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RUSSIK. LE SCHISME DES STAROVIÈRES

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à-vis du tsar Michel, mais proclamait qu’il fallait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Afin que le patriarche ne crût pas que les protestants ignoraient leur religion, il présentait cette exposition en vingt et un chapitres.

La réponse russe, écrite encore par Nascdka, porte la date du 23 mai 1644 ; elle est fondée sur le Livre de Cyrille, le décret du synode de 1C20 que nous connaissons déjà, VExposilion contre Luther que nous avons étudiée, et quelques écrits des Pères. Les manuscrits en sont nombreux. Elle est loin d’avoir la précision et la science de l’écrit du pasteur protestant. Nasedka ne touche pas plus que celui-ci la question essentielle : le libre examen des textes bibliques.

Il affirme la nécessité de la tradition pour des raisons bizarres. Il faut accepter tout ce que disent les Pères, dit-il, car « l’Esprit-Saint agit sur eux comme sur les apôtres ». Ils firent « de grands prodiges et miracles, et sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, ils dirent beaucoup de choses extraordinaires et admirables, et l’opération du Saint-Esprit se manifesta en eux en toutes choses exactement comme chez les apôtres ». Nous avons là un critère qui nous mène loin. L’estime des protestants pour les conciles n’est pas suffisante. Les sept cornes et les sept yeux de l’agneau de l’Apocalypse qui sont les sept esprits de Dieu sont précisément les sept conciles. En plus de l’Écriture sainte, il faut aussi admettre des traditions orales, I Cor., xi, 2 ; IIThess., ii, 15 ; Tit., i, 5 ; saint Basile et d’autres (c. iv). On reprend quelques points de détail : les mariages mixtes étaient permis au début du christianisme afin de ne pas révolutionner l’ordre social (c. i) ; quant à l’eucharistie, il faut se servir de pain (khlêb) et non d’azymes qui ne sont pas du pain, puisqu’il leur manque le ferment qui représente l’âme et le sel qui représente l’esprit. La nécessité de l’eau dans le calice est prouvée par I Joa., v, 6 et Joa., xix, 34. Lors de l’institution de l’eucharistie, le Christ n’était pas encore crucifié ; son côté n’avait pas été ouvert et le mystère de l’eau n’avait pas encore été accompli (c. v). Le chapitre sur le culte des images est dans la tradition moscovite : distinction (peu clairement établie) entre icônes et idoles ; on reparle des images plus ou moins authentiques du Nouveau Testament (c. vin). Laissons de côté d’autres remarques et donnons la pensée de Nasedka sur le baptême. Les arguments de Velhaber ont porté et l’écrivain moscovite est embarrassé. Il s’obstine à prouver que le Christ fut trois jours et trois nuits dans le tombeau ; voici comment : le vendredi saint, de la sixième à la neuvième heure, ce fut la nuit (les ténèbres couvrirent la terre) ; puis ce fut le jour jusqu’au coucher du soleil. Il y a ensuite la nuit et le jour du samedi ; enfin, la nuit du dimanche fut transfigurée en jour par la Résurrection. Jean plongea le Christ dans le Jourdain, sinon, il aurait dû le baptiser sur la rive. Il cite Denys l’Aréopagite (c. xiii-xix). Au chapitre xx, il décrit le baptême (par immersion) de Constantin et de saint Vladimir.

Il y eut ensuite des disputes orales entre Vclhaber et Nasedka, d’autres encore entre Yelhaber et deux archimandrites grecs de passage. Il est difficile de se lier aux comptes rendus de ces joutes théologiques ; ceux de Vclhaber semblent moins embarrassés et plus sincères. Les (irecs tirent de la philologie allemande et soutinrent que tau/en voulait dire plonger dans l’eau par immersion totale. Vclhaber « répondit plus de cent fois que ce n’était pas vrai, et qu’il espérait savoir son allemand mieux qu’eux », que taufen vient de l’hébreu lava qui veut dire « poser un fondement ». Ces disputes étaient inutiles ; le pasteur protestant, désespérant d’ébranler les idées arrêtées de ses adversaires, de manda de ne plus continuer la discussion. Certains los covites semblent avoir été pourtant impressionnés : le

prince Siméon Sakhovskoj fut accusé d’avoir dit et même écrit qu’Irène pouvait épouser Valdémar sans péché. Il fut condamné pour cela à être brûlé vif, mais, suivant la miséricordieuse pratique du souverain, il fut seulement déporté dans un monastère. Le mariage n’eut pas lieu. Michel Feodoroviê mourut et Valdémar put enfin rentrer dans son pays.

