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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/659

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III l’A LDA. THÉORIE DE L’ACTE BON

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mit pas confiance, il resterait à choisir entre deux autres. Ou bien résoudre le eas des vertus naturelles pratiquées avant la foi d’après les théories connues concernant l’élévation des actes qui s’intercalent entre l’acceptation des vérités révélées et la justification, cl dans cette hypothèse les œuvres honnêtes du païen emprunteraient leur caractère surnaturel soit à un concours extraordinaire prêté du dehors par la toute-puissance divine, connue le veulent Molina et Suarez ; soit à une qualité intérieure mais transitoire du genre de la prémotion thomiste. Ou bien, et c’est l’opinion que préfère Ripalda, supposer que toute activité volontaire conforme à la loi morale se double d’une activité infuse rigoureusement parallèle, commandée par les mêmes motifs et également orientée, au moins dans l’intention du sujet, vers la fin spécifique de l’homme. Dès lors toute opération naturelle serait accolée à une autre, surnaturelle, inconsciente, moralement identifiée à la première, quoique physiquement distincte. Disp. XX, sect. m.

Le fait d’ailleurs importe beaucoup plus que la manière de l’expliquer. Avant tout, en effet, il s’agit de savoir si, dans notre plan de providence, tout acte honnête est en réalité élevé par Dieu a l’ordre fie la vision intuitive. Ripalda l’avoue lui-même, la gravite et la nouveauté d’une telle doctrine demandent qu’on lui procure l’appui de solides arguments. Ces arguments, quels sont-ils ? Disp. XX, sect. xviii, n. 89.

Le meilleur n’est peut-être pas le premier invoqué ni le plus estimé par son auteur. Il est tiré de la raison théologique et se fonde sur notre vocation universelle et obligatoire à la contemplation béatifique. On peut l’énoncer ainsi : toute activité qui n’aide pas le sujet d’où elle émane, à conquérir sa fin, est une force dépensée en pure perte ; or Dieu nous destine à un bonheur surnaturel ; il aurait dès lors pour ainsi dire organisé lui-même le gaspillage de nos œuvres, si pendant une période plus ou moins longue de notre existence, il se refusait à nous munir des moyens indispensables à l’accomplissement du devoir qu’il nous impose. Ne serait-il pas déraisonnable de sa part de laisser notre libre arbitre s’exercer à vide, ne fût-ce qu’en une seule occasion ? Nos décisions morales important toutes au salut éternel qui est pour nous l’unique nécessaire, la grâce doit donc se trouver à noire disposition en toute circonstance où nous en avons une à prendre, Disp. XX, sect. xviii, n. <S(i.

Ripalda se confie cependant davantage aux arguments qu’il a tirés du dogme et de la tradition. A son avis, la condamnation de Pelage, l’enseignement de saint Augustin et du concile d’Orange créent d’insurmontables difficultés à toute théorie cherchant à maintenir dans notre monde l’existence d’actes naturellement bons. « Est fruit de la grâce tout ce qui n’esl pas péché », répètent obstinément du V « au VIIe siècle l’Église et les Pères. Comment leur eût-il élé permis de parler ainsi, s’ils axaient reconnu chez les païens la présence de vertus purement humaines ? Observer le Décalogue, au moins pendant un court espace de temps, n’exige aucune aide divine extraordinaire. Depuis saint Thomas, les théologiens le pensent et l’écrivent unanimement. 1.ntre eux et les documents dogmal iques anlipélagiens, il y aurait donc absolue contradiction, si vrai ment ces derniers n’avaient pas proscrit l’existence de tout acte honnête qui ne lui pas surnaturel. De tels actes n’étanl pas des taules, ils ne pcuvent pas, a s’en tenir aux données de la tradition plus ancienne, être réalisés sans une glace. Au contraire, a en croire l’ensemble des docteurs plus récents, les seules forces de la nature raisonnable suffisent à les produire. Comment réduire cette opposition et expliquer d’où venait a saint Augustin et aux Pères du concile d’Orange leur

conviction qu’une aide gratuite de Dieu était nécessaire à tout exercice légitime de la liberté, sinon en supposant que, dans leur pensée, il n’existait en fait que deux sortes d’oeuvres : des œuvres coupables et des (envies salutaires ?

