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SAGESSE. INTÉGRITÉ

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que) (Gartner et Focke) les allégations des auteurs du xxe siècle ne diffèrent pour ainsi dire pas de celles des anciens critiques du xviii c, et leur force probante n’aboutit pas davantage à conclusion. Il en est à peu près de même des données historico-religicuses qui militeraient en faveur de la pluralité d’auteurs. L’hostilité que marquerait un auteur samaritain à l'égard des juifs par l’omission consciente, dans la première partie du livre (i-xii, 18), des noms et des faits les plus glorieux de l’histoire du judaïsme orthodoxe (Lincke) n’est pas aussi absolue qu’on le voudrait (cf. îx, 12 ; x, 5 ; xi, 1) ; et l’homologation par traduction et continuation d’un tel morceau par un juif alexandrin, ainsi que la réception par la Synagogue d’un livre qui se montrerait aussi malveillant pour les prêtres et les docteurs de la mère patrie, deviennent, dans l’hypothèse, choses inexplicables. Par ailleurs (contre Weber) les mêmes idées qui soulignent en somme l’unité du livre, se représentent d’une section à l’autre : ainsi de l’opposition constante entre les justes et les impies, dans m-v et xvi-xix ; du méchant puni dans l’autre vie, IV, 19 ; v, 17 et xvii, 21 ; xix, 15 ; de l’espérance des impies fini est vaine, ir, 22 ; iii, 11, 18 ; v, 14 et xv, 6, 10 ; xiii, 10 ; de la sagesse et de la justice, sources de l’immortalité bienheureuse, i, 15 ; m, 15 ; v, 15, l(i et xv, 13. S’il peut sembler étrange qu’il ne soit question de la sagesse que deux fois et comme en passant au début du livre, i, 4, 6 et iii, 11 ; si l’idée de la divinité paraît glisser du Dieu transcendant et purement moral qui rétribue dans l’au-delà, au Dieu national qui rétribue ici-bas, et si cette rétribution qui s’exercerait d’abord à la manière juive aux assises d’un jugement général après résurrection des justes, est envisagée ensuite comme félicité immédiate après la mort, vu l' immortalité de l'âme comprise à la façon des Grecs (Focke), c’est l’effet d’une sorte de mirage qui porte le critique à séparer exagérément et à redistribuer des notions et des croyances qui, somme toute, pouvaient bien ne faire qu’un seul tout moral dans l’esprit de l’auteur. Celui-ci qui dans la seconde partie de son ouvrage, à partir de xi, 2, ne mentionnera non plus, du reste, la sagesse, peut bien aussi en avoir réservé l'éloge exprès pour la partie centrale de son livre. I.e même Dieu des Israélites, puis des Juifs, dont le caractère national est certes mis en haut relief dans l’Ancien Testament, y obtient aussi partout un haut degré de transcendance et de moralité ; bon pour tous, et miséricordieux, dans xi, 23-xii, 2, il est également juste et bon, et dès ici-bas, dans iii, 10-iv, (>, pour les » insensés » et pour les « justes » à quelque « nation » qu’ils appartiennent. L’immortalité de l'âme, enfin, n’est nullement absente, bien que tant soit peu voilée, du credo israélite ; et la conception d’un jugement particulier suivi d’une félicité immédiate, à situer entre la mort et la résurrection pour le jugement général, s’adapte alors fort bien à un plan providentiel de rétribution qui, s’il débute par une récompense anticipée pour les justes, se (lût pour les méchants par un châtiment définitif.

Les hypothèses de Lincke, de Weber ci de Gartner oui été exposées sommairement et réfutées par Heinisch, /oc. cit., p. xxxhi-xxxv et Feldmann, 'Lur Einheit des Huches ilcr Weisheit, dans Biblische Zeitschrift, 1909, p. 1 10-150 ; celle de Focke par Lagrange, l<ri>uc biblique, 1919, p. 2(17271.

