Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/712

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

283’ROIS (LIVRES III* ET IV* DES). LE CULTE

2838

nités des autres royaumes. Cf. Touzard, art. Juif (Peuple), dans le Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1595. Pour Élie, Jahvé est encore « Jahvé des armées », xviii, 5 ; c’est un titre déjà rencontré aux Livres de Samuel (cf. col. 2792), et qui revient souvent sur les lèvres des prophètes et sous la plume des psalmistes ; il représente sans doute le maître des armées d’Israël, mais aussi le Seigneur des armées célestes et des étoiles ; ici le prophète l’emploie comme un nom propre pour désigner le maître du monde comme dans Amos, ix, 5.

Jahvé, le Dieu unique et tout-puissant, gouverne le monde en stricte justice. Un épisode de la mission d’Élie.son intervention au sujet de la vigne deNaboth, met en un relief saisissant cet attribut divin. III Reg., xxi, 1-24. Un roi, avec toute son autorité de despote oriental, n’a pas le droit de dépouiller l’un de ses sujets, même des plus humbles, de l’héritage de ses pères ; le meurtre et le vol dont Achab se rend coupable sur l’instigation de Jézabel, seront punis par la mort violente du roi et la malédiction de sa postérité. « On ne saurait marquer d’une manière plus frappante ce qui distingue Jahvé des autres dieux et fait sa supériorité. »

2. Le prophétisme.

Les prophètes, dont l’intervention fut si efficace pour dénouer la crise du jahvéisme en Israël, ne sont pas les seuls dont fassent mention les deux derniers Livres des Rois ; on y trouve même une prophétesse, Holda, qui fut consultée lors de la découverte du Livre de la Loi dans le temple sous Josias. IV Reg., xxii, 14-20. Mais déjà les prophètes dont les oracles nous ont été conservés ont repris l’œuvre toujours menacée de leurs illustres devanciers du IXe siècle, pour dégager avec plus de force encore et de précision la notion du monothéisme moral des influences néfastes de la superstition populaire, en rappelant les enseignements confiés par Dieu au législateur du Sinaï et en les faisant fructifier.

Quant aux groupements prophétiques, qui avaient exercé une heureuse influence aux temps de Samuel, leurs membres étaient encore nombreux, puisque le roi Achab en rassembla quatre cents pour savoir s’il devait ou non attaquer Ramoth-Galaad ; mais leur servilité, leur basse et indigne complaisance pour le roi les avaient discrédités dans la partie cultivée de la nation ; leur rôle religieux semble bien terminé ; les authentiques représentants de Jahvé le reprendront, et par la noblesse et l’indépendance de leur attitude non moins que par leur docilité aux ordres divins le rempliront avec autorité. III Reg., xxii, 5-9.

Dans la lutte contre les divinités phéniciennes, c’est d’un autre côté que vint le soutien. Jonadab, ancêtre des Réchabites, partagea le zèle religieux de Jéhu pour la destruction du culte de Baal, IV Reg., x, 15-17, et le genre de vie nomade qu’il imposa à ses descendants, 1er., xxxv, (i-7, avait sans doute pour objet de leur éviter les dangers de la corruption et de l’idolâtrie. La richesse et le luxe des villes entraînant facilement à la corruption des mœurs, et toute la production du sol étant chez les Cananéens sous la protection des Baals ou divinités locales, la tentation de rendre un culte à Baal pour obtenir de bonnes récoltes de vin et d’huile n’était que trop facile à prévoir. Cf. Osée, ii, 5, 8 (liebr., 7, 10).

3. Le messianisme.

De David aux prophètes-écrivains du viiie et du VIIe siècle, les espérances messianiques n’apparaissent guère dans la littérature biblique. Élie et Elisée, trop préoccupés du présent, semblent n’en pouvoir dégager leurs regards pour envisager l’avenir. Leur œuvre de salut n’en était pas moins la condition nécessaire à la mission d’Amos et d’Osée, qui, au siècle suivant, annonceront, par de la le châtiment d’une sévérité impitoyable, une ère de sanctification et

DICT. DE THÉOLOGIE.

de restauration dans la réconciliation des douze tribus et l’assujettissement des peuples d’alentour.

