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    1. RUSSIE##


RUSSIE. L’ECOLE DE KIEV

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paléographie, histoire de la littérature russe, hébreu, archéologie biblique. Cf. A. Palmieri, La Chiesa russa, p. 587 sq. Il suflit de jeter un coup d’œil sur ce plan d’études pour constater que c’est un pas en arrière, qui nous ramène à la réforme de 181-4, comme le remarque Titov, toc. cit., p. 83.

On comprend que l’épiscopat, désireux de conserver l’ancien esprit de l’orthodoxie dans les nouvelles générations de théologiens russes, ait fait tout son possible pour conserver cette réforme. Il alla même plus loin en voulant réserver l’accès des académies aux élèves des séminaires, et en éloignant d’elles l’élément laïque des collèges ; de l’avis des prélats, l’académie était une institution pour des prêtres choisis, destinés au service de l’Église. Par contre, un grand nombre de professeurs n’y voyaient qu’un centre d’études supérieures qui avaient besoin, pour se développer, de la liberté des études profanes. De là le désir d’affilier ou agréger les académies aux universités, désir qui se laisse sentir sous Alexandre I er (cf. P. -S. Kazanskij, soedinenii diiklwvnykh akademii s universitetami, dans Prib. k isdan. tvorenij sv. Otsev, t. xxv, 1872, p. 71-102) et s’accentue surtout au commencement du xx’- siècle. Voir N. Glubokovskij, Po voprosam dukhovnoi Skoli, Saint-Pétersbourg, 1907. Ces tendances libérales, appuyées par les élèves, cf. A. Palmieri, La Chiesa russa, p. 590 sq., finirent par s’imposer, au moins en partie, au Saint-Synode. Son procureur, le prince A. Obolenskij, réunit en novembre 1905 les délégués des quatre académies ecclésiastiques et, le 21 février 1900, le Saint-Synode limita l’intervention de l’évêque diocésain dans les académies, accorda de nouvelles attributions au conseil académique et admit que les professeurs laïques pourraient arriver, au moins pour peu de temps, jusqu’au rectorat des académies.

Il y avait beaucoup de personnes qui auraient voulu qu’à ces modifications s’en fussent ajoutées d’autres de caractère scientifique et didactique. Mais les nombreuses propositions de réforme restèrent sans succès. Le plan d’études supérieures de théologie, comme on peut le voir dans les programmes des académies, était encore, en 1917, celui de 1881, lequel multipliait les sciences auxiliaires au préjudice de l’enseignement fondamental de la théologie dogmatique. Comme exemple, voici la distribution des matières pour l’année scolaire 1910-1917 dans l’académie de Saint-Pétersbourg :

Premier cours. — Théologie fondamentale (5 h. par semaine) ; histoire ancienne de l’Église (5 h.) ; Écriture sainte. Ancien Testament (5 h.) ; histoire de la philosophie : pédagogie (5 h.) ; philosophie systématique, logique (4 h.) ; langue grecque (2 h.) ; langues modernes (4 h.). — Matières libres : histoire russe, histoire biblique, langue russe, slavon et paléographie, histoire et analyse des confessions occidentales à partir de 1054 (5 h.).

Deuxième cours. — Histoire de l’Église russe (5 h.) ; patrologie (5 h.) ; Écriture sainte, Ancien Testament (5 h.) ; histoire et réfutation du Raskol (5 h.) ; psychologie (5 h.) ; langue grecque (2 h.). — Matières libres : Histoire de l’Église grecque ; slavon et russe, histoire et réfutation des confessions occidentales (5 h.).

Troisième cours. — Histoire et réfutation des sectes russes (3 h.) ; théologie dogmatique (5 h.) ; théologie pastorale (4 h.) ; patrologie (4 h.) ; Écriture sainte, Nouveau Testament (6 h.) ; ascétique (1 h.) ; liturgie (5 h.). — Matières libres (5 h.).

Quatrième cours. — Histoire et réfutation des sectes russes (3 h.) ; théologie pastorale (4 h.) ; Écriture sainte, Nouveau Testament (5 h.) ; droit canon (5 h.) ; théologie morale (5 h.) ; ascétique (1 h.) ; archéologie sacrée (5 h.).

