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SACHAMENTAIRE (CONTROVERSE). ŒCOLAMPADE


dans Snbsidium sioe coronis de eucharistia, dans Corpus reformatorum, Opéra Zuinglii, t. iv, p. 440-504 ; voir aussi le Commentarius de vera et falsa religione, ibid., t. iii, p. 77 4 sq.

2° (Ecolampade. — Zwingli était d’autant plus confiant dans la force de ses preuves, qu’il savait que son ami Œcolampade appuierait ses conclusions par un grand ouvrage de son cru, où la question patristique, si rapidement traitée par lui, serait reprise avec autorité. Les deux réformateurs de Zurich et de Bàle vont en effet marcher constamment ensemble et nous joindrons leurs arguments et leurs interventions, comme ceux du même camp, dans la bataille sacramentaire.

On a vu que l’ouvrage de Zwingli — le Subsidium — avait paru en août 1525. Un mois plus tard, paraissait à Strasbourg, par les soins du réfugié français, Guillaume Farel, le traité du prédicateur bàlois sur l’eucharistie. Il avait pour titre : De yenuina uerborum Domini :

« Hoc est corpus meum », juxta veluslissimos aulhores,

expositione liber.

Ce que Hœn et Karlstadt avaient négligé de faire : l’exposé de la tradition séculaire, sur le dogme eucharistique, Œcolampade, avec une belle et naïve audace, allait le tenter. Il avait senti que les mots Hoc est corpus meum n’étaient pas une simple formule morte à expliquer grammaticalement, mais un rite vécu depuis des siècles et dont il fallait retrouver le sens exact, par une étude directe des textes patristiques. L’idée était juste, mais l’exécution très au-dessus du savoir d’ŒcoIampade et de ses moyens d’investigation. Voyons ses conclusions.

Il part de la définition de sacrement par Pierre Lombard. Puis, il donne son propre sentiment sur la nature du rite sacramentel en général. Il partage l’opinion de Zwingli, à cet égard : le sacrement n’est autre chose qu’un acte d’engagement ou une profession de foi, de la part des « initiés », au sein du christianisme. Il n’a qu’une portée sociale, nullement une action sanctificatrice. Toute sa valeur est externe et politique.

Œcolampade passe ensuite en revue les anciens écrivains ecclésiastiques, pour leur demander leur opinion sur l’eucharistie. Il cite notamment, à plusieurs reprises, saint Augustin, le pseudo-Ambroise dans le De sacramentis, Jean Chrysostome, Basile, Tertullien, Cyprien, Origène, Ignace d’Antioche, Hégésippe, Cyrille de Jérusalem, Irénée, Hilaire, Jérôme. Cette simple énumération sans ordre suffit à caractériser, du point de vue scientifique, l’œuvre touffue et échevelée d’Œcolampade. Il n’a pas beaucoup plus le sens de l’histoire que Hœn ou Karlstadt. Il n’essaie pas un instant d’instituer ne fût-ce qu’une ébauche de l’évolution du dogme eucharistique dans les premiers siècles. Il faudra du reste encore beaucoup de temps pour que les savants — catholiques ou protestants — apprennent à considérer les Pères dans leur cadre à eux et non d’après les préoccupations particulières de notre temps. Œcolampade n’était pas sans préjugé. Sa thèse était préconçue. Il ne cherchait donc qu’à faire témoigner les Pères, de gré ou de force, dans le sens qu’il désirait. Son ouvrage fut traduit immédiatement en allemand par Ludwig Hàtzer, qui put dire fièrement, en tête de sa version que l’on avait réuni, dans le livre, « tous les anciens docteurs, qui sont, comme nous-mêmes, affirmait-il, d’avis que ni la chair, ni le sang du Christ ne sont substantiellement (dans l’eucharistie), mais seulement une représentation ou figure du vrai corps et du sang du Seigneur ». Et à tous les auteurs cités par CLcoIampade, son traducteur croyait pouvoir joindre Grégoire le Grand.

