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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/471

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    1. RELIQUES##


RELIQUES. L’OCCIDENT MÉDIÉVAL

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bâtie par saint Louis, dans la Cité à Paris, pour recevoir la sainte couronne d’épines, etc. On se rappelle que cette dernière relique, qui faisait l’ornement d’une église de Constantinoplc, avait été cédée en gage aux Vénitiens par le roi Baudouin, alors assiégé par les Turcs ; saint Louis, voulant éviter qu’elle ne fût vendue, paya la dette du roi Baudouin et fit transporter la sainte Couronne à Sens d’abord (Il août 1230) puis à Paris, dans les asiles provisoires de Saint-Antoinedes-Champs, de Notre-Dame et de Saint-Nicolas-du-Palais ; enfin dans la Sainte-Chapelle, où elle demeura jusqu’à la Révolution française. Elle revint à Notre-Dame de Paris, le 10 août 1806.

3° Enseignement des docteurs du IXe au XIIe siècle. — Il ne manifeste aucun progrès notable chez Bède, ni chez Alcuin.

La querelle des images eut son retentissement, on le sait, en Occident au temps de Charlemagne et de Louis le Pieux au ixe siècle. Claude de Turin, dans ses commentaires de l’Ancien Testament qu’on vient de retrouver, mais qui ne sont pas encore publiés, s’élève contre le culte des corps saints. Agobard, évêque de Lyon, étend lui aussi sa méfiance jusque contre les saintes reliques : sa thèse, d’ailleurs, porte plutôt sur les abus de ce culte : « Non seulement c’est mal de rendre un honneur divin à qui on ne le doit pas, mais il est repréhensible d’honorer ambitieusement les mémorise des saints, pour en tirer gloire près du peuple. » Agobard s’appuie sur un commentaire de saint Jérôme sur Matth., xxiii, 29 : Vse vobis, scribse et pharisœi hypocrilæ, qui œdificalis sepulchra prophetarum ; mais il est manifeste que Jérôme ne condamne que l’intention orgueilleuse qui préside au geste des pharisiens. L’évêque de Lyon cite également comms un témoignage de toute l’Église, la lettre des Smyrniotes sur le martyre de saint Polycarpe ; mais il n’a pas voulu comprendre que les fidèles de Smyrne distinguent entre l’adoration de Dieu et le culte des reliques de leur évêque. Agobard, De imaginibus sanctorum, P. L., t. civ, col. 213.

Il faut bien avouer que, dans le camp orthodoxe, on faisait flèche de tout bois, tant on était sûr d’avoir la Sainte Écriture avec soi. Cela donna lieu à une passe d’armes qu’il faut ici rappeler ; car l’un des textes attaqués concerne en fait une sorte de relique. En effet, dans sa Lettre à Constantin VI et à Irène en faveur des images, le pape Hadrien donna une place importante aux exemples tirés de la Bible. Jaffé, n. 2248. Avant lui, Léonce de Chypre avait écrit un livre dont de copieux extraits furent lus au second concile de Nicée. Mansi, Concil., t. xiii, col. 44-53. Or ce livre, que le pape avait sans doute connu et mis à profit, observait que Jacob avait baisé, en l’arrosant de ses larmes, la tunique de son fils : il s’agissait bien plutôt d’une relique que d’une image sainte. Mais le pape corsa sa réponse de ce texte controuvé. Les livres carolins, parus trois ans après Nicée et composés par Alcuin sous le nom de Charlemagne, relevèrent assez durement la m prise : « Les hommes de ce concile ont prétendu à tort autoriser l’adoration des images par le texte suivant, qui, du reste, ne se trouve pas dans [a traduction sur l’hébreu : Jacob suscipiens a filiis suis vestem labe/actam Joseph, osculatus est cum lacrimis. » Libri carolini, I. I, c.xii, P. L., t. xcviii, c : > !. 1032. Mais ces livres, témoins de la discrétion des évoques francs pour la diffusion des statues et images dans leurs églises, se gardent de rien dire expressément contre la présence des reliques, qui cont inuaient plus que jamais d’y être honorées.

