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RESURRECTION. PROBLÈME DE L’IDENTITÉ


position à l'âme raisonnable, il s’ensuivrait qu’ils seraient cause de la réunion de l'âme au corps, tout comme le père qui engendre peut être dit cause (dispositive, mais cause réelle) de la première union. N. 8, p. 880 b.

Afin de mieux marquer l’intransigeance thomiste de sa position, Durand déclare, dans la question suivante, q. iii, p. 881 6-884 b, que la puissance divine elle-même ne peut reproduire, dans leur identité numérique, des êtres dont les éléments essentiels seraient totalement disparus soit par annihilation, soit par corruption. Et il affirme cette impossibilité aussi bien pour les êtres permanents que pour les êtres en changements successifs. Les scotistes eux-mêmes reconnaissent que, pour ces derniers êtres tout au moins, Durand ne s'écarte pas de la doctrine de saint Thomas. Voir les notes des éditeurs des œuvres de saint Bonaventure, Quaracchi, t. iv, p. 890 b, 891 a. Pour la doctrine de saint Thomas, cf. Quodl., IV, q. iii, a. 5. Si l’on se souvient que, dans sa synthèse de la Somme contre les gentils, saint Thomas admet dans l'être humain un flux et un reflux perpétuels des éléments, on doit conclure que la position de Durand est identique à celle du Docteur angélique.

b. Fondement identique à celui de saint Thomas : la permanence de l'âme spirituelle, forme du corps humain. — A deux reprises, Durand insiste sur ce point. Tout d’abord dans la question i, n. 6, p. 878 a, où il agite le problème de la possibilité de la résurrection. C’est 1' « introduction » de la forme dans la matière qui fait l'être résultant de l’union des deux. D’où l’on peut déduire que, si les principes essentiels d’un être dissous persistent séparément, numériquement les mêmes, l’agent qui peut les réunir rend par là possible la reconstitution de cet être, dans son identité numérique. Or, après la mort de l’homme, les principes essentiels de son être demeurent, matière et forme, et Dieu peut les réunir. Donc cet homme, malgré sa mort, peut être reconstitué le même numériquement. En second lieu, clans la même question, n. 12, p. 879 a, il expose que l'âme séparée demeure, après la mort, ordonnée au corps qu’elle a informé. Si Dieu a pu l’unir au moment de la génération au corps qu’elle devait informer, pour constituer précisément tel être humain, à plus forte raison pourra-t-il reconstituer le même être humain en réunissant cette âme qui persiste, incorruptible et immortelle, après sa séparation, au corps qui est demeuré dans ses éléments : car l'âme tient lieu de cette forme de corporéité, ingénérable et incorruptible, que certains ont inventée.

La raison de ce recours à la forme substantielle corporelle que demeure, même après la mort, l'âme spirituelle, c’est que c’est la forme substantielle qui donne à la matière son être premier et essentiel. Q. iv, n. 12, p. 886 b. Les scotistes (Durand les réfute sans les nommer) s’imaginent que la reconstitution du corps doit précéder sa réassornption par l'âme, et c’est pourquoi ils inventent cette forme intermédiaire de corporéité. Mais c’est là pure illusion d’imagination. La réanimation qui se produira à la résurrection sera un véritable changement. Le sujet sur lequel l'âme exercera son emprise sera différent, avant et après, dans son mode d'être. La matière, en laquelle l'âme sera reçue, aura été immédiatement avant la résurrection sous la forme de poussière. Il ne faut donc pas imaginer comme une nouvelle formation du corps précédant naturellement la réanimation… Dieu n’a pas besoin d’une matière prédisposée immédiatement à recevoir sa forme. Mais la nouvelle animation produira in eodem instanti la reconstitution du corps et son aptitude à recevoir l'âme.

c. Maintien de la doctrine traditionnelle de la réassomption des éléments corporels par l'âme immortelle, mais pour l’expliquer dans tous les cas possibles, recours

à la métaphysique de la forme. — C’est d’ailleurs la pure position de saint Thomas ; ce qui a laissé croire à certains auteurs que Durand s'éloignait des positions thomistes, c’est uniquement l’emploi de quelques expressions et surtout de quelques exemples insolites.

