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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LA SUPPRESSION DU PATRIARCAT

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volontaire qu’était son fils. Pierre, de son côté, aurait préféré Marcel, métropolite de Pskov, Ruthène d’origine et autrement lettré qu’Adrien, qui semble avoir été une nullité intellectuelle : mais, en cette occasion comme tant de fois jusqu’en 1694, Pierre s’effaça devant les désirs de sa mère.

Ignoiant et presque entièrement fermé aux questions intellectuelles, le nouveau patriarche, Adrien, chercha pourtant quelque peu à résister au torrent qui débordait sur la Russie. Dès le début de son patiiareat, il protesta contre certaines pratiques extérieures introduites par le nouveau tsar qui. adversaire résolu d’un passé qu’il méprisait, imitateur enthousiaste d’une Europe qu’il ne connaissait que pai son côté matérialiste et sensationnel, mais doué en même temps d’une vitalité exubérante et d’une énergie dont rien ne pouvait arrêter l’impérieux élan, entraînait son pays dans une transformation dont nul, alors, ne pouvait soupçonner la portée.

Né en 1672 d’un second mariage d’Alexis Mikhailovicavec Nathalie Kirilovna Naryâkin, Pierre perdit son père deux ans après. Durant le règne des enfants de la première femme d’Alexis, de Théodore d’abord, de Sophie ensuite, il connut une enfance assez orageuse. Quand sa soeur était au pouvoir, sauf pour de rares apparitions au Kremlin où il recevait les ambassadeurs étrangers, il vivait à Preobrazenskoe, où il poussait avec la vitalité d’une plante sauvage. Rompant avec toutes les traditions nationales, l’héritier du trône des tsars, laissé sans surveillance, cultive la société des valets, des étrangers, fréquente le célèbre faubourg allemand (la Nêmeckaja Slobnda) où il prend, sans aucun contrôle, ses premières leçons de liberté personnelle et d’activité débordante dans le travail comme dans la débauche. Il touche à tout, s’intéresse à tout, sauf, on serait tenté de le dire, à ce qui est national. Il s’empare du pouvoir en 1689 dans les circonstances que loi sait. Après la mort de sa mère (1694), le patriarche Adrien et tout le parti qu’il représente lui deviennent de plus en plus intolérables. Il favorise résolument les jésuites, encourage les catholiques, affiche un profond mépris pour son propre clergé qu’il trouvait ignorant et rétrograde et le tourne en ridicule par des cortèges burlesques et obscènes, par l’institution de son faux patriarcat, de son concile d’ivrognes et de débauchés. Par ces profanations, ordinairement grossières et multipliées sans l’ombre d’un scrupule, Pierre se rapproche des bolchévistes de l’heure présente dont, sous plus d’un rapport, il semble être un précurseur.

Dans la question dogmatique qui avait tellement agité les esprits durant le patriarcat de son prédécesseur, Adrien montrait un esprit plus conciliant. « Il paraît même qu’il aurait dit à Gabriel (Domeckij, partisan de Medvidev) que le patriarche Joachim regretlait de s’être mêlé de cette affaire, que souvent, en pleurant, il s’était plaint d’Euthyme qui l’y aurait poussé comme il l’aurait poussé à plusieurs autres ac es du même genre… » VoirSljapkin, Saint Dimilri de Roslou et son (en ps, p. 165-166. II décréta pourtant que, dans le serment épiscopal, tout comme dans celui que devaient prêter les aumôniers du tsar, il y aurait une formule contenant la doctrine de la consécration par l’épielèse. À part cela, et à part son empressement à faire condamner Pierre Artemêv dont nous avons parlé ailleurs, Adrien semble s’être peu occupé de questions dogmatiques.

