le nom de moughtasilas, « ceux qui se lavent », équivalent arabe du terme « sabéen ». Ils habitent les régions marécageuses du Chott el-Arab, la région de Bassorah dans la Mésopotamie du Sud.
Mais l’article de M. Bardy, écrit en 1926, ne pouvait deviner l’intérêt qu’allaient prendre pour les historiens du christianisme primitif les mandéens-sabéens et leurs livres sacrés. La religion mandéenne et sa littérature sont devenues subitement un témoignage décisif sur les premières origines chrétiennes et susceptibles d’en éclairer les obscurités. Cette prétendue découverte est due à B. Beitzenstein.
Déjà en 1919, le grand iranisant avait publié -Dos mandàische Uuch des Herrn der Grosse und die Evangelienùberlieferung, puis en 1921 Das iranische Erlôsungsmijsterivm, où se trouve déjà une première ébauche de la théorie. Celle-ci se développait et se précisait dans Die hellenislischen Myslerirnreligionen, ihre Gru.ndgedanken und Wirkungen, 1927 ; Zut Mandàerjrage, 1927 ; Die Yorgeschichte der chrisilichen Tauje. On peut emprunter l’exposé des théories de B. Beitzenstein à M. Loisy qui l’a parfaitement résumé. Le mandéisme et les origines chrétiennes, 1934, p. 5 sq.
« Un mythe iranien du salut aurait dès longtemps existé, formulé dans la doctrine de Zoroastre, et qui, en rapport avec une conception dualiste de l’univers, aurait consisté dans l’idée de l’Homme, l’homme primordial, prototype et sauveur de l’humanité, unique en lui-même, multiple dans les individus humains, esprit tombé dans la matière, souffrant captivité jusqu’à l’achèvement de la rédemption, c’est-à-dire jusqu’à ce que soit récupérée dans le monde de la lumière la masse des âmes qui sont descendues en ce monde ténébreux. L’âge présent est celui de la lutte et de la douleur, mais l’âge futur se prépare et il viendra consacrer la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort. L’élément capital, dans cette conception du salut, est la notion du divin Envoyé, sauveur sauvé, mourant et triomphant d’abord en chaque fidèle, et finalement dans la totalité des élus recrutés pour la vie éternelle. » M. Loisy souligne que l’existence de ce mythe est, pour une assez large part, induite et postulée, plutôt que constatée et démontrée.
« Par suite de la conquête perse, le mythe en question se serait répandu dans toute l’Asie occidentale, s’insinuant dans la tradition messianique du judaïsme et dans la sagesse égyptienne. La conquête macédonienne survenant, il a été de même traduit et plus ou moins transformé dans le langage hellénique. Il serait reconnaissable dans l’apocalyptique juive et il aurait été de même au fond de l’Évangile. Avant d’y entrer, il aurait été enseigné, si ce n’est réalisé, par Jean-Baptiste et professé dans la secte qui s’est réclamée de lui. Les mandéens qui honorent Jean-Baptiste comme leur prophète, l’auraient eu d’abord, directement ou indirectement, pour fondateur de leur religion. Jean aurait été, avant Jésus, l’Homme venu en chair, pour montrer la voie de la vérité, appliquer aux hommes le grand rite du salut, le baptême, sacrement unique, ^age et moyen de l’ascension des âmes, de leur remontée à Dieu dans le pays de la lumière. »
Ainsi se serait fondée la secte des nazoréens, d’après le nom que se donnent eux-mêmes les mandéens, le terme nasora signifiant « les observants <, ou bien « ceux qui glorifient Dieu », à moins qu’il ne s’agisse plus simplement du terme « nazaréen » (chrétien), expliqué par à peu près dans une forme mandéenne.