IV. Les théologiens de l’école de Kiev.

L’enseignement des académies reflète l’activité littéraire des écrivains russes dans le domaine des sciences ecclésiastiques. À l’étude de la théologie dogmatique proprement dite, on adjoignit postérieurement toute une série de matières qu’il ne nous est pas permis de négliger, bien que nous concentrions spécialement notre attention sur les théologiens. Par ailleurs, les écrivains les plus notoires ont été ou seront l’objet ici d’articles spéciaux ; dans de nombreux articles, le R. P. Jugie a examiné l’enseignement de la théologie russe sur les données les plus importantes du dogme. On se limitera donc présentement au tableau de la théologie russe sous son aspect général.

Récemment, le R. P. Georges P’iorovskij, professeur à l’académie russe de Paris, dans son livre Les chemins de la théologie russe (Puti russkago bogoslovija), Paris, 1937, a recueilli et accentué la plainte, si générale parmi les théologiens russes modernes, que la théologie russe a vécu d’influences diverses et toutes étrangères au caractère national. L’influence byzantine, à laquelle l’auteur donne ses préférences, a inspiré les premiers traités de théologie russe et, pendant le patriarcat de Nicon, elle s’affirme à nouveau, au moins officiellement. Toutefois, malgré la communauté de croyances, on peut dire que l’influence de la théologie byzantine en Russie fut quelque peu superficielle. Beaucoup plus profonde fut l’action des deux grandes confessions occidentales, le catholicisme, représenté par les théologiens post-tridentins. et le protestantisme, qui introduisit d’abord chez quelques-uns ses opinions, puis, à travers la philosophie idéaliste, son esprit de liberté religieuse. Les alternatives de ces deux tendances qui se disputent successivement la priorité constituent la trame de la théologie russe depuis la fin du xvîie siècle jusqu’à nos jours.

La première école théologique qui mérite une attention spéciale est l’école de Kiev. On pourrait l’appeler plus exactement « école de Moghila », attendu qu’elle prospère non seulement à Kiev, mais aussi à Moscou et dans d’autres parties de la Russie ; d’autre part, Kiev a été aussi le berceau de la théologie protestantisante qui finit par supplanter la tendance moghilienne.

Moghila resserra, il n’en faut pas douter, les liens entre la théologie russe et la pensée catholique. Il est vrai qu’il soutint efficacement la cause de l’Église orthodoxe de Kiev contre les unionistes de Brest, non seulement par son action énergique sur le terrain politico-religieux (ici aussi les indices relatifs à quelques tentatives de rapprochement ne font pas défaut : cf. les lettres d’Urbain VIII à Alexandre Sanguszko, 10 juillet 1036, et à Pierre Moghila, 3 novembre 1643, dans A. Theiner, Vctera monumenta Poloniie, t. iii, p. 412, 425), mais aussi en tant qu’écrivain par son ouvrage de polémique : Aî60ç, abo Kamen z proeg pravdy Cerkvê svieleg pravoslavneg Ruskiey, publié à la Peèerskaja lavra de Kiev, en 1044, sous le pseudonyme d’Eusèbe Pimen, et édité de nouveau par S. Golubev dans les Arkhiv jugo-zapadnoi Rossii, t. ix, Kiev, 1893. Dans cet ouvrage, Pierre Moghila rompt des lances en faveur des coutumes et des croyances de l’Église orthodoxe. On ne peut toutefois nier qu’en écrivant sa Confession de joi et le Petit catéchisme, Moghila ait enseigné par son exemple jusqu’à quel point on pouvait et devait se servir de la théologie catholique. Cf. l’art. Moghila (Pierre), t. x, col. 2070-2076.

L’académie de Kiev garda l’esprit de son fondateur ; et, lorsque fut créée la chaire de théologie, les recteurs de Kiev chargés de cet enseignement introduisirent la méthode scolastique de saint Thomas, que Moghila avait étudiée directement, ainsi qu’en témoigne un des rares manuscrits sauvés de l’incendie de sa bibliothèque (1658 et 1665), avec citations de l’Ange de l’École sur les sacrements, recueillies par Moghila. A. Malvy-M. Viller, La confession orthodoxe de Pierre