A. -P. (iolubtsov, Les disputes religieuses suscitées par l’affaire du prince royal Valdémar et de la tsarevna Irène Mikhailovna (en russe : Prenija o vêre…), Moscou, 1891 ; du même, Monuments des disputes religieuses, dans Glenija, 1892, 2, p. xxvi-350 ; C. Nyrop, Nogle Oplysninger om Grei) Valdémar Krislians Ruslandsfærd (164$1-$2645), Copenhague, 1801.

Nous parlerons ailleurs (col. 308) des polémiques de Siméon de Polock contre les protestants.

Vers la fin du xviie siècle, alors que les protestants se multipliaient en Russie, d’autres écrits furent composés contre eux. Lebedev a fait une édition (d’ailleurs critiquée) de deux de ces écrits : le premier, attribué à Ignace, archimandrite de Novo-Spass (1684-1692) avant d’être archevêque de Tobolsk (1692-1701), se distingue par un ton décidément grossier. Pour le fond, c’est le traité classique sur le culte des saints et des images avec une addition (peu intéressante) sur la vie érémitique et la liberté humaine. Le second est plus intéressant, plus éloquent surtout. C’est un Discours contre les latins et les luthériens ; comment il ne convient pas de bâtir des églises et des kirki hérétiques pour eux dans le territoire de Moscou et dans toute la terre russe. Il exprime bien les inquiétudes des Moscovites de la vieille école à la vue des nombreux étrangers admis dans leur pays par Pierre le Grand et qui multipliaient, sous la conduite du jeune despote, les profanations les plus scandaleuses. Voir A. -S. Lebedev, Travaux polémiques anlilulhériens récemment découverts, dans Glenija, 1884, 3.

Il faudrait, pour être complet, parler encore des infiltrations protestantes dans la théologie russe par le moyen des prélats grecs ou des livres grecs envoyés à Moscou ; celles-ci se manifestèrent surtout après l’avènement de Pierre le Grand (1682), dans la seconde période de l’histoire de la pensée religieuse en Russie. La confession de Cyrille Lucar semble avoir eu peu d’influence en Moscovie. Pas davantage celle de Métrophane Critopoulos. Le seul épisode significatif doit être rattaché à la venue en Moscovie des frères Likhudi dont nous parlerons tout au long.

Outre les travaux déjà indiqués au cours de ce paragraphe, voir Joli. Uothwidus, Thèses de quiestione : utrum Muschovitie sint christiani, Leipzig, 1750 ; H. Dalton, Geschichle : derreformierten Kirche in Russland, Gotha, 1865 ; du même, Beitrâge zur Geschiehte der eoangelischen Kirche in Russland, 4 vol., Gotha, 1867, 1860 ; Berlin, 1898, 1905 ; Joli. Lasicki, De Russorum Mosconitarum et Tartarorum religione. Spire, 1582 ; N.-P. LikhaCev, Un étranger bienveillanl envers la Russie au XVI Ie siècle (en russe : Inostranets dobroielatel’…), dans Ist. Vest., juill. 1808, il s’agit de Johann Gottfried Gregori, pasteur protestant de Moscou ; A. Xikol’skij, Matériaux pour l’histoire de la polémique antiluthérienne en Russie du Nord-Est aux XVI* et XVII’siècles, dans Trndꝟ. 1864, n. 1, 2 ; M. Siricius, Religio Moscovitica, Giessen, 1661 ; Joh. Schwabe, Tsukrov Moskonskij sive dissertatio theologica de relig. ritibusgue Moscoinlarum, léna, 1665.

XV. Le patriarche Nikon ; le schisme des starovières (vieux-croyants). Concile de 1666-1667.

Une grave scission se produisit dans l’Église orthodoxe de Russie au milieu du xvir 3 siècle. L’occasion en fut la correction des livres et cérémonies liturgiques entreprise par le patriarche Nikon.

Api es la consécration du patriarche Philarète par Théophane de Jérusalem (1619), les hiérarques de l’Orient turc vinrent de plus en plus fréquemment quêter en Moscovie. Les simples moines ou dignitaires