C’est de ce nazoréisme primitif que le christianisme serait sorti. Jésus a été disciple de Jean et de là viendrait son surnom de « nazoréen ». Matth., ii, 23 ; Act., xxiv, 5. « Mais, soit que Jésus se fût dit lui-même l’Homme sauveur, soit que ses adeples l’aient déclaré tel après sa mort, comme faisaient de leur côté pour
Jean les sectateurs du Baptiste, la secte chrétienne se constitua en dehors de la secte johannite, à laquelle, indépendamment de sa doctrine essentielle, la notion de l’Homme sauveur, elle avait emprunté son sacrement d’initiation, le rite baptismal. Car, le mandéisme n’ayant d’autre sacrement que le baptême, auquel s’annexe un rudiment de repas avec pain et eau, Beitzenstein s’est ingénié à démontrer que la cène chrétienne n’était pas non plus originairement un rite particulier distinct de l’immersion salutaire. De même les théories du salut qui s’expriment dans le Nouveau Testament seraient les échos du vieux mythe iranien, que reflètent dans une forme plus originale les écrits mandéens. Tant et si bien que, par un curieux renversement du rapport chronologique, le Nouveau Testament, plus ancien que les écrits mandéens, apparaîtrait néanmoins dans la dépendance de ces derniers, lesquels représenteraient de façon plus directe et plus exacte la tradition commune.
L’attention étant ainsi attirée du côté des Écritures mandéennes, on a pensé découvrir dans les livres du Nouveau Testament maintes analogies ou points de rapprochement plus ou moins frappants et concluants. Mais c’est surtout pour le quatrième évangile, où dominent les idées de vie et « le lumière, que la comparaison a paru s’imposer. Non seulement W. Bauer y a insisté dans la dernière édition de son commentaire de Jean, mais B. Bultmann a pensé trouver dans le mandéisme la solution de l’énigme que pose devant la critique le quatrième Évangile : on aurait embrouillé le problème en s’adressant à Philon et a l’hellénisme pour expliquer le Logos de Jean et le recours subsidiaire aux épîtres de Paul n’aurait fait qu’accroître la confusion. Le mouvement évangélique aurait son point de départ dans un système de gnose, qui aurait été professé d’abord par Jean-Baptiste et qui se retrouve dans les écrits mandéens. Le prophète galiléen Jésus, avant de proclamer la nécessité de la pénitence pour se préparer à l’avènement du régne de Dieu, aurait été en rapport axcc Jean et la secte des nazoréens. Sa doctrine, après lui, aurait été étoffée en Galilée dans certains cercles baptistes et apocalypt iques qui lui auraient construit une légende mythique de goût oriental, première couche de tradition palesthio-ehrétienne. que l’hellénisme de Paul aurait modifiée, et qui aurait été ultérieurement corrigée encore dans une seconde couche de tradition aussi palestinienne, la tradition qui supporte les trois premiers Évangiles. Le quatrième Évangile canonique se fonderait sur la première couche, dont la rédaction originale affectait une forme analogue à celle des odes de Salomon, style qui est à peu près celui des morceaux poétiques dans les Écritures mandéennes. Des concepts pauliniens, l’auteur du quatrième Évangile n’aurait pas lait usage, bien qu’il ait retenu de ce type d’enseignement la notion des sacrements, la préexistence et la fonction cosmique du Christ, comme il empruntait au type synoptique le Fils de l’homme, le rôle de Jean-Baptiste, celui des juifs et des autorités hiérosolymitaines. Le prologue aurait été pris de la littérature gnostico-baptiste, par substitution de Jésus à Jean, qui aurait été d’abord le Logos incarné. L’évangéliste aurait identifié Jésus seul à l’Envoyé, l’Homme primitif, le Sauveur, que le vieux mythe annonçait et célébrait. Conformément au mythe, les croyants, par une sorte d’identité mystique avec l’Envoyé, selon que l’enseignent les systèmes mandéen et manichéen, participent au sort de leur type… lui résumé, le rédacteur évangélique aurait, par l’intermédiaire de Jean-Baptiste, emprunté les éléments de son christianisme à une mythologie où la doctrine de salut s’encadrait dans une cosmologie qu’il a laissée tomber. »
M. Loisv a donné lui-même le coup de grâce a ces