sans aucune sanctification : Ordinali ab hæretico non consecrationem aliquam acceperunt sed solam formam consecrationis absque virtute sanctificationis. Col. 11771 178. Cette forme (il faut entendre, sans doute, quelque chose d’extérieur, qui n’entre point dans l'âme), le consentement de l'Église peut l’accepter et y adjoindre (Bernold ne dit pas comment et par quoi) une virtus sanctificationis ; ou bien elle peut être éliminée par une réitération. L'Église a procédé de l’une et de l’autre manière ; d’où les divergences constatées au cours des âges. Comme on le voit, on ne saurait être plus conciliant.
Bernold revint un peu plus tard sur la question dans le De sacramentis excommunicatorum, P. L., t. cxlviii, col. 1061 sq. S’inspirant d’un texte de saint Augustin, col. 1084 D, il distingue le sacramentum et l’e/Jectus sacramenti qui est proprement la liberatio a peccatis et la cordis rectitudo ; ceci lui permet de donner une doctrine qui se rapproche davantage de la nôtre que la précédente.
Mais cette doctrine est loin d'être commune en Allemagne. Au synode de Quedlinbourg, 20 avril 1085, les évêques fidèles au pape, réunis autour du légat OJon de Ctiatillon (le futur Urbain II), proclament la nullité de l’ordination de Wézilon, archevêque intrus de Mayence et de toutes les ordinations et consécrations faites par les excommuniés « selon les décrets des saints Pères Innocent, Léon, Pelage et de son successeur Grégoire ». Voir le commentaire que donne Bernard de Constance, Liber canonum contra Henricum IV, c. xlvi, dans Libelli de lite, t. i, p. 515.
Ce n’est pas seulement en Allemagne et en France que l’on agit ainsi ; l’Italie a connu certainement, sinon au temps même de Grégoire VII, du moins dans les années qui suivent immédiatement, des réordinations. Voir Bonizon de Sutri, Decreti excerpta, dans Mai, Nova Patrum bibliotheca, t. vu c, p. 2.
2. A l'époque d’Urbain II (1088-1099). -- Avec Urbain II nous arrivons au moment où la curie romaine tente de mettre une certaine uniformité dans la pratique, pour la question étudiée, et cherche aussi à se faire à elle-même une doctrine. Cette doctrine est assez complexe et ne recouvre que très imparfaitement nos thèses classiques ; c’est le mérite de L. Saltet de l’avoir bien débrouillée en l'éclairant par un certain nombre de théories antérieures ou contemporaines.
a) Théories encours. — a. — La première, sur laquelle on arrivait, vers les années 1090, à un certain accord, était celle de la valeur reconnue à Vordinatio catholica. Elle consiste à mettre une différence entre les sacrements conférés par un ministre dont l’ordination a été certainement valide et les sacrements donnés par un ministre ordonné en dehors de l'Église. Pour fixer les idées, un évêque, régulièrement consacré dans l'Église, vient à quitter celle-ci ; il emporte avec lui, lors de sa sécession, ses pouvoirs d’ordre ; les ordinations conférées par lui sont encore valides ; mais, c’est au moins l’avis de certains, l'évêque consacré par lui ne peut plus ordonner validement d’autres sujets, car son ordination n’est pas faite dans l'Église, n’est pas une « ordination catholique ». Il s’ensuit que, en cas de retour de ce second évêque à l'Église, il n’y a pas lieu de lui renouveler la consécration, mais on la renouvellera (au moins de l’avis de certains) au troisième évêque qu’il aurait consacré, comme l’ordination aux prêtres qu’il aurait ordonnés. Pour compliquée dans l’application que nous apparaisse la théorie, elle ne laisse pas d’avoir une certaine logique interne, qui a séduit nombre de canonistes de la fin du xiie siècle. On la trouvera clairement exprimée dans le Commentaire sur saint Jean de Brunon de Segni (évêque de 1079-1123), P. L., t. clxv, col. 533. Ajoutons, pour préciser, que Brunon, lui, considère les ordination s
simoniaques, comme n'étant pas « catholiques » ; ceux qui ont été ordonnés simoniaquement, l’ont été extra Ecclesiam, et dès lors, quidquid faciunt vanum est et inutile. Ajoutons enfin que, si tout le monde, ou à peu près, s’accorde pour faire un traitement de préférence aux « ordinations catholiques », on ne s’entend plus aussi bien sur la valeur des ordres conférés par des évêques consacrés en dehors de l'Église ; encore qu’ils soient toujours jugés plus ou moins défavorablement, ils ne sont pas considérés par tous comme nuls.
