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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/363

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SAGESSE. UNITli


teurs pour l'édification <les fidèles, comme étant reçus dans le canon de la Bible et autorisés à cel effet ». In Esthcr, t. ii, Lyon, 1639, p. 100. Cette formule avait été à peu près celle de Guillaume d’Ockam, Dialog., III, tr. i, 16 et de Nicolas de Lyre, Comm. in Tob., i, 2 ; In Sap., i, 3.

Durant cette longue période, et nonobstant les fluctuations et l’imprécision du sentiment de beaucoup de ses docteurs, la tradition romaine et la coutume ecclésiastique restent fidèles aux décisions des conciles africains d’Hippone et de Carlhage. au décret de Gélase et à la lettre d’Innocent I er : le livre de la Sagesse continue à tenir sa place inlrr divinos libros, inler canonicas scripturas. Cf. Isidore de Séville, Etymol., I. VI, 1, P. L., t. lxxxii, col. 229, et Liber proœm. in V. et N. T., P. L., t. lxxxiii, col. 158, avec l'Église d’Espagne. Les catalogues des Livres saints, toutes les Bibles italiennes, espagnoles et franques le contiennent. D’autres docteurs le reçoivent nommément et le commentent : saint Bonaventure. In S<i[>., præf., Opéra, t. vi, p. 108 (Quarrachi, 1893) ; Rol>. Holkot, Poslilln sup. Iib. SapientisB, c. i. Le concile de Florence (1441) et le concile de Trente le déclarent « sacré et canonique » avec les autres livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, sans approuver ni condamner la distinction souvent faite auparavant des « livres authentiques et canoniques dont notre foi dépend, et des livres simplement canoniques bons pour l’enseignement et utiles à lire dans les églises », dont la Sagesse. Apres le décret du concile cette distinction est combattue par les docteurs ; Cornélius a Lapide blâme encore Cajétan d’avoir dit que la Sagesse est canonique pour l'édification des fidèles et non pour la confirmation des dogmes : « Un livre divin, tel que la Sagesse, est bon pour l’un et l’autre usage. » Comm. in Script., viii, 261, dans Cursus Scripluræ sacrée, t. xvii, Paris, 1840, col. 336.

Bien qu’elles aient exclu du canon — suivant la formule de saint Jérôme — le livre de la Sagesse avec les autres deutérocanoniques, les Églises réformées ont assez estimé ce livre pour le maintenir dans leurs Bibles (à la seule exception de celles de la Société biblique de Londres à partir de 1826) et pour en faire usage plus particulièrement dans les oraisons funèbres prononcées aux funérailles. Luther lui-même le prisait extrêmement, le jugeant « tout à fait digne d'être lu » comme « livre de Salomon de la parole de Dieu » et comme « juste explication et illustration du premier commandement ». Vorrede auf die Weisheit Salom., Francfort-sur-lc-Mein et Erlangen, t. lxii, p. 95-98. De même, parmi les « épigones de la Réformation », Nie. Selnecker, Liber Sapienlise ad tyrannos, Leipzig, 1575, p. 4 : Prodit hic liber ad œdifieationein plebis christianse, ut cum Hieronymo loquar, et prodit ceu condimentum verorum eiborum, qui in scriptis canonicis proponuntur. Des protestants de mentalité mystique se sont aussi bien prononcés pour [' « inspiration » du livre, « qui n’a pas été écrit sans l’Esprit du Christ, ce qui suffit à le rendre canonique ». Petersen, l'.rklùrung der Weisheit Salomonis, Budingen, 1727, p. 7 sq. Cf. G. Arnold, Geheimniss der gOtilichen Sophia, Leipzig, 1700, p. 14 sq. ; Pellican, In libros… Apocryphos, Zurich, 1582, p. 57 : Nos certius credemus divini SpirittlS doctrinam esse. Des théologiens et exégèles protestants modernes émettent aussi un jugement favorable sur ce livre. Ainsi Grimm, Dus liueh der Weisheit, Leipzig, 1800, p. 41 : Il faut reconnaître qu’une ligne de démarcation rigoureuse ne se laisse point tracer entre canon et apocryphes (deutérocanoniques), et qne le livre de la Sagesse, en tant qu’il occupe le premier rang parmi les didactiques, aurait mérité une place dans le canon à meilleur droit que les livres dT ; siher. de l’Ecclésiaste et du Cantique… Il

comble (par sa doctrine) une lacune essentielle et jusqu'à lui fort sensible dans la connaissance de la religion Israélite, et marque, sur ce point, le dernier pas vers le christianisme dans le développement de la conscience religieuse des Juifs. » Cf. Ed. Reuss, Das Aile Testament, t. VI, Brunswick, 1894, p. 353.

