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SACRIFICE. CLASSIFICATION


Dieu en hommage de dépendance, avec les intentions les plus diverses, dans le but toujours d'être agréable à Dieu, en vue de nous le rendre bienveillant et propice et de resserrer ainsi la familiarité intime avec lui.

1° Le sacrifice visible est essentiellement latreulique. Il doit aussi, dans l'état de péché où se trouve l’humanité, s’envelopper d’une intention et d’une forme réparatrices. — Le premier devoir de l’homme, c’est de reconnaître qu’il tient tout du Créateur, qu’il doit confesser le domaine de celui-ci sur tout ce qu’il a reçu ; il le fait par les oblations sacrificielles où, sous la forme sensible qui lui convient, il se voue à Dieu : « Avant tout, l’homme se doit à Dieu. Il lui doit le retour de tout ce qu’il en a reçu. Au Dieu qui lui a tout donné, il se donne tout entier. Et, pour en être agréé, il prie. Il prie pour que Dieu tire à soi ce qui nous vient de lui, et pour que Dieu garde à soi ce qui lui est consacré. Latrie, eucharistie, impétration se donnent la main et se prêtent un mutuel appui dans cette première démarche de l’homme vers son Dieu. Mais l’homme, n'étant pas un esprit pur, a besoin de traduire ce don intérieur de soi dans un rite extérieur qui le symbolise. Il fera donc hommage à Dieu d’un don matériel dont toute la raison d'être soit de représenter et d’attester l’intime consécration de son âme. » M. de La Taille, Esquisse du mystère de la foi, p. 2 ; cf. M. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, p. 738, C75-G78, 172-176, 197.

Le même geste sacrificiel à l’origine pourra se prêter à exprimer indistinctement les intentions les plus diverses. Ainsi en fut-il longtemps sans doute pour ks sacrifices de prémices et pour l’holocauste.

L’holocauste et le sacrifice d’encens apparaissent avant tout dans le Lévitique comme des sacrifices d’adoration et d’amour. Lev., i-iv. Saint Thomas reconnaît en ce sacrifice latreutique le sacrifice parfait. Son excellence lui vient de ce que, par la combustion, il passe tout entier dans le domaine de Dieu. Cela signifie que, « de même que la victime consumée tout entière monte en vapeur vers le ciel, ainsi l’homme entier, avec tout ce qu’il possède, appartient à Dieu, et doit être offert à Dieu ». Ia-IIæ, q. en, a. 3, ad8um.

Dans le sacrifice pacifique, Lev., vii, 11-15, l'âme exprime ses élans d’actions de grâces et son attente de nouveaux bienfaits.

Dans le sacrifice propitiatoire ou de réparation pour le péché, Lev., iv-vii, l'âme pécheresse traduit, d’une façon onéreuse et douloureuse en quelque façon, sa volonté de réparation et de satisfaction pénale. L’intention d’expier la faute par l’hommage d’une victime substituée à l’homme coupable était apparue depuis longtemps avec la conscience du péché, particulièrement dans le monde sémite.

Ainsi s’incarnent dans le sacrifice sous ses formes variées, soit en même temps, soit successivement et spécialement, les différents mouvements religieux de l'âme : adoration, action de grâces, réparation pour le péché, demande. On y retrouve les mêmes intentions que dans la prière, car le sacrifice est une façon de prière qui s’incarne en un geste expressif de donation.

En résumé, tout sacrifice n’est pas nécessairement, essentiellement, principalement expiatoire. L’expiation et la réparation sont une des fins nécessaires du sacrifice sous le régime du péché ; mais elles ne sont point la fin essentielle à tout sacrifice. Celui-ci est essentiellement latreutique.

Le sacrifice est aussi propitiatoire.

Le but de la

donation sacrificielle, c’est d'être agréée, de rendre ainsi Dieu bienveillant et propice, en vue d’entrer en une communion plus intime avec lui.