CLcoIampade aboutissait à la constatation écrasante que voici : Kn somme, vers quelque auteur que vous vous tourniez, vous trouverez que tous expliquent le corps du Christ en disant que c’est un sacrement ou

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

une sainte figure du corps du Christ, ou un mystère, ce qui est la même chose. » Et il profitait de cette revue, patristique, pour donner son propre sentiment sur l’eucharistie et s’élever contre le dogme de la présence réelle. Il ne craignait pas d’accentuer le rationalisme qui formait déjà le fond de la doctrine zwinglienne.

« Si le corps du Christ, objectait-il, se trouvait, comme

on le prétend, sur l’autel, il faudrait admettre, dans ce seul pain, plus de miracles que dans toutes les autres œuvres de Dieu. Et ces miracles ne se seraient pas accomplis une seule fois, comme la création du monde ou la résurrection des morts, mais quotidiennement et dans un nombre incalculable de lieux à la fois. » Cette ubiquité que l’on suppose appartenir au corps du Christ ne saurait, selon Œcolampade, se trouver qu’en Dieu. L’humanité du Christ est une créature. Elle est strictement limitée comme toute autre créature corporelle. Un corps omniprésent est une contradiction dans les termes. Qui dit corps dit matière circonscrite et localisée. Ce ne peut être que le démon qui a inventé l’idée de la présence réelle.

Il est donc parfaitement clair qu’il ne peut y avoir, en tout cela, qu’un trope. De même que saint Paul a dit du Christ : Petra erat Christus, pour dire que le rocher de Moïse était une figure du Christ, de même Jésus a dit : « Ceci est mon corps », pour signifier : « Ceci est une figure de mon corps. » Et, si l’on admet cette interprétation, « il ne faut plus songer, dit Œcolampade, ni à la transsubstantiation, ni à la consubstantiation ».

Œcolampade fait ensuite appel à sa connaissance de la langue hébraïque, pour montrer que la copule ne tient aucune place dans la phrase que Jésus a prononcée. C’est pour cela qu’il ne traduit pas le mot est par significat, comme l’avait fait Zwingli, mais le mot corpus par figura corporis mei. Le résultat était le même. On avait ainsi pourtant l’air de ne confirmer l’opinion de Zwingli que sous la pression de l’évidence et sans adopter tout à fait cette opinion même. Mais il serait puéril d’insister sur cette très légère divergence entre les deux amis. Tous deux s’éloignaient de Karlstadt, qui s’en était pris au mot hoc et avait prétendu qu’en le prononçant Jésus avait dû, d’un geste, désigner son propre corps et non le pain. Tous deux comprenaient le ridicule de cette exégèse impossible. Mais Zwingli s’en prenait au mot est et Œcolampade au mot corpus.

Une différence d’un tout autre genre existait encore entre l’opinion du réformateur de Bàle et celle du réformateur de Zurich. Pour ce dernier, l’eucharistie n’est strictement qu’une commémoraison. Œcolampade va plus loin, il admet une sorte de présence spirituelle du Christ, dans cette commémoraison. Il tend ainsi la main aux théologiens de Strasbourg, dont on a vu le sentiment. Il reproduit également l’opinion de Hœn exposée ci-dessus. Il estime que nous sommes transformés par la foi en la chair du Christ, que nous devenons réellement d’autres Christs, par la foi. Or, l’eucharistie est une profession de foi. Donc on peut dire que Jésus est réellement présent dans ce mystère, non certes comme le pensait Luther, ni comme l’enseignaient les catholiques, mais d’une manière mystique par notre transsubstantiation en Jésus-Christ. Aussi, Œcolampade affecte-t-il d’appeler l’eucharistie panis mysticus. Il croit ainsi imiter les Pères. Et il conclut que l’acte de foi, proféré dans le rite eucharistique, est une véritable « manducation spirituelle de la chair du Christ ». Il admet en outre une action divine dans ce sacrement. Dieu s’en sert, dit-il, « pour exhorter, exciter, consoler, en un mot, pour faire à peu près tout ce qu’il fait en nous par sa Parole ». Et ceci est proprement luthérien, nullement zwinglien. Visiblement, (Ecolampade se souvenait de son court passage au cloître brigittin. Il gardait des traces d’esprit mys T. — XIV.

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