IV. Composition.

Unité d’auteur.

Jusqu’au

milieu du xviiie siècle nul ne douta que la Sagesse de Salomon ne fût due à la plume d’un seul écrivain. Mais, dès cette époque jusqu’au début du siècle suivant, l’unité de composition du livre fut mise en question à plusieurs reprises par des exégètes qui pensèrent reconnaître dans l’ouvrage la main de deux, trois, quatre auteurs différents, ou même n’y virent qu’une « anthologie » de divers propos sur la Sagesse tenus par « trois divans de sages Israélites succédant, à basse époque, aux anciennes écoles de prophètes ».

Houbigant, Bibtia hebraica cum nolis criticis, t. iii, Paris, 1773, p. 1 sq., admit que le livre comportait deux ouvrages distincts : « Le premier, c. i-ix, contenant des oracles et sentences de Salomon presque semblables aux Proverbes et dus à Salomon luimême ; le second, c. x-xix, d’un auteur différent, celui-là peut-être qui avait traduit de l’hébreu en grec cette première partie. » Celle-ci porterait en elle les marques de la simplicité et de l’antiquité hébraïque, tandis que l’autre n’offrirait partout qu’un style ampoulé, surchargé, obscur. Eichhorn, Einleitung in die Apokrijphen des A. T., Leipzig, 1795, p. 142 sq., admit également deux auteurs : l’un, qui, dans la première moitié du livre, i-xi, 1, traite de la Sagesse comme eût pu le faire Salomon lui-même, sage et dévot au vrai Dieu, utilisant avec mesure et même parcimonie les données de l’histoire ancienne d’Israël, faisant du scepticisme et de l’athéisme la source de toutes les infamies (c. n), de la vertu la base de l’immortalité (i, 12), exempt de l'étroitesse d’esprit et de cœur propre au judaïsme ; l’autre, qui à partir du c. xi, 2, cesse de louer et de recommander la sagesse (sauf xiv, 4), et ne peut plus être Salomon qui s'était adonné au culte des faux dieux, fait un usage exagéré de l’histoire, voit dans l’idolâtrie le fondement de toute perversité, dans l’aperception intuitive de la grandeur de Jahvé la source de la vie bienheureuse, multiplie enfin les assertions excluant des marques de la bienveillance divine les impies et les peuples étrangers. Rertholdt, Einleitung in sàmmlliche Schrijlen des A. und N. T., t. v, Erlangen, 1819, p. 2261 et 2276 sq., homologue la dualité d’auteurs établie par Eichhorn, mais la modifie quelque peu en faisant commencer la seconde partie au c. xiii, 1. Bretschneider, De libri Sapienlise parle priore cap. i-xi c duobus libellis divers is confleda, t. i, Witlenberg, 1804, p. 9 sq., partageait le livre entre trois auteurs principaux : un juif palestinien écrivant en hébreu, à la cour d’Antiochus Épiphane, avait composé une apologie du judaïsme à rencontre des projets du monarque syrien de contraindre le peuple israélite à abandonner la religion de ses pères ; les c. i-vi, 8 seraient un fragment traduit en grec de cette apologie. Lu juif alexandrin, au temps du Christ, aurait écrit en grec les c. vi, 9-x, où il faisait parler le roi Salomon, pour montrer que le peuple juif avait, avant le peuple grec, cultivé la science et la philosophie. Les c. xii-xix seraient l'œuvre d’un juif peu cultivé, également contemporain du Christ et de I’hilon. Le c. xi enfin aurait île composé pour servir de liaison entre la deuxième et la troisième partie, par celui qui voulut faire un tout de ces trois compositions hétérogènes. La troisième partie, xii-xix, se détachant assez aisément îles deux premières à la fois, surtout par sa forme littéraire, le contraste est recherché dans des oppositions d’idées ou de tendances principalement entre la