groupe des cinq livres ou rouleaux, Megilloth, lus à certaines fêtes juives : elle y tient le second rang, après le Cantique des Cantiques et avant les Lamentations. On la lisait à la fête de la Pentecôte, en raison sans doute de son épisode principal qui se place au temps de la moisson des orges, i, 22, époque à laquelle se célébrait la fête de la Pentecôte. Le Talmud en fait le premier des Hagiographies. Baba bathra, 14 b. Dans les Septante et la Vulgate, le livre de Ruth suit immédiatement celui des Juges ; il en est de même dans les anciennes listes des livres de la Bible. Cf. Méliton de Sardes, P. G., t. v, col. 1216 ; Origène, d’après Eusèbe, Hist. eccl., t. VI, c. xxv, P. G., t. xx, col. 250 ; saint Cyrille de Jérusalem, Calech., iv, 35, P. G., t. xxxiii, col. 500. Saint Jérôme dans son Proloyus galeatus ajoute à sa mention du livre des Juges que les Juifs y rattachent Ruth, parce que l’histoire qui y est rapportée s’est passée du temps des Juges : il n’ignore pas cependant que d’autres, comptant non pas vingt-deux mais vingt-quatre livres, mettaient le livre de Ruth parmi les Hagiographes. Prolog, gai., P. L., t. xxviii, col. 553. Josèphe pour arriver au total de vingt-deux livres devait également compter les Juges et Ruth comme un seul livre, ce qui permet de supposer que de son temps les deux livres se suivaient. Contr. Apion., i, 8. Le Talmud qui range Ru’.h parmi les Hagiographes semble se faire l’écho de cet usage en l’attribuant au même auteur ou éditeur que le livre des Juges.
Quelle était en fait la place primitive du livre de Ruth dans le canon hébreu ? Elle n’apparaît pas très nettement d’après ce qui précède. Pour ceux qui considèient l’histoire de Ruth comme un troisième épisode, formant avec les deux précédents l’appendice du livre des Juges, l’ordre des Septante et de la Vulgate est naturellement l’ordre primitif ; le début du livre : « Au temps où les Juges gouvernaient » le suppose également. Nombreux toutefois sont les critiques pour qui les différences de sujet, de style et de vocabulaire ne permettent guère de faire du livre de Ruth une composition du même genre littéraire et de la même époque que le livre des Juges et son appendice. On n’y trouve pas non plus la moindre trace de cet esprit prophétique ou deutéronomistique qui caractérise la série des livres historiques, Josué-Rois. « Il faudrait surtout admettre — et c’est la principale difficulté — qu’une fraction du recueil des Nebiim a été détachée après coup et transférée dans celui des Ketoubim. Une opération de ce genre paraît invraisemblable. L’ordre que les livres bibliques occupent dans l’Ancien Testament hébreu, ordre fondé sur des raisons de développement historique, prime d’une façon constante le classement plus raisonné, et par conséquent plus artificiel, qu’on rencontre dans les Septante. » Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, t. il, 1914, p. 153.
S’il faut au contraire, d’après les témoignages anciens et l’époque à laquelle se passe l’histoire, maintenir le livre de Ruth à la suite de celui des Juges, comme à sa place primitive, on expliquera son déplacement clans la Bible hébraïque, en disant qu’il fut détaché tardivement du livre des Juges durant l’ère chrétienne, lorsqu’on l’affecta à la lecture synagogale et que, pour cette raison, il dut prendre rang parmi les rouleaux officiels, lus aux principales fêtes. L. Wogué, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu’à nos jours, 1 881, p. 59. Le cas est analogue à celui des Lamentations, séparées elles aussi des prophéties de Jérémie. La date de composition du livre pourra être retenue comme une indication tout au moins de la place primitive du livre dans le canon.