Tout d’abord, Durand reprend la doctrine traditionnelle de la réassornption des éléments corporels réduits en poussière après la mort. Dans la q. iv de la dist. XLIII, n. 13, il distingue l’organisation du corps qui ressuscite, laquelle se fait in instanti par l'âme, forme substantielle, et le rassemblement fcollectio) des cendres que, selon la doctrine reçue, les anges seront chargés de retrouver et de soumettre à la puissance divine. P. 886 b.

Ensuite, dans la q. i de la dist. XLIV, celle-là même où l’on va puiser quelques citations séparées de leur contexte, pour présenter sa doctrine comme une innovation, Durand se pose directement la question : ulrum ad hoc quod idem homo numéro resurgat requiratur quod formetur corpus ex eisdem pulveribus in quos fuit resolulum. Et sa première remarque est de dire que le problème serait vite résolu si l’on ne considérait comme élément essentiel de l’homme que la seule forme ; parce que, la forme demeurant la même, quelles que soient les variations de matière, l’homme resterait toujours identique. De cette explication (que tous nos manuels lui prêtent), Durand ne veut pas, parce que, dit-il, communiter ienetur et veritas sic habet quod de essentia et quidditale hominis, cujuscumque subslantite generabilis et corruplibilis, sunt maleria et forma. N. 4, p. 887 b. Et, après avoir répondu aux objections formulées contre sa doctrine, il conclut : per hoc palet responsio ad principalia argumenta quæslionis : quia secundum hanc positionem non solum salvamus idenlilalem formée, sed etiam malerix, modo quo diclum est. N. 11, p. 889 b.

Quelle est donc cette « manière de dire ? » C’est ici qu’il faut séparer la doctrine de certaines expressions et d’exemples insolites. Expressions et exemples qui, d’ailleurs, trouvent leur explication dans le texte de Durand, en raison du contexte qui les explique. La question i de la dist. XLIV, dont nous avons lu plus haut la teneur, est posée à l’occasion de « certains auteurs » qui se demandent si, dans l’hypothèse où, à la résurrection, le corps de Pierre et le corps de Paul demeuraient non réduits en poussière après leur mort, Pierre ressusciterait identique à lui-même au cas où son âme reprendrait le corps de Paul et réciproquement, si Paul ressusciterait identique à lui-même au cas où son âme reprendrait le corps de Pierre. N. 1, p. 887 b.

On doit, répond Durand, selon les deux opinions philosophiques qui s’affrontent ici (scotisme et thomisme), donner deux solutions différentes. Si dans l’homme il y a, outre l'âme raisonnable, une autre forme substantielle qui donne à la matière d'être corporelle et d’avoir les perfections du corps, il est évident que dans l’hypothèse envisagée, Pierre ne serait plus Pierre et Paul ne serait plus Paul. Car l’identité du tout suppose l’identité des parties et le corps est ici conçu comme une partie de l'être humain, possédant déjà en elle-même son unité et son entité propres. Mais, si dans l’homme il n’y a qu’une forme substantielle, l'ûme raisonnable qui donne l'être corporel et les perfections du corps, la question telle qu’elle est posée est une pure contradiction, car il n’y a pas de corps de Pierre sans l'âme de Pierre, ni de corps de Paul sans l'âme de Paul. N. 4, p. 888 a. Par conséquent la question doit être posée différemment : Supposé que l'âme de Pierre informe la matière qui fut dans le corps de Paul, Pierre ressusciterait-il identique à lui-même ?

Et c’est à la question ainsi posée que Durand donne la célèbre réponse qu’on lui reproche comme une inno-