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    1. RUSSIE##


RUSSIE. L’AUTOCÉPHALIK MOSCOVITE

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l’archevêque Dsnys de Suzdal, un des protagonistes dans les troubles ecclésiastiques qui avaient surgi entre la mort du métropolite Alexis (1378) et celle de prince Dimitri Dnnskoj (1389). Denys vint dans les deux villes et s’acquitta de sa mission. Plus tard, cependant, un métropolite de Moscou trouvera mauvais que Denys, quoique légat de Constantinople et venant à un moment où la situation ecclésiastique de Moscou était à tout le moins peu éclaircie, se soit ingéré dans les affaires de Novgorod et de Pskov ; mais l’hérésie durait toujours. On en parle encore en 1427. Cette année-là on organisa une battue générale contre les slrigolniki et le métropolite Photius félicita les Pskovicns de leur zèle à châtier les hérétiques, tout en leur recommandant de ne pas les tuer. Nous retrouverons encore des slrigolniki à Novgorod plus d’un siècle après.

Malheureusement, nous ne connaissons la doctrine de ces singuliers hérétiques que par les écrits de leurs adversaires, en particulier par la lettre d’Etienne, évêque de Perm. Cette épître est fort intéressante au point de vue théolngique, car l’évêque missionnaire, non content de réprouver simplement la doctrine adverse, donne aussi les arguments de la doctrine orthodoxe. C’est ainsi qu’il développe la doctrine sur le sacrement de l’ordre : les slrigolniki, sans consécration ni mandat, n’ont pas le droit d’enseigner. « Car le Christ, notre Sauveur, choisit douze disciples, les nomma apôtres. Après avoir prié Dieu son Père, il leur imposa les mains et leur commanda d’aller enseigner le peuple ; les apôtres, voyant que la foi au Christ se propageait et que l’enseignement de la parole divine prenait de plus grandes proportions, lirent un choix entre leurs disciples et nommèrent 1 s uns piètres, les autres évêques, les autres patriarches et établirent le canon : deux ou trois évêques instituent un évêque… Ainsi il faut que nous considérions tous les prêtres comme les apôtres du Christ. Quand le prêtre célèbre la liturgie, il faut le considérer comme le Christ lui-même, célébrant, sur la montagne de Sion, la cène avec ses apôtres, et il faut communier de sa main comme de la main du Christ. »

Après avoir accusé les slrigolniki de pharisaïsme, l’évêque reprend : « Vous, ô strigolniki, vous accusez les évêques et les prêtres de manger et de boire ; c’est ainsi que les Juifs accusaient le Christ : « Cet homme « mange et boit, il est l’ami des publicains et des « pécheurs » ; et vous, ô strigolniki, vous dites : Ces « docteurs sont des ivrognes, ils mangent et boivent « avec des ivrognes, ils prennent de l’or, de l’argent et « des vêtements, ils pillent les vivants et les morts, « et par ces paroles insidieuses vous I rompez le « peuple. » Etienne répète alors à leur adresse toutes les accusations évangéliques contre les pharisiens : orgueil, désir de paraître pieux, jeunes en publie. Les slrigolniki se réclamaient ete saint Paul pour permettre aux laies ele prêcher ; Etienne leur réplique qu’une discipline permise « quand tous étaient infidèles » ne l’est plus aujourd’hui.

Il parle ensuite de la nécessité de la confession : « Comme un malade montre ses plaies au médecin, et le médecin lui donne le remède suivant la qualité du mal, et le malade guérit ; ainsi l’homme accuse ses péchés à son père spirituel emi lui enjoint ele ne plus pécher, lui impose une pénitence à faire et, par ce fait, Dieu lui pardonne ce péché. » Pour prouver la nécessité de prier pour les défunts, l’auteur apporte une série de jolies historiettes comme celle du moine qui mourut dans la laure de Saint-Antoine à Kiev. Il mourut en état de péché ; on l’ensevelit élans la crypte : « Il exhalait une mauvaise odeur et il y eut une apparition à son sujet ; l’higoumène commanda de retirer son corps et de le donner aux chiens ; mais dans la suite, par les prières des saints Pères Antoine et Théodose et des autres saints déposés dans cette crypte et par les prières des autres saints Pères vivant dans cette crypte, il lui fut pardonné et la mauvaise odeur se transforma en parfum. » On pensera tout ce qu’on voudra ele cette anecdote copiée d’ailleurs dans le Palerik des Cryptes : il n’était pas inutile de la rappeler à ceux qui croient qu’aucun péché, pas même véniel, ne peut être pardonné après la mort.

