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    1. RUSSIE##


RUSSIE. PREMIERS METROPOLITES DE MOSCOU

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regret, Sérapion est le seul évêque prédicateur que nous connaissions, après l’invasion des Mongols, pour une période d’environ trois siècles (Hist. de l’Église russe, t. ii a, p. 146-151). Voir aussi E.-V. Petukhov, Sérapion de Vladimir, prédicateur russe du XIIIe siècle. Élude et édition en supplément des « Homélies de Sérapion de Vladimir » d’après le plus ancien manuscrit, Pétersbourg, 1888.

Nous omettons un court document canonique attribué au métropolite Maxime : l’activité du métropolite Pierre semble avoir eu quelque importance : il y avait au xvie siècle un livre qui était intitulé Pierre de Russie (Petr Russkij). Il ne reste que peu de chose de ces écrits du premier métropolite moscovite. Mentionnons tout d’abord son encyclique aux prêtres et laïques où il empêchait les prêtres veufs de continuer à célébrer : « Si la femme d’un prêtre vient à mourir, qu’il entre au monastère et il conservera sa dignité sacerdotale : s’il veut rester dans l’état de faiblesse et s’il aime les joies du monde, qu’il ne chante pas ; s’il n’obéit pas à mes paroles, qu’il soit maudit (c.-à-d. non béni) lui et tous ceux qui communient de sa main. » Désormais les prêtres veufs, en Moscovie, seront dépotés au rang de sacristain, à moins qu’ils n’entrent au monastère. Les deux autres érîlres de saint Pierre au clergé de Russie ne présentent pas d’intérêt. En 1909, M. Nikolskij a publié un autre petit sermon du même métropolite, où il encourageait les fidèles à respecter le clergé, à faire pénitence et où il leur faisait un très bref commentaire des béatitudes. Voir Golubinskij, op. cit., t. n a, p. 11C-120 et A. Nikolskij, Matériaux pour l’histoire de l’ancienne littérature religieuse russe, dans Klir. Clen., 1909, n. 2. L’épîtrc sur le clergé veuf se trouve dans A. -S. Pavlov, Monum. de l’ancien droit canonique russe, dans liuss. Isl. Bibl., t. vi, n. 17.

Le métropolite Alexis écrivit une épître à tous ses fidèles lors de son accession au siège métropolitain où il leur rappela les devoirs de bons chrétiens ; il écrivit aussi deux autres lettres : l’une aux habitants de Niznij-Novgorod et une autre aux habitants de Cervlenyj-Jar dont le contenu est assez semblable à celui de son encyclique. On lui a attribué aussi une traduction du Nouveau Testament, qu’il aurait faite quand il était simple moine au couvent des C.udov ; en tous cas on ne connaît pas d’autre manuscrit qui ait conservé cette recension. Voir Lcontij, métropolite de Moscou, Le Nouveau Testament de N.-S. Jésus-Christ, traduction du métropolite Alexis (en russe : Novyj Zalêl. ..), édition phototypique, Moscou, 1892.

La littérature hagiographique, pour cette période, n’est guère plus abondante. Depuis l’invasion des Mongols jusqu’au concile de Florence, il n’y eut guère que sept et peut-être huit Vies de saints dont la .majorité furent d’ailleurs écrites sous le pontifical île Cyprien. Une série de récits, dont quelques-uns sont fort bien composés, se trouvent encore dans les recueils manuscrits ; d’autres ont été incorporés dans les chroniques.