Malgré le soin des évêques, de fausses reliques furent parfois honorées : sans parler des supercheries anciennes, tout le Moyen Age retentit du bruit de certains faussaires. Raoul Glaber, Historia, I. IV, c. m ; Guil laume de Newbury, Historia, t. IV, c. xx ; S. Anselme, Episl., t. III, ep., xv, et d’autres. Plusieurs prélats, non contents de surveiller de près ces supercheries, s’opposèrent par leurs écrits aux abus environnants. Nul ne le fit avec autant d’àpreté que Guibert, abbé de Nogent († 1124) dans son livre De pignoribus sanctorum, P. L., t. clvi, col. 607-680. Son éditeur, dom d’Achery, a bien soin de faire remarquer que Guibert est loin de nier le culte des reliques, et il n’a pas de peine à nous convaincre ; mais il note aussi que l’abbé de Nogent-sous-Coucy exige un culte « religieux, selon la science et spirituel ». Dans le I er livre, il convient que « nous devons honneur et révérence aux reliques des saints, pour imiter leur exemple et obtenir leur protection » ; cependant ce culte est à ranger parmi « les choses que l’Église observe et prêche, mais dont beaucoup ont pu se passer et se passent encore : tels sont les corps des saints et leurs pignora, c’est-à-dire les objets qui ont été à leur usage ». On voit comment, dès le début de son ouvrage, l’auteur se met à l’aise avec la doctrine et la pratique de ce culte. Avant de rendre des honneurs à une relique, il faut être assuré : 1° de la sainteté du personnage ; 2° de l’authenticité de la relique. Sur la première question, qui sort de notre sujet, il a des remarques pertinentes et caustiques. Il exagère pourtant quand il déclare que, « pour être assuré de la sainteté d’un homme, il faut une révélation divine : definimus ul nullus pro sancto facile habeatur, nisi quoquo paclo ex divina revelatione probetur. Col. 666. Sur les fausses reliques, il cite des cas de supercheries évidentes, comme le boniment de celui qui le prit un jour à témoin qu’il avait dans son reliquaire du pain mastiqué par Notre-Seigneur. Dans le second livre, il prétend d’ailleurs qu’il ne peut exister aucune relique du corps de Jésus, puisqu’il nous a laissé comme seule relique l’eucharistie qui le contient tout entier, dans l’intégrité de son corps glorieux et « en mémoire de lui », par conséquent pour suppléer à tout mémorial corporel. Col. 630. Dans le livre suivant, il argue de la résurrection du Christ où il a repris son corps entier, et de la nécessité de la foi, qui ne s’exercerait plus si notre adoration portait sur des objets visibles ! L’argumentation vaut ce qu’elle vaut. Les conclusions ne laissent pas d’être intéressantes : elles portent contre l’authenticité de la dent de Notre-Seigneur que les moines de Saint-Médard prétendaient posséder, loc. cit., col. 651, aussi bien que contre la conservation du lait de la Sainte Vierge, que l’on montrait à Laon dans un vase de cristal. Loc. cit., col. 659. Pour les reliques des saints, Guibert ne peut être aussi absolu ; mais il plaisante au sujet des reliques en double exemplaire : « Sans parler des gens qui n’ont d’autre autorité qu’eux-mêmes, par conséquent aucune, il y en a d’autres qui ont une confiance certaine dans leurs reliques. Mais là encore, l’erreur est partout. Ainsi les uns disent qu’ils ont telle relique, et les autres prétendent avoir la même : par exemple les gens de Constantinople disent qu’ils ont la tête de saint Jean-Baptiste, et les moines de SaintJean-d’Angély affirment que ce sont eux qui l’ont I Quoi de plus ridicule sur le compte de ce grand saint que de dire qu’il eut deux têtes ? Parlons sérieusement : il est évident que les uns ou les autres se trompent lourdement. » La même difficulté se répète entre Godefroi, évêque d’Amiens, et les moines de Saint-Denis à propos du corps de saint Firmin : ils ont tous deux un corps, ceux de Saint-Denis ont en plus une inscription ; l’évêque d’Amiens en fait faire une, qui plus tard fera autorité pour le moine Nicolas de Soissous ; cf. ibid., col. 1028. Conclusion de (luibert : « Ceux qui honorent des reliques qu’ils ne connaissent pas, même si elles étaient d’un saint, ne sont pas sans s’exposer à un grand danger. S’ils les savent fausses, ils commettent un énorme