RUSSIE. L’HERESIE JUDAÏSANTE
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facile de supposer que nous sommes en présence (l’un faux ou encore que Joseph de Volokolamsk a simplement antidaté une de ses lettres…
Quant à l’introduction au Prosvêtilel, où l’higoumènc
de Volokolamsk fait à sa manière l’historique de
l’hérésie judaïsante, voici quelques-unes des conclusions
établies par X. Popov en 1913 :
" 4. La première
rédaction du Prosvêlitel ne savait pas que Zosime
avait participé au mouvement hérétique. —
6. La
rédaction postérieure de ce récit, paraissant à un
moment où son auteur est surexcité au suprême fleuré
par le fanatisme qu’il avait déployé dans sa lutte
contre ses adversaires, répond moins à la réalité que la
première rédaction. —
7. …Ce n’est qu’avec la plus
grande réserve que nous pouvons nous servir des
autres indications historiques de ce document. Si la
haine put changer radicalement, à brève échéance,
l’idée que Joseph avait de Zosime, n’avons-nous pas
le droit de nous attendre à davantage pour ce qui est
de l’idée de Joseph sur l’hérésie des judaïsants ? —
8. Le récit du Prosvêlitel de la dernière rédaction n’obtint
évidemment pas beaucoup de faveur, même, au
xvi c siècle, et cela non seulement auprès des moines
d’au-delà de la Volga, mais même chez les partisans de
Joseph parmi lesquels il faut compter le métropolite
Macaire. —
9. Le bienheureux Joseph classa comme
hérétiques tous ceux qui parlaient de traiter les hérétiques
avec miséricorde, en particulier Nil Sorskij ».
N.-P. Popov, Le récit sur l’hérésie des judaïsants écrit
par Joseph de Volokolamsk d’après les manuscrits des
grandes Menées, dans Izv. OUI., t. XVIII, 1913, p. 173197. Ces thèses de Popov viennent de recevoir une
confirmation du travail récent de V. Perets, Le Prosvêlitel
de Joseph Sanin dans une traduction ukrainienne
du début du XVIIe siècle, dans Sborn. Old., 1928, p. 108167. Il manque aussi à cette traduction les invectives
contre le métropolite Zosime.
Les conclusions de Popov sont accablantes pour l’higoumènc de Volokolamsk. Mais dès 1905, un professeur de l’académie ecclésiastique de Sergiev Troitsa, Th. -M. llinskij. avait innocenté Zosime et accusé Joseph, dans un article du Bogoslovskij Vêstnik de son académie, 1905, 3 octobre CLe second article, quoique annoncé, n’a jamais paru.)
5° La polémique anti judaïsante. —
D’après les développements historiques que nous venons de faire, il apparaît difficile de classer cette hérésie. II nous semble impossible d’y voir une seule hérésie, c’est-à-dire un groupe homogène de doctrines. Il est manifeste que des juifs convertis y prirent part et que par conséquent l’influence juive s’y manifesta. D’autres auteurs y ont reconnu des apports bogomiles. Récemment, M. Félix Koneczny, professeur à Vilna, décrivant le voyage à Moscou d’Hélène la Moldave, fiancée du lils d’Ivan III, crut que dans son entourage il y avait plusieurs bogomiles ; de fait, les livres dont se servaient les judaïsants manifestaient des préoccupations de ce genre. Féodor Kuritsyn, l’homme d’État qui semble avoir été un des principaux appuis ([île les hétéro doxes trouvèrent à Moscou, avait beaucoup voyagé à l’étranger. Il avait été ambassadeur en Hongrie et était revenu par la Moldavie et la Crimée. On reconnaît assez volontiers dans la littérature judaïsante des livres de cabale et d’occultisme. Il y a le Sestokrul (les six ailes), le Mystère des mystères, attribué à Aristote, et d’autres encore. L’attitude du prince Ivan III semble a peu près inexplicable. On condamne les popes novgorodiens accusés d’actions orduriercs. mais le mouvement persévère parmi les chefs. Nous croyons qu’Illovajsl ij fut bien inspii. quand il ci ut que I lu r. sic judaïsante était surtoul faite de pratiques d’astrologie. On comprendrait alors plus aisément l’attitude d’Ivan et de Kuritsyn.
