel céleste », Exhorlatio ad mariyrium, n. 30, il se gardait lui-même, comme d’un culte inférieur, de la vénération d’objets matériels, « bons tout au plus pour aider la faiblesse des chrétiens ignorants », Contra Celsum, 1. VII I, c. xxiii, et mettait ses disciples en garde contre l’adoration d’une créature, alors qlie le Créateur sullit à toutes nos prières. Exhorlatio, n. 7.

5° La messe, aux tombeaux dr.s martyrs. - Mais il était une dernière manifestation de culte qui manquait encore aux reliques des martyrs : c’était de les associer au sacrifice liturgique. Cette innovation est à nu-tire au compte, non du paganisme, mais de la persécution romaine, n ne laul pas oublier que c’est à leur corps défendant que les chrél lens en vinrent à célébrer leurs assemblées dans les catacombes qui n’étaient pas des églises. Si les cimetières de la Rome souterraine furent ainsi utilisés, c’est que le culte des morts était une des

rares activités sociales qu’il fût loisible de pratiquer librement, et en vue de quoi il fût permis de posséder des immeubles. Or qui ne voit comment la présence, dans ces galeries souterraines, de loeuli étages où se faisaient ensevelir les fidèles, donnait au culte chrétien primitif un caractère funéraire prononcé" ? Comment surtout la disposition des tombes les plus nobles, celles des pontifes et des martyrs, dans des chambres moins étroites que les couloirs, les désignaient pour les réui. piis liturgiques aux jours anniversaires de leur mort, sans préjudice des troisième, septième et trentième jours, où les Romains avaient coutume de faire leurs repas mortuaires ? C’est, en ellet, sous cette forme de réunions funéraires que nous apparaît d’abord à Rome le culte des martyrs, le culte des reliques par conséquent, puisque ces réunions se faisaient à leurs tombeaux. Selon toute vraisemblance, ces réunions remontent aux premières années de la chrétienté romaine ; et l’on en a des attestations pour le iie siècle, si bien que l’on a pu dire : « Les anniversaires des martyrs remontent jusqu’au iie siècle. » L. Duchesne, Origines du eulte chrétien, 4e édit., p. 290. En la plupart des pays, cette commémoraison des principaux martyrs avait dès lors un caractère officiel : la chose est attestée pour saint Polycarpe à Smyrne dès la moitié du iie siècle, et pour l’Afrique au milieu du ine : quolies martijrum passiones et dics anniversaria commemoratione celebramus. Cyprien, Epist., xxxiv, n. 3, Ha.tel, p. 583. Mais à Rome, soit que ces anniversaires fussent laissés d’abord à la dévotion des amis et des proches, soit qu’ils aient été entravés durant les persécutions de Marc-Aurèle, « les plus anciens calendriers de Rome ignorent les martyrs du iie siècle, tels que le pape Télesphoreet saint Justin ; les plus anciennes épitaphes négligent d’indiquer le jour de la mort ; ce n’est qu’au ine siècle, selon toutes les vraisemblances, que la commémoration des anniversaires a été célébrée à Rome ». A. Dufourcq, Diclionn. d’histoire et géogr. eccl., t. i, col. 405.

La liste de ces anniversaires s’allongea peu à peu dans les diverses Églises, et fut libellée manifestement d’apris celle des anniversaires profanes. « Les monuments funéraires contenaient, habituellement, en effet, un tableau des repas célébrés aux anniversaires de naissance des donateurs, et ces fêtes étaient toutes également désignées par une formule analogue à celle-ci : VIII. ht. Mur. Nalali Cœscnni palris ; xill. K. Sept. Nu[lale Cœse]nni Siluani jralris ; xix. K. lan. N[alale Ceesenni liu/i pali[oni] », cité par Fouard, Saint Pierre, p. 435, note 2. Quand on rapproche de cette inscription romaine profane le calendrier romain chrétien de 336, recueilli par le chronographe de 354, on constate que les anniversaires chrétiens sont tous uniformément annoncés par le même mot Natale, qu’il s’agisse de la date commémorât ive de l’inauguration d’un pontificat, telle que Natale Pétri de Cathedra, ou de l’anniversaire de la passion d’un martyr. On a simplement transféré au jour de la mort le mot que les païens appliquaient à la naissance terrestre : « Quand vous entendez parler du jour de naissance des saints, natalem sanctorum, explique saint Pierre Chrysologue à ses convertis de Ravenne, « ne pensez pas « qu’il s’agisse du jour où ils naissent de la chair pour « la terre, mais de la terre au ciel. » Serm, cxxxix. P. L., t. lii, ccl. 555. « L’anniversaire des jours où les martyrs ont été couronnés au ciel, dit la Passion de saint Saturnin de Toulouse, nous le solennisons par dis vigiles et par la messe. »

Les assemblées funèbres se tenaient le plus près possible des saints tombeaux ; et cela sullit pour être assuré qu’elles s’adressaient bien aux reliques des martyrs.

Ii où il existait de vastes cimetières souterrains, comme à la catacombe de Domitillc, les réunions se