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    1. RESURRECTION##


RESURRECTION. PROBLEME DE L’IDENTITE

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la reconstitution des corps. Cf. S. Bonaventure, dist. XLIII, dub. n ; Duns Scot, Reporl. Paris., t. IV, dist. XLIII, q. iii, n. 3, 12 ; Suarez, loc. cil.

Ce dernier auteur interrogeant les Pères, pense pouvoir affirmer que ce n’est pas le seul archange de I Thess., iv, 15 qui sera chargé de ce ministère, mais les anges en général, comme l’insinue Matth., xxiv, 12. Il ne serait même pas téméraire de penser que les cendres des élus seront recueillies par leurs anges gardiens et celles des réprouvés par les démons. Ces esprits bons et mauvais accompliront d’ailleurs cette tâche avec leurs seules forces naturelles.

3° Identité numérique des corps vivants et des corps ressuscites. — -1. Le problème. — Il ne s’agit pas de discuter le (ait de cette identité : tous les théologiens catholiques professent, comme un dogme de foi, que « tous [les hommes] ressusciteront avec leurs propres corps, ceux-là même qu’ils portent présentement ». Voir S. Thomas, In IVum Sent., dist. XLIII, q. un., a. 1, qu. 1, 2 ; Suppl., q. lxxv, a. 1, 2 ; Cont. f/ent., t. IV, c. lxxix ; Albert le Grand, In IV am Sent., dist. XLIII, a. 1, 2 ; S. Bonaventure, ibid., a. 1, q. i, n ; Scot, ibid., q. I, surtout n. Il ; Pierre de Tarentaise, ibid., q. un., a. 1 ; Bichard de Médiavilla, ibid., a. 1, q. i, et a. 2, q. i-m ; Durand de Saint-Pourcain, ibid., q. i, n. 13 sq. ; Denys le Chartreux, ibid., q. i.

Il s’agit d’expliquer comment cette identité numérique peut être réalisée au moment de la résurrection, nonobstant les diverses transformations physiques et chimiques par lesquelles auront dû passer les éléments constitutifs des corps. Depuis les débuts du christianisme, les apologistes du dogme de la résurrection se sont trouvés en face des objections de l’incrédulité. Dans l’hypothèse la moins défavorable : le corps humain livré à la poussière du tombeau après avoir été renouvelé mille fois dans ses éléments matériels, selon les lois de l’assimilation et du changement perpétuel qui en résulte. Dans les hypothèses les plus défavorables : le corps humain brûlé et réduit en cendres, dévoré par les anthropophages ou par les animaux, ceux-ci à leur tour mangés par d’autres hommes. De plus, d’autres hypothèses, élaborées par les théologiens eux-mêmes, compliquent encore la tâche de l’apologiste. Si la résurrection doit réparer les ruines, les mutilations, les déchets, les ravages de l'âge et de la maladie, si elle doit corriger les défauts d’une naissance prématurée, d’une mauvaise conformation des organes ou même de l'être tout entier, comment expliquer l’identité substantielle et numérique des corps, malgré toutes les transformations auxquelles ils furent soumis ? Enfin s’il est nécessaire d’admettre une identité matérielle des éléments qui ont constitué le corps vivant et qui doivent reconstituer le corps ressuscité, à quel moment de l’existence terrestre devront être pris ces éléments ?

Superficiellement considérés, ces problèmes paraissent insolubles en soi, étant directement opposés, dans leurs données mêmes, au dogme de l’identité numérique. On conçoit, en effet, que l’appel à la toutepuissance divine, les analogies du germe ou du phénix renaissant de ses cendres ne touchent pas le fond de la question. L’exemple du phénix n’existe que dans l’imagination. L’analogie du germe serait plutôt contraire à la thèse de l’identité numérique, toute croissance du germe impliquant une modification profonde, une intussusception de matière étrangère et une extension de l'être. L’appel à la toute-puissance divine masque en réalité un remaniement total de l'être humain et, en bien des cas, implique des apports et des soustractions de matière, difficilement conciliaires avec l’identité qu’on prétend sauvegarder.

