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ROMAINS (ÉPITRE AUX). DOCTRINES, L’HOMME

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nature et de la dignité du Christ. Adv. Prax., c. xiii, xv. Cette opinion est généralement admise par les exégètes modernes. La question n’est point tranchée par la ponctuation dans les témoins du texte, car cette ponctuation n’appartient très probablement point au texte original. Voir ci-dessus, col. 2862. En toute hypothèse, si l’on suppose une doxologie commençant à ô oSv il faut un arrêt ou une coupe après tô xarà aàpxx. Or on ne voit pas que le développement de la pensée appelle ici l’action de grâces. Il est beaucoup plus naturel de rapporter ô oSv à Xpiaxoç : le Christ descend des « pères » pour « ce qui est de la chair » ; mais il est Dieu, 0e6ç — non ô 0sôç, ce qui désignerait Dieu le Père et serait absolument contraire à la doctrine de saint Paul — c’est-à-dire de nature divine. La divinité du Christ mise ici en contraste avec son humanité est une

pensée analogue à Rom., i, 4, xoctk aâpxa xaxà

Tcveùpia.. La seule objection sérieuse à cette explication est que nulle part ailleurs l’Apôtre n’appelle le Christ 0s6ç. Or cette objection perd de sa force si l’on observe qu’il dit, Phil., ii, 6-7 : sv [i.opepꝟ. 0eoù ÔTtâpX « v et ïax 0sw, et qu’il attribue au Christ des prérogatives divines. Voir A. Durand, La divinité du Christ dans saint Paul, Rom., IX, 5, dans Revue biblique, 1903, p. 550 sq. ; Cornély et Lagrange, h. I.

2. L’incarnation.

L’incarnation du Fils de Dieu est clairement enseignée. Le Christ est « né de la race de David selon la chair », i, 3 ; ix, 5 a. Dieu « l’a envoyé dans une chair semblable à celle du péché ». viii, 3. Il appartient donc à l’humanité : il est le deuxième Adam. C’est-à-dire que, grâce à son humanité, il est mort pour les hommes et les a réconciliés avec Dieu, v, 1-10. Il a détruit l'œuvre de culpabilité et de mort du premier Adam, en rendant surabondamment aux hommes la justice et la vie. v, 12-21. En prenant une « chair sans péché », le Christ « condamnait le péché dans la chair », c’est-à-dire devenait, par son incarnation, le chef d’une humanité nouvelle d’où le péché était exclu. Cf. viii, 3.

Le Fils de Dieu incarné ne s’est point « complu en lui-même », xiv, 3 ; il a préféré une tâche pénible à des satisfactions personnelles, donnant ainsi aux hommes un grand exemple d’abnégation. Cette idée est plus développée dans Phil., ii, 4-11.

La raison de l’incarnation, dans l’ordre actuel, a donc été d’arracher l’homme au péché et à la mort, en le justifiant et en lui donnant la vie. En un mot le Christ s’est incarné pour le salut de l’humanité.

3. Souveraineté du Christ.

Le Christ est « seigneur », x’ipioç ; il est « le Seigneur », 6 Kôpioç. Il possède la souveraineté, il est le maître des hommes et des choses ; son pouvoir est universel et absolu dans l’ordre spirituel et dans l’univers. Ce pouvoir lui a été conféré à la suite de sa résurrection, i, 4. Il est descendu du ciel, x, 6, c’est-à-dire incarné ; cf. i, 3 ; viii, 3 ; il est remonté de l’abîme, x, 7, c’est-à-dire ressuscité d’entre les morts. Il ne faut donc pas dire dans son cœur : « Qui montera au ciel pour en faire descendre le Christ ? » Ou encore : « Qui descendra dans l’abîme pour en faire remonter le Christ d’entre les morts ? » Loin d'être choses impossibles ou incroyables, ce sont au contraire des faits accomplis et dont la croyance appartient à l’objet essentiel de la foi. En effet, le Christ ayant reçu la puissance à la suite de sa résurrection est « à la droite de Dieu », viii, 34, et partage ses pouvoirs. Cf. Phil., ii, 8-11 ; Eph., i, 17, 20-23. Pour être sauvé, le fidèle doit croire que Jésus est Seigneur ; il doit formuler extérieurement, « de bouche », cette croyance, et croire « dans son cœur que Dieu l’a ressuscité des morts ». x, 9. Cette confession extérieure de foi devait avoir lieu au moment du baptême.