Il ne saurait faire de doute que l’homme en offrant des sacrifices, en y incarnant l'élan de sa religion intérieure, escompte l’agrément divin et avec lui la bienveillance et le pardon. Il ajoute à son offrande

dans ce but ses supplications. Parfois, l’offrant escomptera l’agrément divin et les bons effets infaillibles du sacrifice, à bon compte, en présentant de nombreuses victimes avec les qualités physiques requises. Mais Dieu lui fera savoir par ses prophètes qu’il n’accepte ses oblations que si elles sont accompagnées des dispositions morales convenables. Ain., v, 22 et iv, 4, etc. ; Jer., xiv, 10 ; Ps., xx, 4 ; lxxvii, 8-10 ; Lev., i, 3-4, etc.

Mais si, selon l’esprit de l’institution, les rites sont accomplis et traduisent véritablement les sentiments du cœur qu’ils doivent exprimer, l’agrément divin est escompté comme normal, comme la réponse certaine de la miséricorde divine à l’appel de l’homme. Il va de soi, rien ne le marque expressément : « L’acceptation divine est simplement corrélative à l’acte de donation : c’en est un autre aspect, la face vue du côté de Dieu, la réponse de Dieu : elle ne s’en distingue pas réellement, mais s’y trouve renfermée implicitement. » M. Lepin, op. cit., p. 685.

Cependant, tout escompté qu’il soit, cet agrément demeure incertain, car il dépend de la miséricorde divine. Aussi, l'Écriture souligne-t-elle fortement les témoignages miraculeux de l’agrément divin, lorsqu’il est accordé à l’homme.

Une fois agréées, les oblations appartiennent à Dieu seul, et sont sanctifiées par lui. Ainsi consacrées, elles peuvent nous revenir sur la table de Dieu, chargées de forces divines et nous faire ainsi communier à la vie divine. « L’homme peut avoir l’air de n’offrir que ses richesses matérielles, mais, à travers leurs médiations, c’est lui-même qu’il présente : on dirait que ses biens font la route avant lui, et qu’il les envoie en ambassade rejoindre le Dieu qu’il rejoindra bientôt lui-même. C’est que l’oblat est l’image de notre âme toute donnée. Quoi d'étonnant que cette hostie ainsi offerte à Dieu et agréée par lui devienne tout entière chose divine, puisse ensuite, en faisant la route inverse, servir de sacrement et, par la communion, nous apporter le gage des bienveillances et des protections d’en haut. » Masure, Le sacrifice du chef, p. 52. Les sacrifices de communion, Lev., iii, 1-19 ; vii, 11-34 ; xxii, 21-28, marquent d’une façon sensible ce désir de l’homme de resserrer l’alliance et l’intimité avec Dieu dans le sacrifice. Certains sacrifices ne comportent point, il est vrai, cette consommation et cette perfection extérieure et sensible. Mais tous tendent cependant, sans l’exprimer directement, à réaliser l’intimité et la rencontre avec Dieu, ("est le but dernier du sacrifice, produit par lui, même indépendamment de la communion : Yerum sacrificium est omne opus quod agitur, ut sancta societale inhæreamus Deo, relatum scilicet ad illum finem boni quo veraciter beati esse possimus. S. Augustin, De civ. Dei, t. X, c. vi, P. L.. t. xli, col. 283.

Ainsi, la communion n’est point un rite essentiel aux sacrifice-, puisqu’elle manque en fait dans bon nombre de ceux-ci ; elle ne fait qu’appliquer plus profondément l’effet produit par eux.

En résumé, le sacrifice est une donation sensible, significative d’une donation intérieure en vertu d’une institution humaine ou divine, dans laquelle l’homme, en signe d’hommage à Dieu (adoration, action de grâces, impétration, expiation), renonce à un bien précieux pour l’offrir au maître souverain, dans l’espoir que son oblation agréée lui rendra Dieu bienveillant et propice et lui procurera l’alliance ou l’intimité religieuse qu’il recherche.

III. Classification des sacrifices.

1° Sacrifices proprement dits, ou sacrifices visibles, et sacrifices improprement dits ou sacrifices invisibles, sacrifices moraux. — En partant de la notion de sacrifice, on