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ROUMANIE. ENSEIGNEMENT, RITE ROUMAIN


directeur et aux professeurs du gymnase de pousser les paysans roumains à envoyer leurs enfants à l’école. L’évêque qui se rend compte que la misère les en empêche, prend soin que ces enfants pauvres aient gratuitement les livres, le papier, le logement et la nourriture. Dans l’acte de fondation il demande que l’on enseigne, entre autres matières, la grammaire et la littérature roumaines, ainsi quc l’orthographe de cette langue en lettres latines. Cet acte qui paraît hien avant celui du prince régnant Alexandre Jean Cuza (1859-1866) est la première recommandation d’abandonner l’alphabet slavon, qui durant des siècles avait déformé l’apparence de la langue roumaine. La cour de cet évêque éclairé est une véritable académie scientifique. Autour de lui gravitent non seulement les grands astres de l’école de Blaj, ainsi que tous les clercs unis cultivés, mais les orthodoxes eux-mêmes. Démétrius Tzikindcal, le premier professeur de l’école normale orthodoxe d’Arad, lui écrit : « Miséricordieux patron ! fais-nous sortir de la terre d’Egypte et de la maison d’esclavage ! » L’esclavage d’Egypte c’est, pour les compatriotes orthodoxes, la hiérarchie serbe étrangère. Samuel Vulcan fait encore une fondation de 75 000 florins-or, d’un revenu annuel de 4 500 thalers. Le Gymnasium minus de 1828 devient, en 1836, gymnasium ma jus avec six classes secondaires, comme toutes les institutions semblables du pays. Il peut donc porter sur son frontispice l’inscription suivante : Educationi juventutis hujus provincise posuil Samuel Vulcan cppus g. r. c. M. Varadinensis.

Son successeur sur le siège épiseopal, B. Erdelyi-Ardcleanu, ajoute aux mérites que nous avons déjà signalés à son actif, celui d’achever à Beius l’œuvre scolaire de son prédécesseur. Ici, comme à Oradéa, il porte les classes du cours primaire de deux à quatre, et celles du cours secondaire de six à huit, obtenant aussi le droit de donner le diplôme de baccalauréat. Le premier examen de baccalauréat est passé au lycée de Beius, le 5 août 1853. Pour renforcer la fondation de S. Vulcan, B. Erdelyi-Ardcleanu la porte de 75 000 florins à 90 000 florins, et à la place de la langue latine il introduit comme langue d’enseignement la langue roumaine. Dans le reste du diocèse, il fonde 44 autres écoles primaires. Malgré ces apparences favorables, le gouvernement absolutiste autrichien soulève beaucoup de difficultés pour les Roumains. S’il accorde un modeste secours annuel de 3 550 florins du fonds des études, il demande par l’ordre 2952-1854, que la langue d’enseignement dans les classes supérieures du lycée soit de préférence la langue allemande. La conférence des professeurs proteste, montrant l’impossibilité que, dans une seule et même école, on fasse les leçons en trois langues à la fois : en roumain et latin dans les classes inférieures, en allemand dans les (lasses supérieures. La conférence est convaincue qu’un peuple arrive plus facilement à la véritable civilisation à l’aide de sa propre langue. Mais le gouvernement l’ait la sourde oreille.

Le gouvernement magyar est encore plus irréductible, Le parlement hongrois supprime le modeste secours annuel que le gouvernement autrichien accordait au lycée de Beius. Les Magyars, maîtres de la situation après le compromis austro-hongrois de 1867, cherchent à supprimer toutes les institutions culturelles des nations non magyares. C’est alors que, sous le long gouvernement de Colonial) Tisza, ils ferment les écoles slovaques de Turceanskv Saint Mart iii, Zniograd, etc., interdisent loule manifestai ion culturelle dans Us cadres de l’association Slovenska Malica. Ils favorisent des espions qui dénoncent les manifestations

« antipatriotiques » des nations cohabitantes.