En 1343, l’archevêque novgorodien Basile (on était toujours si positiviste à Novgorod !) s’efforça de prouver l’existence d’un paradis terrestre matériel à l’évêque Théodore de Tver. Les arguments de Basile sont tirés des apocryphes ou de Vies de saints ; ainsi, « Saint Macaire habita à 20 popr^Sc du paradis terrestre ; saint Euphrosine fut au paradis terrestre et il en rapporta trois pommes du paradis qu’il donna à son higoumène Basile, et elles firent beaucoup de guérisons » ; il y a aussi un argument ex ralione theologica : tout ce que Dieu a créé reste sans être détruit jusqu’à la création d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle. Enfin, et c’est l’argument final, des marchands novgorodiens ont vu le paradis terrestre ;

c’étaient Moislav et ses fils. Partis en mer avec trois bateaux, ils furent longtemps ballottés par les tempêtes et arrivèrent enfin au pied d’une très haute montagne ; une lumière extraordinaire baignait tout le paysagel on entendait des voix angéliques. On envoya un homme au sommet de la montagne, afin de voir et de revenir ensuite. Il monta, battit des mains et s’enfuit de l’autre côté. On envoya un second qui fit de même. Moislav et Jacob en envoyèrent alors un troisième, mais par prudence, ils lui mirent une corde aux pieds. Arrivé au sommet de la montagne, ce troisième explorateur se réjouit lui aussi, battit des mains et voulut s’enfuir. On tira sur la corde et il mourut. Ce qui restait des Novgorodiens revint à Novgorod et, conclut l’archevêque, « les enfants et petits-enfants de ces hommes, ô frère, sont encore vivants et en bonne santé ». C’est là l’unique ouvrage religieux entre l’invasion des Mongols et le concile de Florence, indiqué par Golubinskij dans son Recueil de littérature théologique ; il était difficile de trouver un exemple plus saisissant pour faire comprendre combien l’invasion mongole et les luttes intestines qui s’ensuivirent apportèrent de malheurs à la Russie. Voir Golubinskij, op. cit., t. n a, p. 208-21O.

Sous le pontificat de Cyprien, nous relevons l’activité liturgique de ce métropolite, une renaissance littéraire due aux influences bulgares et la lutte contre l’hérésie des strigolniki ; cette lutte fera l’objet d’un paragraphe spécial.

Tout en continuant à recevoir de Constantinople et des Balkans les divers livres liturgiques, on avait gardé en Russie le vieux tgpicon studite, délaissé depuis longtemps dans le Sud pour celui de Jérusalem. Aussi, les livres liturgiques ne répondaient plus aux indications des vieux typica ; d’où une série de difficultés et de confusions qu’on ne pouvait enlever qu’en mettant le typicon d’accord avec les livres liturgiques. Au lieu de prendre cette mesure radicale, on préféra résoudre les diverses questions individuellement. Cyprien travailla beaucoup, mais, soit impossibilité, soit manque de courage, il ne put faire une réforme d’ensemble.

Son euchologe est intéressant : il ne contient pas seulement le missel, mais aussi le rituel ; le théologien y glanera plus d’une indication importante. Cyprien donne le texte de trois liturgies, celle de saint Jean Chrysostome, celle saint Basile et celle des présanctifiés ; il n’y a pas d’épiclèse ; il est indiqué simplement que le prêtre « prie en lui-même » et après cette prière (sans paroles déterminées), on parle déjà de la sanctification des dons. L’intérêt théologique de ce détail n’échappe à personne.

Quelques particularités dans l’administration des sacrements ont aussi une importance dogmatique ; le rite du mariage, par exemple, est longuement décrit ; mais il n’y a pas de paroles rituelles prononcées lors de la transmission des anneaux ; le prêtre ne pose pas de question pour s’informer s’il existe un empêchement de lien : les paroles » le servit( ur de Dieu se marie… la servante de Dieu se marie » (litt. est couronné[e]) manquent également ; il n’y a qu’une formule déprécatoire. L’euchologe ne contient pas le rite du baptême ; mais Cyprien nous a laisse sa doctrine dans une Réponse qui réprouve le baptême par infusion, classé comme pratique latine. Cyprien exagère. Le baptême par infusion était répandu à cette époque, surtout pour ce qui concerne les enfants, en particulier les enfants faibles : « On tient l’enfant avec la main gauche, déclarent les rituels, et avec la main droite on prend de l’eau tiède et on la verse sur la tête, car, l’enfant étant faible, on observe l’infusion. » À ce témoignage qui suit à un peu plus d’un demi-siècle de distance la Réponse du patriarche de Constantinople