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li ISSU :. L’ÉCOLE DE KIEV

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neur de suivre la doctrine de saint Thomas d’Aquin ; et c’est ainsi que Théophane Prokopoviè lui-même trahissait, au moins dans ses formules, sa dépendance de l’Ange de l’École, comme le démontre la fin de l’introduction de son cours théologique : Nos universam theologiam diuidemus in tractatus et disputationes ; et anno præsenli, sequendo Thomam, agemus de Deo uno in essentiel et tri no in personis, atque de angelis. Cf. Macaire, Islorija Kievskoi akademii, p. 137. En môme temps que le Docteur angélique, les membres de l’école de Kiev citent fréquemment de nombreux auteurs scolastiques, principalement des théologiens jésuites. Toledo, Vazquez, Suarez, de Lugo, Grégoire de Valencia, Molina, Arriaga, Bellarmin, Pallavicini… sont des noms familiers aux écrivains et aux maîtres de Kiev. Cf. A. Palmieri, Theologia dogmatiea orlhodoxa, t. i, p. 157-159.

C’est pourvus de ce bagage d’érudition catholique que les membres de l’école de Kiev montaient dans les chaires de théologie. Comment dès lors s’étonner que leurs traités soient un reflet de la scolastique posttridentine, tant dans la forme que dans le fond, et qu’ils admettent la doctrine catholique sur la plupart des questions ? L’enseignement de l’école de Kiev est catholique en ce qui regarde la justification, la grâce et le libre arbitre, les sacrements, pour la matière et la forme desquels ils professent les mêmes opinions que nous, le caractère sacramentel, etc. Cet accord s’étend même à certaines questions de controverse. C’est ainsi que les théologiens de Kiev se montrent — c’est chose connue — les défenseurs convaincus du dogme de l’immaculée conception de Marie à rencontre de la théorie opposée soutenue à Constantinople. Ils sont également partisans de l’efficacité des paroles : Hoc est corpus, etc., comme forme de l’eucharistie, supposant ainsi à la doctrine sur l’épiclèse préconisée par les grecs ; ils s’expriment dans un style quasi-catholique quand ils parlent de la peine temporelle après la mort et ils ne se refusent même pas à adopter le mot de Purgatoire, que nous trouvons dans la Confession de Moghila ; Javorsk j estimait que sur ce point on ne devrait plus parler de différence entre catholiques et pravoslaves. Cf. A. Malvy-M. Viller, La confession orthodoxe de Pierre Moghila, dans Urientalia christiana, n. 39, Rome, 1927, p. xlvii, 163 ; A. Bukowski, S. J., Die Cenugtuung fur die Siinde nach (1er Auffassung der russischen Orthodoxie, Paderborn, 1911, p. 89 sq., 161-164.

Deux points seulement subsistent où les Kiéviens ne veulent pas suivre les latins : la primauté du pape et la procession du Saint-Esprit ; et encore, sur ce dernier, la théorie de Moghila est telle qu’elle exclut seulement le Fils de la spiration, en tant qu’il n’est pas principe sans commencement, comme le Père, à telles enseignes que les paroles de la Confessiu ftdei de Moghila pourraient offrir une certaine base de conciliation. Cf. V. de Buck, Essai de conciliation sur le dogme de la procession du Saint-Esprit, dans les Études, t. ii, 1857, p. 307351 ; M. Jugie, Theologia dogm. christ, orient., t. ii, p. 404. Ce n’est que plus tard que s’accentua l’intransigeance de Kiev contre le Filioque ; et ce fut l’œuvre d’Adam Zernicav, luthérien converti à l’orthodoxie, auteur d’un volumineux traité sur la procession du Saint-Esprit, dont les copies manuscrites exercèrent une influence considérable avant même l’édition donnée par Mislavskij à Konigsberg en 1774-1776, et les traductions faites en grec par Eugène Bulgaris, Saint-Pétersbourg, 1797, et en russe par Jérôme Konsevic. Voir M. Jugie, De processione Spiritus Sancti, Rome, 1936, p. 322, 346 sq.