Les slrigolniki, tout comme plus tard les disciples de Nil Sorskij, étaient adversaires des grandes propriétés ecclésiastiques. Ce n’est pas le seul trait par lequel ils ressemblent aux moines d’au delà de la Volga. Comme eux, ils étaient dans l’ensemble plus cultivés que leurs compatriotes, lisaient volontiers et raisonnaient sur ce qu’ils lisaient. Aussi quelques auteurs, rejetant l’explication que nous avons donnée des hérésies ele la secte, y voient plutôt l’effet d’un rationalisme semblable à celui qui éclatait alors en Occident. D’autres les mettent en rapports avec Grégoire Palamas, ce qui est plus difficile ! On pourrait les rapprocher davantage des vaudois occidentaux et autres sectes anticléricales, qui eux aussi, scandalisés par les mauvaises coutumes du clergé, voulaient nier tout sacerdoce. II serait peut-être intéressant de chercher à rattacher les uns aux autres ces mouvements hétérodoxes populaires reliés entre eux par une idéologie peu raffinée, mais toujours violente et extrémiste. Tout ce que nous savons des slrigolniki peut s’expliquer par une simple protestation, mais profonde et poussée jusqu’à ses dernières conclusions, contre la cupidité du clergé et son inconduite. Ce sont des anticléricaux qui, l’Évangile en main, fulminent contre les abus et en introduisent de’pires, quoique leur conduite privée, d’une rigidité parfois farouche, soit au-dessus de tout blâme.

Les documents sur l’hérésie eles strigolniki ont été publiés de nouveau par Pavlov et BeneseviC, Monum. de l’une, driiit canon, russe, dans Russ. Ist. Ilibl., 1908, t. vi. Kn plus des histoires générales de l’Église : Macaire, Golubinsklj, voir encore E, Vorontsov. Le mouvement des sectes dans la liussie du Xord au XIV siècle (en russe : Sektantskoe dinïcnie. ..), dans’ent i razunt, 1900, n. 18, lil ; cet auteur rejette les influences bogomiles et considère ce mouvement comme une chose locale, Influencé par les inquiétudes religieuses de l’Occident catholique et par la peste qui avait éclaté a cette époque. Th.-I. l’spenskij, .Sur l’origine de l’hérésie des strigolniki (O proiskhoidenie), dans Istoriâeskoe obozrênie, t. iii, 1891, p. 214.

VIII. Le concile de Florence et l’autocéphalie moscovite.

Au métropolite Cyprien, qui gouverna toute l’Église ele Russie (du Nord, ele l’Ouest et du Sud) de 1389 à 1406, succéda le Grec Photius, qui occupa le siège de Mose-e>u jusqu’en 1 431. Ce patriarche marque un dernier effort de la part de Constantinople pour garder la suzeraineté sur l’Église moscovite.

Depuis longtemps — depuis les origines — la Russie s’efforçait de s’affranchir de la tutelle grecque. Un regard jeté sur la table eles métropolites depuis l’invasion des Mongols jusqu’au concile de Florence montrerait que, normalement, Crées et Russes alternaient. Constantinople pourtant sentait bien que la Russie lui échappait. En 1393, le patriarche Antoine écrivit à Moscou pour protester contre l’omission élu nom de l’empereur dans les ecténies. En 1415, les évêques ele Russie occidentale, réunis en concile à Vovogrodek, se séparèrent a nouveau ele Moscou et élurent un métropolite dissident, le fameux Grégoire Tsamblac qui accepta l’union de Constance, puis disparut mystérieusement ; mais le métropolite moscovite Photius, après avoir récupéré son territoire, fit inclure dans le serment que les évêques devaient prononcer lors de leur consécration épiscopale « qu’ils promettaient de ne pas accepter de métropolite sinon celui qui serait