Le Christ est le même Seigneur pour tous, juifs et gentils ; il est riche envers tous ceux qui l’invoquent. x, 12. Il faut « invoquer son nom », c’est-à-dire le nom

propre de « Seigneur », pour être sauvé, de la même manière que l’on invoquait celui de Jahvé dans l’Ancien Testament. Ainsi le nom de Jahvé, Kupioç, devient celui du Christ, à qui il faut, désormais, rendre le même culte qu’au Seigneur dans l’Ancien Testament. Cf. Rom., x, 13 ; Act., ii, 21, 34, 36, 38 ; Joël (heb.), iii, 5, (Vulg.), ii, 32 ; Act., ix, 14, 21 ; x, 36 ; I Cor., i, 2 ; Phil., ii, 11. Saint Paul enseigne ainsi, d’une manière implicite mais très nette, la divinité de Jésus-Christ. En sa qualité de Messie glorifié et d’Homme-Dieu il l’appelle Kùpioç dans le sens de Jahvé dans l’Ancien Testament. L’on conçoit dès lors que le Christ ainsi glorifié puisse être appelé 0e6ç ; cf. ix, 5 ; Ps., ii, 6-8 ; ex (Vulg. cix), 1-2. Voir plus haut, col. 2884.

En montrant qu’il y a continuité entre la religion de Jahvé et celle du Christ, l’Apôtre répondait aux préoccupations des juifs. Mais, d’autre part, en employant le terme xopioç, usité au premier siècle comme prédicat divin, il facilitait aux grecs l’intelligence de la religion chrétienne.

L’homme.

1. Son origine. — Sur l’origine de

l’homme, l’Apôtre est tributairede l’Ancien Testament. Dieu a « façonné » l’homme comme le potier façonne le « vase d’argile » et il en est le maître absolu, ix, 20-21. Tous les hommes descendent d’Adam, v, 12-14 ; Dieu est le Dieu de tous les hommes, il veut les justifier tous par le moyen de la foi. ni, 28-29. L’unité de la race humaine, œuvre de Dieu, est pour saint Paul le principe de l’universalisme.

L’Apôtre parle de la nature de l’homme et de ses facultés en des termes qui appartiennent soit à l’hellénisme soit au judaïsme. Le voûç, cf. vosïv, i, 20, est l’esprit ou l’intelligence, la faculté de discernement. Il appartient à la nature de l’homme et montre le bien à faire. Il y a une « loi de l’intelligence », vii, 23 ; c’est par le voùç que l’on « sert la loi de Dieu ». vii, 25. Par l’intelligence l’on se « complaît dans la loi de Dieu selon l’homme intérieur », xocTà tôv eau &v6poOTov. L’homme intérieur, c’est la raison par opposition aux instincts ou aux tendances des sens qui appartiennent au corps « de péché ». vii, 23-24. On trouve à peu près la même expression, dans le même sens, chez Platon, Rcp., ix, 589. Cf. Eph., iii, 16 ; II Cor., iv, 16. Le chrétien, pour plaire à Dieu, doit offrir son corps comme une hostie vivante, c’est-à-dire le mettre entièrement au service de Dieu dans ses actions extérieures : c’est là un culte conforme à la raison, Xoyt.xr) Xocxpeia. xii, 1. Il doit se transformer « par le renouvellement de son esprit ou de son intelligence, toû vo6ç », xii, 2 ; c’est-à-dire, éviter de régler sa conduite d’après « le siècle », tendre sans cesse à la perfection et rendre ainsi l’intelligence toujours plus apte à discerner la volonté de Dieu.

Dans l'épîtrc, le terme <ty>yr est employé dans le sens de « vie » et de « personne humaine » ; il n’a pas spécialement le sens de principe de vie naturelle ; il n’est pas opposé à cw[jix. 2û[xa désigne le corps de l’homme en général ; mais, au sens moral, il est mis en relation avec le péché ; c’est « le corps de péché », vi, 6, 12, corps mortel depuis que le péché en a pris possession par lafaute d’Adam, vii, 24 ; v, 12. D’ailleurs les fidèles sont « morts à la Loi par le corps du Christ », vii, 4, c’est-àdire par la mort du Christ : son corps, en effet, était une chair semblable à celle du péché mais non soumise au péché ; c’est pourquoi, par son incarnation et sa mort, il a condamné « le péché dans la chair », viii, 3-4.

Sdep^, suivant la tradition biblique des Septante, signifie d’abord la nature humaine commune à tous les hommes, i, 3 ; iv, 1 ; ix, 3, 5 ; la race, xi, 14 ; parfois simplement le corps, ii, 28. Mais le plus souvent oàpÇ a un sens moral, il désigne un principe de faiblesse morale, vi, 19. Être « dans la chair », c’est être dans le corps dominé par la puissance du péché, vii, 5, 25 ;