C’est à la suite d’une de ces manifestations que, par un ordre n. 21 335 du 2 juillet IKJS9, le ministère de

l’Instruction publique de Budapest impose à l’évêque, M. Pavel, qu’à l’avenir, au lycée de Beius « toutes les matières, à l’exception de la religion et de la langue roumaine, soient enseignées en hongrois ». Après le grand mouvement mémorandiste qui préoccupe l’opinion publique de l’Europe entière, le cas du lycée de Beius est sans cesse à l’ordre du jour dans la presse et la conscience publique roumaine dans les dix dernières années du siècle passé. L’évêque atténue les suites désastreuses de l’ordre arbitraire, en fondant près du lycée, en 1891, un internat pour une centaine d’élèves pauvres et, en 1896, une école supérieure catholique pour les filles, avec le roumain comme langue d’enseignement. La mesure abusive du gouvernement magyar est maintenue jusqu’après la guerre. Le 23 novembre 1918, après une prohibition de trente ans, la langue roumaine est réintroduite dans ses droits par le décret historique de l’évêquc-patron Démétrius Radu. Cet acte provoque un enthousiasme général. La pensée et les sentiments de tous sont exprimés dans un élan de reconnaissance envers l’évêque par le président du Conseil national roumain de Beius. Jean Ciordas.

A Beius comme au centre du diocèse, l’évêque actuel Mgr Valère Trajan Frentiu, apporte des améliorations extrêmement heureuses. Il confie les chaires de langue et de littérature françaises, ainsi que la direction de l’internat « Pavel », à des prêtres professeurs de l’ordre des assomptionnistes. Par cette heureuse mesure, la renommée historique du lycée croît ; et celui-ci y gagne de nombreuses liaisons culturelles avec l’Occident civilisé et en particulier avec le monde catholique français. Les fêtes de son jubilé centenaire, le 31 mai 1928. furent très solennelles. Y participèrent les représentants du gouvernement, du parlement, des autorités locales, de l’Église orthodoxe, ainsi que le général Berthelot, ancien chef de la mission militaire française en Roumanie, qui fut proclamé membre d’honneur du corps professoral. Devant la multitude assemblée pour cette fête, le ministre de l’Instruction publique, le Dr Constantin Angclesco, montra dans son discours « l’influence de l’Église sur l’école », et glorifia l’œuvre immortelle de Samuel Vulcan. Le ministre des Cultes, Alexandre Lapedatu, se dit heureux de constater, après vingt-cinq ans, qu’il ne s’est pas trompé dans sa jeunesse, quand, dans un rapport à l’Académie roumaine, il montrait que l’union avec l’Église de Rome avait été pour le plus grand profit des intérêts nationaux et culturels roumains. « Si nous vivons, dit-il, en pleine tradition culturelle, si nous pouvons célébrer de pareils centenaires à Blaj, à Beius, à Bucarest, à Iassy, nous le devons aux résultats que l’union avec Rome a eus pour notre vie culturelle. De ces résultats ont bénéficié par milliers ceux qui ont préparé la lutte contre notre esclavage. » Les paroles des représentai) I s de l’Église orthodoxe ne sont pas moins émouvantes. Faisant ressortir le contraste existant entre l’aspect rustique mais sain des écoles roumaines de Beius, et l’aspect somptueux des écoles hongroises de Seghedin et d’Oradéa, l’évêque orthodoxe, Romain Ciorogariu, d’Oradéa, justifie comme suit sa participation aux fêtes : « Je n’ai pas eu le bonheur d’être l’élève de cette école, dit-il, mais en ma qualité d’évêque, je tiens à déposer [’hommage de la reconnaissance de mon Église, pour toutes les générations qui ont grandi dans cette école roumaine, à la mémoire de son fondateur, S. Vulcan, cl de ses successeurs qui l’ont développée, à évoquer la mémoire des héros anonymes, modèles de ceux d’aujourd’hui qui ont été les professeurs de cette école, b l.a vérité de ces paroles épiscopales est confirmée par les preuves qu’apporte le prêtre orthodoxe Georges Ciuhandu, représentant de l’évêché orthodoxe roumain d’Arad : De mille cinq cents prêtres qui font