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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE DEBAT S l T B LA FORME DE L’EUCHARISTIE

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tain nombre d’ouvrages écrits par les théologiens russes de tendance latinisante :

Le Catéchisme de Siméon de Polock fut condamné propler doclrinam de obsccenis quæ inlervenire possunt inter uxorem et marilum ; la Couronne de la foi du même auteur pour « diverses inventions des Scotus, Aquins et Anselmes » et aussi pour un « symbole appelé apostolique », alors que l’Église orthodoxe ne connaît que le symbole de Nicée. Cet ouvrage contenait aussi des passages où Siméon expliquait certains problèmes d’astronomie, etc. Le Psautier du même auteur, pour des emprunts faits à l’écrivain polonais Jean Kochanowski. qui était « un latin ou un sectateur d’Apollinaire » ; les recueils de prédication, le Repas spirituel et les Soirées spirituelles, parce qu’ils contenaient « quelques hérésies latines », entre autres sur la forme de la transsubstantiation, sur la métanie à faire, après avoir prononcé les paroles du Christ, au pain et au vin non encore changés au corps et au sang du Sauveur, et sur la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils (sic !). Enfin, on condamna un Discours sur la bonne tenue à l’église du même Siméon, parce qu’il y insistait sur la métanie à faire après les paroles de la consécration.

Après avoir condamné Siméon de Polock, on condamna son disciple Silvestre Medvêdev « auteur d’un livre (évidemment la Marina) plein de mensonges et de tromperies et de mauvaises paroles et d’injures contre la sainte Église orientale, dans lequel il corrompait les écrits des saints Pères, « appelant bon ce qui « était mauvais et mauvais ce qui était bon », etc. Silvestre, « comme il le confesse lui-même », a été induit en erreur par les nouveaux livres kiéviens que Joachim s’empresse donc de condamner : c’est d’abord le Grand Trebnik de Kiev (1646 ; c’est le fameux Trebnik de Moghila) qui donne un certain nombre de rites latins comme orientaux : le baptême par infusion, la transsubstantiation par les paroles du Christ, les métanies à faire à ce moment. Semblables à ce Trebnik sont les Sluîebniki (missels) de Kiev (diverses éditions), de Wilno et de Strjatin. Joachim condamne encore trois ouvrages de Cyrille Tranquillion : son Commentaire des évangiles, son Miroir de la théologie et sa Perle précieuse ; puis les deux catéchismes édités aux Cryptes de Kiev (1645), l’un en polonais et l’autre en slavon (il s’agit du catéchisme de Pierre Moghila) ; il condamne encore le Lithos du même métropolite, La Paix avec Dieu de Gisel, les Trompettes de Lazare Baranovic (recueil de sermons imprimés à Kiev en 1074 : il avait voulu les imprimer à Moscou, mais Baranovic’s’étant montré un énergique défenseur de l’immaculée conception dans deux de ces sermons, malgré les instances de Siméon de Polock, Moscou refusa d’imprimer l’ouvrage), la Clef de V intelligence de Joannice Galjatovskij (Kiev, 1659, 1660) : Y Épée spirituelle de Lazare Baranovic (août 1 666, approuvée par le concile de Moscou de cette année, puis condamnée par Nikon), le Juste Messie de Galjatovskij (Kiev, 1 069) et enfin le traité de Kossov sur les sept sacrements. Ces livres, observe Joachim, sont en contradiction les uns avec les autres ; enfin et surtout, Joachim réprouve le fameux Vyklad de Théodose Safonoviô (Kiev, 1667 ; beaucoup d’éditions ensuite), où la thèse catholique sur la transsubstantiation avait été si énergiquement proposée et défendue. Silvestre Medvêdev, continue Joachim, a brûlé lui-même sa Marina. Ce livre est donc solennellement condamné et, avec lui, tous les autres écrits de Medvêdev contre les Likhudi.

Sans doute, il ne faut pas prendre cette interdiction trop au tragique. La théologie malo-russe, nous le verrons plus loin, se fit encore profondément sentir en Russie pendant presque un demi-siècle, mais l’interdiction était là et dans la suite devait peu à peu produire son effet.