II. Contenu.
La courte et idyllique histoire de la Moabite Ruth est un épisode de la période des Juges. Chassé parla famine, un habitant de Bethléem de Juda, Élimélech, s’en alla avec sa femme et ses deux fils
séjourner au pays de Moab. A sa mort ses fils épousèrent des Moabites ; l’une s’appelait Ruth, l’autre Orpha ; mais, après quelques années, les fils d’Élimélech moururent à leur tour ; Noémi, leur mère, se décide alors à retourner à Bethléem, sachant la situation améliorée au pays de Juda : mais elle dissuade ses belles filles de l’accompagner ; l’une, Orpha, retourne dans sa famille ; l’autre, Ruth, malgré les instances de Noémi ne consent pas à se séparer d’elle et toutes deux s’en reviennent à Bethléem, où grande fut l’émotion à la vue de la détresse de celle qui, partie les mains pleines, revenait les mains vides. C. i.
C’était alors le temps de la moisson des orges ; Ruth partie glaner se trouva dans un champ appartenant à Booz de la famille d’Élimélech. Elle en reçut un accueil favorable car Booz n’ignorait pas les vertus de Ruth et son dévouement, surtout pour sa belle-mère. Tout heureuse de l’événement, Noémi y voit l’augure favorable d’un mariage de sa belle-fille avec ce proche parent qui, selon la loi, avait droit de rachat sur les biens du défunt mari et droit aussi à la main de la veuve de son parent. C. n.
Sur les conseils avisés de Noémi, Ruth s’en revient auprès de Booz, tout disposé maintenant à faire valoir ses droits en rachetant le champ d’Élimélech et en épousant la veuve de son fils, à condition toutefois qu’un plus proche parent que lui ne revendique pas ses droits. C. m.
Invité solennellement à se prononcer, celui qui avait la priorité dans l’exercice du droit de î achat y renonce devant témoins aux portes de la ville ; les formalités d’usage accomplies, Booz use de son droit de rachat et épouse Ruth qui lui enfante un fils, à qui l’on donne le nom d’Obed. « Ce fut le père d’Isaï, père de David. » Les derniers versets du livre, en un appendice généalogique, donnent la descendance de Phares jusqu’à David. C. iv.
III. But.
A la simple lecture de l’histoire de Ruth, on n’imagine pas d’autre but à son auteur que celui de raconter un épisode touchant et édifiant de la vie familiale et sociale à l’époque des Juges, toute remplie par ailleurs de meurtres et de guerres. La simplicité et la douceur des mœurs d’un passé plus ou moins lointain pouvaient être données en exemple aux contemporains de l’auteur. Ce n’est pas seulement le souvenir du dévouement de la jeune Moabite qui était digne de passer à la postérité, mais encore celui de la sollicitude prudente et avisée de Noémi, de la bonté et de la générosité de Booz et. même de la complaisance des moissonneurs. De tels exemples de mœurs fami liales n’étaient sans doute pas rares en Israël, et si celui qu’offre la famille d’Élimélech a mérité d’être conservé, c’est que de cette famille devait descendre le chef glorieux de la dynastie des rois de Juda. Conserver une histoire édifiante relative aux origines de David, tel paraît bien le but de l’auteur dans la composition du livre de Ruth.
Ce n’est donc pas uniquement en vue de fournir la généalogie de David. Celle-ci, a-t-on dit, placée à la fin du livre, IV, 18-22, en donnerait la clef : c’est pour faire connaître les origines de David, le grand roi d’Israëi, dont ne parle pas la série historique Josué-Rois, qu’aurait été composée l’histoire de Ruth, l’aïeule de David. Outre qu’il n’est pas du tout certain que cette généalogie, reproduite semble-t-il, de I Par., ii, 5-14, ait primitivement appartenu au livre de Ruth, il est évident que, si tel avait été le but de l’auteur, il n’aurait pas attendu pour le manifester les derniers versets du livre, d’autant plus que légalement Obed, l’ancêtre de David, est le fils de Mahalon et non de Booz ; c’est en effet pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage, c’est « pour que son nom ne soit point retranché d’entre ses frères et de la porte de son lieu », que Booz