Il était d’ailleurs une nullité. D’après les témoignages défavorables des jésuites qui étaient alors à Moscou et qui jouissaient de la faveur de Pierre, le patriarche ne se distinguait ni par 1 instruction, ni par le zèle ; il « dormait, mangeait et buvait sa vodka ». Le 21 février 1696, il fut frappé d’une attaque de paralysie qui le rendit impotent jusqu’à la mort et il abandonna toutes les affaires de l’Église à un personnage qui ne méritait pas sa confiance. Il ne sut ni collaborer à l’œuvre d’éducation que lançait le tsar, ni résister avec dignité à ses dévergondages. Quand, en 1698, après la dernière révolte des streltsi, Pierre en fit exécuter et en exécuta lui-même un nombre considérable, Adrien voulut intercéder pour eux. Le tsar le chassa brutalement et Adrien se retira. Pierre semble de plus en plus avoir perdu le respect pour ce malheureux qui ne savait ni se plier suffisamment pour collaborer à l’œuvre d’éducation qui s’imposait, ni résister avec courage aux excès de Pierre. Rien rares, il est vrai, furent les ecclésiastiques qui osèrent, comme Mélrophane de Voronège ou quelques autres, faire front au despote qui tenait en mains lesdestinées de la Russie. Adrien ne semble avoir eu que peu d’autorité sur les autres évêques : une seule fois, l’archevêque de Kholmogory, Athanase, qui semble, lui, avoir été d’une tout a-tre trempe que son patriarche, s’avisa de le consulter sur un point important. Adrien en fut tout ému et lui en exprima sa reconnaissante admiration. On voit bien qu’on le consultait peu. Il mourut en 1700. Pierre n’était pas alors à Moscou, mais les jésuites qui s’y trouvaient virent juste quand ils dirent que Pierre, très probablement, ne lui trouverait pas de remplaçant.

Un décret du 16 décembre 1700 détermina, au moins pour un temps, la situation ecclésiastique. L’administration temporelle des immenses biens fonciers qui étaient la propriété de l’Église fut confiée à la « chancellerie monastique » ( Monastyrskij prikaz), fondée en 1648, supprimée en L667 comme anticanonique et rétablie maintenant. Ivan Musin Puskin fut préposé à ce nouvel organe. Comme remplaçant du patriarche Adrien, sans pourtant lui donner la dignité et le titre de patriarche, Pierre désigna Stéphane Javorskij comme i gardien du siège patriarcal ».

Les lettres d’Adrien à Pierre le Grand ont été publiées par Leonid, Correspondance de Pierre I effet du patriarche Adrien, dans Russkij Arkhiv, 1878, i, 5 ; Clenija, 1870, 4 ; Lettres du pair. Adrien ri de l’archevêque de Kholmogory, Athanase, au sujet du monastère de Solovki ( Gramnudij…), dans Pamjatniki dreimej pis’menno.lti, 1879, 3. La seule monographie quelque peu intéressante que nous connaissons sur Adrien est celle de G. Skvortsov, Putriurkh Adrian, dans Prav. Sob., 1912-1913 ; I’. Nikolacvskij, L’archidiacre d’Adrien, patriarche de Moscou (Arkhidiakon. ..), dans Khr, Cten., 1891, n. 1 ; G. Popov, Note sur la mort du patriarche Atirien (Zapis…), dans Khr. Cten., 1892, n. 2 ; N. Travfietov, La suppression du patriarcat en Hussie (Prekrascenie…), dans Strannik, sept. 1897. On trouvera d’abondants détails sur la suppression du patriarcat chez tous les historiens de Pierre le Grand : Hruekner, Peter der Grosse, Berlin, 1879 ; Waliszewski, Pierre le Grand, Ie éd., Paris, 1897 ; St. Graham, Peler the Great, Londres, 1929, etc.

Sur le concile de 1098 et la condamnation du diacre catholique Pierre Artemêv, voir Nikolskij, Pétr Artemêi), dans Pravoslavnoe Ohozrênie, 1803 ; Skvorlsov en traite tout au long en sa monographie sur le patriarche Adrien, dans Prav. Sob., mai 1912, p. 013-619.

Siméon (Stéphane) Javorskij naquit en 1658 en Galicic, de parents orthodoxes qui émigrèrent en Ukraine russe après la paix d’Andrussov. Les biographes de Javorskij parlent, à cette occasion, de persécutions contre la religion orthodoxe en Pologne. L’enfant fit ses études à l’académie ecclésiastique de Kiev, puis, comme tant d’autres de ses camarades, il partit pour l’étranger ; il étudia à Lvov. Lublin, Vilna et Poznan, y conquit ses grades, se fit catholique et prit le nom de Stanislas — c’était la pratique constante des étudiants kiéviens de passer à l’union quand ils venaient étudier dans les écoles occidentales. — Puis il revint à Kiev en 1689 et fit sa soumission à l’Église orthodoxe. Ne nous scanda-