Or, cette doctrine de l’ordination catholique se retrouve dans la correspondance d’Urbain II. Répondant à Anselme de Milan, le pape fait valoir, pour justifier la validité reconnue aux messes de schismatiques précédemment ordonnés dans l'Église, l’autorité des Pères. Jaiîé, n. 5387. Il est vrai que dans le texte, d’ailleurs lacuneux, il n’ajoute rien sur la validité des messes célébrées par des ministres ordonnés extra Ecclesiam. Dans une autre lettre adressée à Gebhard de Constance, son légat en Allemagne, il déclare remettre au concile général, qu’il se propose de tenir bientôt, la décision définitive en la matière ; il reconnaît d’ailleurs nettement la validité d’ordinations célébrées, mais sans simonie, par des évêques excommuniés, mais jadis catholiques. Jafïé, n. 5393. Le texte essentiel dans P. L., t. eu, col. 298 A.
b. — Une seconde théorie est celle-là même que nous avons lue sous la plume de Bernold de Constance ; elle est relative à la forma sacramenti. Elle a pris son point de départ dans une phrase de saint Léon sur la nécessité de confirmer ceux qui ont été baptisés dans l’hérésie : Con/irmandi sunt, quia formam tantum baptismi sine sanctificationis virtute sumpserunt. Epist., eux, P. L., t. nv, col. 1139 A. Cette idée a été étendue à l’ordination conférée par les hérétiques ou les gens séparés de l'Église.
Or nous entendons aussi Urbain II faire siennes ces formules. Dans une lettre adressée au prévôt Lucius de Pavie, Jafïé, n. 5743, texte dans P. L., t. cli, col. 529 sq., voir surtout col. 531D, il répond à cette question : Faut-il employer (et donc reconnaître comme valides) les sacrements et les ordinations de ces gens (séparés de l'Église)? Urbain distingue entre ministres coupables de fautes graves, mais non schismatiques, dont les sacrements sont valides (bien que l'Église, depuis quelque temps ait interdit d’y participer, sauf le cas de nécessité), et ministres qui, par schisme ou hérésie, sont en dehors de l'Église. Pour les sacrements donnés par ces derniers : formam quidem sacramentorum, non autem virtutis effectum habere profitemur, nisi cum ipsi vcl eorum sacramentis initiali, per manus impositionem ad catholicam redierinl unitatem.
Bernold de Constance ne disait pas comment, par quoi s’ajoutait à la forma sacramenti la virtus sanctificationis (dans le cas de l’ordination). Nous apprenons d’Urbain II que c’est par une imposition des mains, et une autre lettre nous donne des détails sur la cérémonie. Jafïé, n. 5378 ; P. L., ibid., col. 358 B. « Pour réconcilier les clercs ordonnés par les excommuniés, il faut les placer parmi les ordinands, les soumettre à l’imposition des mains et effectuer sur eux tous les rites de l’ordination, sauf l’onction. » Il ne s’agit évidemment que de prêtres ou d'évêques. (On remarquera, en passant, l’importance qui est ici accordée à l’onction, dont on semblerait faire l’essentiel du sacrement.) Quant aux ordres qui ne comportent pas d’onction, le diaconat et les ordres inférieurs, Urbain II ne prescrit rien ici ; mais des faits incontestables montrent comment il entendait alors que l’on procédât. Popon, archidiacre de Trêves, a été élu évêque de Metz ; Urbain consent à sa consécration ; mais, comme Popon a été ordonné diacre simoniaquement, on devra