2. Solution de saint Thomas. — Elle se trouve en plusieurs articles du Supplément, q. lxxv-lxxxi, pas sim, reproduisant à peu de chose près le texte que l’on trouve In IV am Sent., dist. XLIII et XLIV.

Après avoir affirmé le dogme, saint Thomas commence par éliminer les solutions qu’il estime fausses ou insuffisantes.

Il est faux d’alléguer que l'âme, dégagée de son enveloppe matérielle, peut se réincarner en n’importe quel corps, même après avoir passé par métempsycose dans le corps d’animaux ; ou encore qu’elle peut s’unir à des corps célestes et subtils semblables à du vent. Ces conceptions sont contradictoires de la notion philosophique de l’union substantielle de l'âme et du corps. Saint Thomas attribue ces opinions à d' « anciens philosophes » et à « certains hérétiques ». Les hérétiques visés doivent être, d’après les idées de l'époque, les origénistes.

Pour qu’il y ait résurrection, il faut que l'âme retrouve le même corps : ressusciter, c’est surgir à nouveau (resurreclio est ilerata surreclio) et c’est celui-là même qui est tombé qui se relève. D’où la résurrection concerne beaucoup plus le corps tombé par la mort que l'âme immortelle. Et si l'âme ne reprenait pas le même corps, on ne devrait pas parler de résurrection, mais d’assomption d’un nouveau corps. Q. lxxix, a. 1.

Insuffisante l’explication du germe, de la semence. S’il est exact de dire que le grain devenu plante a tiré de lui-même tout son être, il n’en est pas moins vrai que le grain semé et le grain devenu plante ne sont pas une seule et même chose : ni l’un ni l’autre ne présentent la même manière d'être. Ibid., ad lum.

L’explication que saint Thomas estime la seule acceptable et conforme à la fois au dogme et à la philosophie, c’est que l'âme, à la résurrection, reprend les éléments numériquement les mêmes qui, avant la mort, constituaient le corps par elle informé. En une phrase profonde, il formule sa doctrine : « Le corps humain n’ayant qu’une forme substantielle, l'âme, c’est à cette âme que les éléments matériels du corps dissocié et décomposé devront s’associer au moment de la résurrection. Les seuls changements possibles concernentles formes accidentelles du corps. » Ibid., ad 4um.

On se tromperait toutefois grandement, si l’on mêlait ici des considérations physiques à une théorie essentiellement métaphysique Aussi devons-nous séparer les deux points de vue.

a) Aspect métaphysique et essentiel du problème. — a. Permanence, après la mort, de la forme corporelle que demeure l'âme, nonobstant sa spiritualité et son immortalité. — « La forme des êtres soumis à la génération et à la corruption ne subsiste pas tellement en elle-même, qu’elle puisse conserver l’existence après la dissolution du composé. Mais l'âme, après la séparation d’avec son corps, garde au contraire l'être qu’elle avait acquis en ce corps. Et c’est par la communication de cet être que le corps est amené à la résurrection, puisque l'être du corps n’est pas autre que l'être de l'âme dans le corps : autrement l’union des deux parties serait accidentelle. L'être substantiel de l’homme n’est interrompu d’aucune manière ; aucune interruption de l'être ne s’oppose à ce que l’homme, numériquement le même, revive. » Q. lxxix, a. 2, ad lum. L’ad 3um précise qu' « après la mort, l'âme sensitive, comme l'âme rationnelle, demeure dans sa substance » ; c’est la même réalité et c’est cette permanence dans l'âme de l’unique réalité qui donne au corps d'être corps et corps humain, qui est à la base de toute l’explical ion thomiste de la résurrection. Cf. gonl. Cent., t. IV, c. lxxxvi ; De anima, a. 19, ad, r >um ; Compendium theologiæ, c. cliv ; In Job, c. xix, lect. 2 ; In / am epist. ad Corinthios, c. xv, lect. 9.

b. Unité et identité métaphysique de la matière informel' par l'âme. — Une difficulté subsiste : l'âme, forme substantielle, n’est pas le tout de l’humanité. Albert le Grand a soutenu cette opinion, mais à tort, semble-t-il,