Cette déduction s’imposerait rigoureusement, si la logique et l’histoire n’avaient pas trouvé d’autre moyen de réconcilier la théologie moderne avec la tradition primitive. Mais il n’en est rien ; elles en ont au contraire proposé plusieurs, un, entre autres, qui garde encore des partisans et qui jouissait d’une grande faveur auprès des contemporains de Ripalda. Celui-ci l’expose par manière de difficulté qu’il lui incombe de résoudre. Si saint Augustin et le concile d’Orange, explique-t-on couramment, ne font guère allusion à une catégorie d’actes intermédiaire entre celle des péchés et celle des actes surnaturels, c’est qu’à leurs yeux la pratique des vertus purement humaines tenait une place si négligeable dans l’affaire du salut qu’ils j ugeaient préférable de la passer sous silence. D’ailleurs, dans la descendance d’Adam au milieu de laquelle ils vivaient, toute œuvre inapte à mériter le royaume de Dieu peut à bon droit passer pour un péché, de la même manière que l’enfant qui y naît est estimé coupable et passible de damnation. Ainsi se trouve ramenée à une simple divergence verbale l’opposition qui sépare la doctrine de saint Augustin de la nôtre. Du point de vue historique, il appelait péché ce que, du point de vue philosophique, nous nommons moralement bon.

Cette interprétation classique de la formule : nemo iutbcl de suo nisi mendacium et peceatum et autres équivalentes, n’ébranle pas l’attachement de Ripalda à sa propre thèse. A cette exégèse il en oppose une autre. Prétendant juger des expressions employées dans la controverse pélagienne d’après les idées principales qui y furent mises en cause, il lui paraît inadmissible que les Pères aient omis de traiter la question des actes naturellement bons ou qu’ils les aient considérés comme des péchés. Quel était en effet le véritable sujet débattu entre eux et leurs adversaires ? Précisément les œuvres de la nature en tant que telle. D’après les partisans de Julien d’Éclane, elles suffisaient au salut et n’exigeaient l’aide d’aucune grâce, puisque ni l’assentiment aux vérités révélées, ni l’exercice des vertus morales ne dépassaient les forces propres de l’homme. Si saint Augustin et le magistère romain, en les condamnant, n’avaient rien dit des actes moralement bons, n’auraient-ils pas fait preuve d’une complète incompréhension du principal objet de la discussion ? Et s’ils avaient laissé entendre qu’à leurs yeux ces actes ne valaient pas mieux que des péchés, il eût été trop facile aux hérétiques de tourner en ridicule leurs anathèmes, en répliquant, d’accord avec la théologie moderne, qu’une œuvre non salutaire n’était pas nécessairement une faute. Aussi ne pouvait-on réduire efficacement les pélagiens un silence qu’en opposant à leur enseignement sur les vertus humaines un autre enseignement concernant les mêmes vertus, les seules dont ils reconnussent l’existence. Contraints de traiter de la pratique purement morale du Décalogue, si les Pères et la sainte Église proclament qu’en chaque cas elle exige une grâce, ils affirment donc équivalemment que Dieu, en fait, surnaturalise tous les actes honnêtes du monde présent.

A en croire Ripalda, un examen attentif des écrits de saint Augustin confirmerait cet argument fondamental. Ainsi le saint docteur n’a-t-il jamais voulu se laisser convaincre par Julien d’Éclane de la présence chez les_ infidèles d’actes stcrililer boni, c’est-à-dire naturellement lions. Et, quand lui sont échappés parfois quelques mots d’admiration pour la vertu de quelques-uns d’entre eus. comme Polémon ou Assuérus, il a