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RÉVÉLATION. CONCEPTIONS ERRONEES
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voir et à écrire des vérités acquises soit naturellement, soit par révélation. Les évangélistes ont écrit, sous l’inspiration, les faits et paroles de la vie du Christ qu’ils connaissaient soit par le témoignage, soit par leur expérience personnelle. L’apôtre saint Jean le rappelle explicitement au début de sa première épître : « Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché du Verbe de vie… ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons…. » I Joa., i, 1-1. C’est pourquoi tout livre inspiré exprime « pour nous » la révélation, bien que l’hagiographe ne fasse pas nécessairement connaître des vérités nouvelles. Chr. Pesch., De inspiratione sacræ Sc.ripturæ, n. 410, 417 ; Compendium introductionis, n. 96 1. L’infaillibilité est un privilège par lequel Dieu assure la garde de la vérité, tandis que la révélation est une manifestation surnaturelle de vérités faites à l’homme. Après avoir ainsi pris une connaissance détaillée du concept catholique de la révélation nous pouvons aborder les positions hétérodoxes, celle des protestants, des rationalistes et modernistes.
III. CONCEPTIONS ERRONÉES SUR LA RÉVÉLATION. —
1° Les premiers protestants. —
Ceux-ci paraissent, au premier abord, exalter le caractère surnaturel de la révélation, mais en réalité ils le diminuent. En effet, à la révélation proposée par le magistère infaillible de l’Église, ils substituent l’inspiration privée, faite directement par le Saint-Esprit à chacun des fidèles.
Comme on le voit il s’agit beaucoup plus de l’interprétation des vérités révélées telles que les fournit l’Écriture, que de la révélation en son premier état. Mais, poussées à l’extrême, les affirmations de Luther (nous ne disons pas de Calvin) sur le libre examen, pourraient amener chaque fidèle à se considérer comme le sujet direct de la révélation. Le principe du libre examen, que prônait Luther contenait d’ailleurs en germe ceux du rationalisme et de l’individualisme.
2° Les positions rationalistes.
Le naturalisme, communément appelé rationalisme, est le système philosophique qui ne reconnaît que le monde et les lois naturelles qui le régissent. Il proclame l’indépendance absolue de la raison humaine ; poussé à bout, il pourrait aller jusqu’à nier l’existence d’une Intelligence supérieure cause et mesure de toute vérité, arrivant ainsi à l’athéisme. Le rationalisme est absolu ou mitigé.
Le rationalisme mitigé ou, comme on l’a appelé, le semi-rationalisme est représenté par la doctrine des penseurs catholiques Hermès, Gunther et Frohschammer. Ils sont bien éloignés de nier la révélation ; pour eux le Christ a véritablement transmis aux hommes un message de vérité, qu’il faut recevoir avec attention et piété. Ils admettent donc une révélation. Mais celle-ci est surnaturelle uniquement dans son mode, car tous les objets qu’elle manifeste, une fois connus, peuvent être démontrés pat la raison. Le message du Christ n’est à proprement parler qu’un excitant et un adjuvant de la raison humaine. Sollicitée par lui. celle-ci se reconnaît dans les vérités que le Christ est venu manifester. En d’autres termes, il n’y a point dans la révélation de mystères proprement dits. La trinilé même et l’incarnation, une fois proposées par la révélation, se démontrent par la raison.