Mais, en dehors de ces quelques questions, l’école théologique de Kiev suit assez fidèlement la doctrine catholique, ce qui explique les luttes qu’elle eut à soutenir contre les théologiens byzantins tenants de la doctrine orthodoxe. Les premières discussions avaient déjà commencé au temps de Pierre Moghila, le fondateur de l’école, dont le Catéchisme éveilla des soupçons parmi le clergé de Kiev au synode de 1640 et fut rectifié aux conférences de Jassi en 1642, où se fit jour le différend entre Mélèce Syrigos et les envoyés de Moghila. Cf. A. Malvy-M. Viller, La confession orthodoxe de Pierre Moghila, Rome, 1927, dans Orientalia christiana, n. 39, p. xlv-lii. Plus tard, s’engagea à Moscou la lutte au sujet de l’épiclèse. La controverse dans laquelle Medvêdev et les autres tenants de la doctrine latine étaient appuyés par Lazare Baranovic, Joannice Galjatovskij, Innocent Gizel, Barlaam Jasinskij, Théodose Safanoviê, tous de Kiev, a déjà été décrite dans l’article précédent, col. 304-324. Mais la condamnation prononcée par le concile de Moscou en 1690 apporta aussi un changement parmi les théologiens de Kiev qui commencèrent à enseigner la théorie grecque sur l’épiclèse. N. Russnak, Epiklizis, Presov, 1926, p. 190 sq. ; Th. Spacil, S. J., Doctrina theologiæ Orienlis separati de SS. eucharistia, n ; dans Orientalia christiana, n. 50, Rome, 1929, p. 23 sq. Ils se montrèrent plus constants dans leur défense du privilège de l’immaculée conception de Marie. Malgré les menées des hellénisants et les prescriptions du patriarche Joachim pour la faire disparaître des écrits de Dmitri de Rostov (voir ici-même art. Immaculée-Conception, t. vii, col. 970), la doctrine favorable à la pieuse croyance continua à être soutenue en chaire, à la seule exception de Joseph Volèjanskij, qui exprime une opinion douteuse au sujet du privilège mariai.

Toutefois, si l’école de Kiev tomba en disgrâce, ce fait est dû beaucoup moins à son opposition aux doctrines théologiques que les grecs avaient apportées en Russie, qu’à ses controverses avec les protestants. Ces derniers, par leur propagande écrite, et plus encore par les places qu’ils obtenaient, n’avaient pas cessé de progresser en Russie et d’exercer une inlluence grandissante sur la marche des idées. Cf. D. Tsveta v, Protestanti i Protestantsvo v Rossii do epokhi preobrazovanii, Moscou, 1890 ; le même, Iz istorii inostrannikh ispovêdanii v Rossiiv xvi-xvii vêkach, Moscou, 1886. Le théologien de Kiev le plus éminent était sans nul doute S ép tane Javorsk j, dont l’ouvrage : Kamen vêri, a été analysé précédemment, c d.326 sq. x’oirsurlu I.-V. Morev, Metropolit Stefan.lavorskij v borbè s protesiantskimi ideami svoego vremeni, dans Khrist. Cten., 1905, t. i, p. 254-267 ; cf. P. Savlucinskij, Russkaja dukhovnaja literatura pervoi polovini xviii vèka i eja otnosenie k sovremennosti (1700-1762 gg.) ; dans Trudij, 1878, t. ii, p. 128-190 ; 280-326. Le parti des protestants, puissant à la cour, s’opposa fermement à la publication de cet ouvrage ; et quand, finalement, en 1729, il fut imprimé, de fortes protestations s’élevèrent, non seulement en Russie, mais encore au delà des confins de l’empire. La même année, J.-Fr. Buddée mettait au jour son opuscule : Epistola apnloqetica pro ecclesia lutherana contra calumnias et obtrectaliones Stephani Javorskii, R. et MM., ai amicum Moscuæ degentem, scriptu a J. Fr. Buddeo, theolorjix D. Théophylacte Lopatinskij voulut prendre part à la dispute et écrire contre Buddée, mais le synode l’en empêcha. Buddée trouva même un défenseur dans l’auteur anonyme de VExamen Peine ftdei, ou, comme on lit dans d’autres manuscrits, Mallseus in Pitram fidei, dont la composition remonte à l’année 1731. Il trouva un contradicteur dans l’intrépide mStropolite de Rostov, Arsène Matseèviè, qui écrivit les Objectiones ad satyram lulheranam qwr vocatur M illse is in Petram fidei. Cf. I. Cistoviè, Theophan Prokopovic i ego vremja, Saint-Pétersbourg, 1868, p. 385-407.

Si, malgré cet.e vigoureuse apologie, l’œuvre de