Si les temps glorieux de David et de Salomon, qui avaient laissé entrevoir des perspectives d’une ère encore plus glorieuse, étaient bien révolus, les espérances d’un avenir meilleur n’avaient pas pour autant abandonné le peuple d’Israël. Le schisme en effet avait singulièrement réduit la puissance des royaumes séparés, de celui de Juda surtout ; les luttes fratricides n’avaient fait qu’aggraver la situation, en attendant que l’immixtion des puissances étrangères, assyrienne et babylonienne, toujours prêtes à intervenir, ne finissent par imposer leur domination ; à la décadence politique, à peine retardée par quelques règnes plus glorieux dans l’un et l’autre royaumes, s’ajoutait la décadence morale et religieuse que l’action pourtant répétée et énergique fies prophètes de Jahvé ne parvenait pas non plus à arrêter sur la pente fatale. Pareille situation, loin de détourner les Israélites de la pensée et de l’espoir de temps meilleurs, ne faisait au contraire que stimuler leur impatience dans l’attente de leur proche réalisation. Jahvé, le Dieu d’Israël.ne se devait-il pas à lui-même et à son peuple de triompher finalement de ses ennemis ? Le peuple élu, la cité sainte, gardienne de l’arche d’alliance, ne pouvaient ni l’un ni l’autre disparaître ; le « Jour de Jahvé » serait celui de leur triomphe. « L’idée comme expression « jour de Jahvé » étaient familières à ceux qui fréquentaient les sanctuaires… Pour ces adorateurs qui ne saisissaient pas de différence profonde entre les relations de Jahvé avec son peuple et les rapports dis autres dieux avec leurs nations respectives, la caus de Jahvé s’identifiait avec la cause d’Israël ; le triomphe de Jahvé ne pouvait être que le triomphe d’Israël. » Touzard, Le Livre d’Amos, 1909, p. r.xxiii. Des antiques promesses on n’oubliait que la condition imposée a leur exécution ; c’est elle que rappelleront les oracles îles prophètes d’Israël et de Juda. Si le jour de Jahvé sera celui de la destruction des ennemis de son peuple, il le sera aussi de tout ce qui s’oppose au triomphe de sa justice, et par conséquent des Israélites infidèles, aussi bien que des nations païennes ; seul un petit reste survivra à qui il sera donné de voir la réalisa lion des promesses.

Cette sorte d’eschatologie populaire, pour être eu opposition avec l’enseignement prophétique, n’est cependant pas ce que d’aucuns prétendent : une émana tion d’un messianisme oriental, adaptée au particularisme des Israélites (Gunkel, Gressmann). Seul, en effet, parmi les peuples de l’ancien Orient, Israël a connu l’espérance messianique qui. avec son monothéisme, est la caractéristique essentielle de sa religion. Les théories émises en ces dernières années pour retrouver chez d’autres peuples, Babyloniens ou Égyptiens, des conceptions analogues ou même l’origine du messianisme hébreu ne sont nullement justifiées. Cf. art. Messianisme, t. x, col. 1552-1564.

Ainsi, sans enrichir directement l’idée messianique, les deux derniers Livres des Rois nous font connaître le milieu religieux dont les conditions nous aideront à mieux comprendre les prédictions d’un Isaïe ou d’un Jérémie et à en saisir la portée et la valeur doctrinales.

4. Culte.

a) Sanctuaires. — La multiplicité des sanctuaires de la période précédente allait-elle faire place à l’unité prescrite par la Loi, du jour où le temple de Jérusalem, par sa splendeur et son organisation, laisserait dans l’ombre tous les autres lieux de culte et en détacherait peu à peu les fidèles ? Motifs d’ordre religieux non plus que motifs d’ordre politique ne furent assez puissants pour amener le peuple a renoncer aux hauts-lieux qui continuèrent à subsister en Israël et même en Juda. De la tolérance dont ils furent l’objet on peut donner pour raison l’attache T. — XIII.

90.