L’évolutionnisme panthéistique ri l’agnosticisme sont des Formes du rationalisme absolu. Le fondement de l’ordre surnaturel est nié par les panthéistes évolutionnistes puisqu’ils Ident i lient l’essence de Dieu avec celle de révolution créatrice. Puisque l’univers et Dieu ne tout qu’un, la raison humaine n’est pas substantiellement distincte de la raison divine <t peut de l’ail connaître tout dans son évolution naturelle. Les partisans de l’évolutionnisme absolu, comme les hégéliens, conservent sans doute le mot de révélation, mais ils le vident de son sens théologique, étant donné qu’ils considèrent que la religion catholique qui la propose et la synthétise ne marque qu’un moment de l’évolution de la raison, qui est en progression continuelle. Ce système philosophique, incompatible avec l’élévation de l’homme à un ordre surnaturel, a été condamné par le concile du Vatican : Si quis dixerit, divinam essenliam sui manifeslalione vel evolutione fieri omnia ; aut denique Deum esse ens universale seu indefinilum, quod sese dclerminando constituât rerum universitatem in gênera, species et individua distinctam : A. S. De fide rathol., can. 4, Denz.-Bannw., n. 1804.
L’agnosticisme, qui est aussi radical, sous une autre forme de pensée, que le panthéisme, est la négation de toute philosophie transcendante ; car, pour lui, tout ce qui dépasse l’ordre des phénomènes est inconnaissable au moins pour la raison théorique. L’encyclique Pascendi du 8 septembre 1907 a marqué avec netteté la position intellectuelle des agnostiques dans le passage suivant : Yi hujus humana ratio pheenomenis omnino includitur, rébus videlicet, quæ apparent eaque specie, qua apparent, earundem prætergredi terminos nec jus nec polesiedem habet. Quare nec ad Deum se erigere potis est, nec illius existentiam, ut-ut per ea quie videntur, agnoscere. Hinc infertur, Deum scientise objectum directe nullatenus esse posse ; ad historiam vero quod cdlinet, Deum subjectum historicum minime censendum esse. Ilis autem posilis, quid de naturali theologia, quid de motivis credibilitatis, quid de exlerna revclatione fiai, facile quisque perspiciet. Denz.-Bannw., n. 2072.
Pour le philosophe agnostique la spéculation religieuse est donc vaine et la révélation externe ne peut exister. Lorsqu’il est croyant, il cherche l’explication de sa foi en lui-même et en vient ainsi à l’immanence …et quoniam rcligio vitæ quædam est forma, in vila omnino hominis reperienda est. Ex hoc immanentise religiosse principium asseritur. Encyclique Pascendi, ibidem.
A l’agnosticisme, attitude négative, le modernisme a adjoint en effet une partie positive, l’immanence vitale, selon laquelle la religion naît du sens religieux. Cette forme de pensée demande à être étudiée, afin que soit mieux saisie la valeur réelle de l’expérience dans la révélation.
3° Le modernisme. —
1. Exposé. —
Pour les modernistes, si tant est que l’on puisse user de ce terme, vraiment trop général, la révélation n’est pas la manifestation divine d’une vérité, mais l’excitation du sens religieux ; c’est un phénomène d’ordre naturel, vu qu’il procède de la nature et qu’il a pour rôle de satisfaire une de ses exigences. « C’est, pour ces auteurs, écrit le R. P. Lebreton, une émotion, une poussée du sentiment religieux, qui, à certains moments, afïleure, pour ainsi dire des profondeurs de la subconsciencc et où le croyant reconnaît une touche divine ». Lebreton, art. Modernisme, dans Diction, apol, t. iii, col. 676. Pour A. Loisy, par exemple, la révélation est : « une intuition et une expérience religieuse » qui a… « pour objet propre et direct les vérités simples contenues dans les assertions de foi. » Autour d’un petit livre, p. 200. Ces vérités se ramènent « au rapport essentiel qui doit exister entre l’homme conscient de lui-même et Dieu présent derrière le monde phénoménal ». Ibidem, p. 196 sq.
La révélation n’a donc pu être « que la conscience acquise par l’homme de son rapport avec Dieu ». Ibidem, p. 195 ; voir la proposition 20 du décret Lamentabili, qui reprend celle définition donnée par Loisy et qui est commentée par le 1’.. P. Léonce de Grandmaison, art. Modernisme, ibid., co. 602-606 : « L’individu conscient, écrit encore A. Loisy, peut être représenté prèsqueindifféremment comme la conscience de Dieu dans