Les Likhudi étaient en train de se compromettre très gravement aux yeux des Moscovites. Au début de 1688, un uniate arrivé de Pologne en Ukraine fut arrêté ; on trouva sur lui une série de documents qui établissaient que les Likhudi faisaient à Moscou les affaires du roi de Pologne. Nos deux Grecs en furent extrêmement inquiets et l’un d’eux, Joannice, tant pour ses négociations personnelles qu’ému par la tournure que prenaient ses affaires à Moscou, partit pour Venise. Il fut accompagné par un certain Pierre Artemèv. qui, devenu catholique durant son voyage, puis ordonné diacre par le patriarche Adrien, fut condamné en concile à son retour et enfin envoyé à Solovki. On le mit dans un cachot où il se consola comme il put en écrivant, sur les murs de sa prison, une admirable paraphrase de l’Ave Maria. D’après les sources russes, Pierre, catholique durant toute sa captivité, se serait confessé à un prêtre orthodoxe in arliculo morlis, mais n’aurait pas eu le temps (dans un monastère !) de recevoir le saint viatique. Nous n’avons aucune raison de croire qu’après avoir été si longtemps fidèle, il ait trahi la foi catholique à l’instant même de sa mort, d’autant plus qu’une confession faite à un prêtre dissident dans de telles circonstances n’engage certes pas la foi. Sljapkin parle d’Artemêv comme d’un fanatique. Saluons en lui un des premiers martyrs catholiques de Solovki.

Le voyage de Joannice fut très mouvementé. On l’accusa à Vienne d’avoir commis un incendie et il dut faire de la prison. D’autres histoires des mêmes Likhudi, plus sordides les unes que les autres, avaient surexcité contre eux l’opinion publique à Moscou quand le fils aîné de Joannice, Nicolas, fit un scandale avec une jeune fille de la plus haute noblesse. D’autre part, le patriarche de Jérusalem, Dosithée, écrivait de violentes lettres à Moscou et accusait les deux aventuriers d’avoir indignement détourné l’héritage d’un certain Mélèce. Tous les Likhudi s’enfuirent pour la Pologne, mais, arrêtés en route, ils furent ramenés à Moscou. De nouvelles accusations de tripotages financiers arrivaient incessamment. On les chassa de la capitale ; ils se trouvèrent un obscur asile à Novgorod où mourut Joannice. Sophrone finit par obtenir une archimandrie dans l’éparchie de Riazan, mais son influence s’était éclipsée depuis longtemps.

Sur les Likhudi, voir la monographie trop louangeuse de M. Smentsovskij, Les frères Likhudi (liratja Likhudi), Pétersbourg, 1899 ; cet ouvrage ignore beaucoup trop l’étude de Prozorovskij sur Medvêdev. Voir encore VI. Lettressur, La fuite des Grecs Likhudi de Moscou ( Gramoty…), dans Ùlenija, 1867, n. 2. Voir aussi la bibliographie que nous avons indiquée en parlant de S. Medvêdev et celle que nous donnerons col. 324.

Peu après ces événements, Euthyme composa son Aiguillon fOsten’) longtemps attribué au patriarche Joachim. C’est un recueil qui contient plusieurs documents dont nous nous sommes déjà servis au cours de cette étude. Une double préface, d’abord : l’une adressée aux évoques les encourage à frapper de leur « aiguillon spirituel » les « assassins des âmes », l’autre adressée au lecteur. Viennent ensuite les documents suivants : 1. la réfutation envoyée par le très saint patriarche Kir Joachim, patriarche de Moscou, de toute la Russie et de tous les pays du Nord, au métropolite Gédéon de Kiev, à l’archevêque Lazare de Cernigov et à d’autres, du livre récent appelé Exposition sur l’Église et les choses ecclésiastiques, imprimé à Kiev en 1067. C’est la réfutation du Vyklad de Safonoviè que nous connaissons ; 2. Le compte rendu, plus ou moins authentique, de la dispute entre Épiphane Slavineckij et Siméon de Polock sur l’eucharistie ; 3. Une note sur « le défroqué ancien moine Silvestre Medvêdev » : 1. Le procèsverbal de la manière dont la rétractation de Medvêdev,