En tout cas les judaïsants semblent avoir été des personnes cultivées. Dans sa lettre à l’ancien archevêque de Rostov, Gennade de Novgorod demande qu’on lui recherche < au monastère de Saint-Cyrille (c’est-à-dire de Belozero) ou de Spassokamennyj : Sylvestre, pape de Rome (la Donatio Conslanlini), le discours du prêtre Coinc contre l’hérésie bogomile, l’épître de Photius au prince Boris de Bulgarie, les Prophéties, la Genèse, les Bois et les Proverbe. Ménandre, Jésus de Sirach et la Logique et Denys l’Aréopagite ; car tous ces livres se trouvent dms les mains des hérétiques. > Sobolevskij a depuis identifié cette Logique avec une œuvre du rabbin Maimonides.
On a beaucoup écrit sur le Psautier judaïsant dont parle Gennade dans sa lettre à Joasaph. En 1907. Speranskij publia un Psautier traduit durant le pontificat du métropolite Philippe par un « Théodore baptisé d. Il ne s’agit pas ici de psaumes, mais de prières dont se servaient les Juifs dans leurs services litur giques. Ces « psaumes », inspirés d’ailleurs du livre de David, ne contiennent pas les prophéties messianiques. Il y avait aussi quelques cantiques. Plusieurs auteurs ont identifié ce Théodore avec l’auteur d’une épître au peuple juif, baptisé durant le gouvernement de Basile Basilievié par le métropolite Jouas (donc de 1448 à 1461 1. L’auteur de l’épître semble sincère dans son attachement à l’orthodoxie. Comment put-il donc traduire un livre de prières juives de 1401 à 1473 ? Les uns ont cru que Théodore était un hypocrite, d’autres qu’il avait traduit le psautier avant son baptême. Speranskij penche à croire que Théodore se convertit sincèrement, mais, quand l’hérésie éclata à Novgorod, et quand Skharij qu’il avait connu dans le grandduché de Lithuanie ou à Kiev vint en Bussie, il aurait appuyé en sourdine ses anciens coreligionnaires.
Or, tout cela tombe par la base si l’on se souvient que, d’après Gennade, ce psautier contient la doctrine (littéralement tradition, predanie) des « hérétiques Aquila, Symmachus et Théodotion ». Or, Sobolevskij en a fourni la preuve, le seul commentaire des Psaumes qui contienne des fragments de ces trois auteurs est celui de Théodoret de Cyr qui existe précisément dans une vieille traduction slave. Gennade ne savait donc pas que le psautier en question était l’œuvre du « bienheureux Théodoret o et il cria au judaïsme.
De tous les ouvrages que l’on a pu démontrer comme étant reliés à l’hérésie judaïsante, il n’en est pas un seul qui défende des doctrines juives.
Des polémistes orthodoxes contre l’hérésie judaïsante, nous ne retiendrons que trois noms : l’higoumènc Sawa, Joseph de Volokolamsk et le métropolite Daniel.
Nous ne nous at tarderons guère à la lettre de Sawa à D.nitri Yasilicviè Sehcin. L’auteur s’inspire presque uniquement de la Palea avec quelques citations de l’Évangile et du métropolite Ililarion. Sa contribution théologique n’est pas intéressante et a passé ina perçue jusqu’au début de ce siècle.
L’ouvrage classique de la polémique antijudaïsante est r Illuminaient- (Prosvêlitel) ou Lucidarius du célèbre bigouniène Joseph (h-Volokolamsk. Cet ouvrage connut longtemps une vogue extraordinaire dans l’ancienne Russie et conserve encore l’estime des historiens de la littérature religieuse archaïque russe. Malheureusement nous n’avons à notre disposition que l’édition bien imparfaite de Kazan (1857). l’opov (dont nous avoir, rapporté plus haut les conclusions ) exprimait en 1913 le désir qu’une nouvelle édition critique en fut préparée.
Nous connaissons déjà l’introduction du Prosvêtilel. On » parle du juif Skharij. de la perversion des prêtres Denis et Alexis, de leur fuite à Moscou. Dès lors, du moins d’après l’édition de Kazan qui représente la