L’unité d’auteur ainsi établie contre la critique abusive par l'équilibre fondamental des textes doctrinaux, ne manque pas de trouver appui dans la rédaction même du livre dont les trois parties, bien distinctes il est vrai, se relient néanmoins très logiquement l’une à l’autre. La sagesse ayant été célébrée d’abord, comme in abslrachi. dans ses elfets salutaires par rapport aux fins dernières <le l’homme, en contraste

très accusé avec la ruine finale et le malheur éternel qu’amène inévitablement le défaut de cette même sagesse, surtout pour les puissants, i-v, il convient maintenant, il est même nécessaire d’apprendre ce qu’est en elle-même cette indispensable sagesse, et pour cela d’en bien écouter V exposé et la leçon, vi, 1, àxoiioare o3v paaiXeiç xal ctlivets (vi-ix) ; on finira en justifiant in concreto par des faits bien connus de tous cette, doctrine de la sagesse et de ses effets bienfaisants à la fois dans l’humanité primitive et dans l’histoire d’Israël qusqu’au passage de la mer Rouge), ix, 18 : oûtcoç… sicl yîjç… êSiSàxO^oocv av6pco7rot, vrai ty) aoepia êc70>07)aav ; x, 1 : aôr/] (0091a) TrpcoTÔTïXaaTOv 7raTspa… SietpùXaÇev, etc., le même contraste se trouvant établi entre récompense des sages et châtiment des insensés.

2° Intégrité. Selon Houbigant, Biblia hebraica

cum nolis criticis, t. iii, Paris, 1773, p. 147 sq., si le livre de la Sagesse devait être regardé comme un tout, il manquerait du moins présentement de suscription telle qu’en possèdent les livres des Proverbes et de l’Ecclésiaste : il a perdu ce titre qui le rapportait au roi Salomon et que n’avait pas omis son auteur : en tant que livre contenant des « prophéties », il devait avoir en son commencement le nom du prophète qui l’avait composé, comme tous les livres prophétiques portent dans les Écritures le nom de leur auteur. Ce manque de titre donnerait même à penser que le livre actuel n’est qu’un fragment d’un autre ouvrage. Aussi bien d’autres critiques l’ont-ils tenu pour inachevé ou mutilé dans sa fin, soit que, selon Calmet, In librum Sapienliæ prologus, éd. Mansi, t. v, Venise, 1753, p. 93, son auteur ait négligé d’adjoindre à la « prière » commencée en ix, 1 comme conclusion une « réponse » de Dieu à cette oraison salomonienne, à moins que cette conclusion ne se soit perdue ; cf. Hasse, Salomo’s Weisheit ncu ùberselzl, Iéna, 1785, p. 285 sq., et Heydenreich, Vebersetzung und Erlàuterung des Buchs der Weisheit (Tzschirner, Memorabilien, t. v, p. 41, 43) ; soit que, selon Grotius, In Sap., xix, 21, et Eichhorn, Einleitung, p. 147, cette négligence de l’auteur ait porté sur la continuation nécessaire jusqu’au temps de Salomon du récit brisé avant l’entrée d’Israël dans la Terre promise. Selon Siegfried, Die Weisheit Salomos, dans Kautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des A. T., t. i, Tubingue, 1900, p. 507, la fin du livre, xix, 21-22, donne en toute hypothèse l’impression du décousu.

Quelques interpolations auraient été faites dans le livre par une main chrétienne selon Grotius, In Sap., prœf., et ad iv, 7, Op. theol., t. i, Bâle, 1732, p. 588 et 593, et Grætz, Geschichte der Juden, t. iii, 4e édit., Leipzig, 1888, p. 4 et G12 sq., ce dernier se référant aux passages Sap., iii, 13 ; iv, 1 ; xiv, 7 ; II, 24.

On peut répondre que, s’il paraît bien manquer en effet devant xix, 22, quelques lignes plus explicites touchant la manne, « aliment céleste », ce verset 22 n’en forme pas moins conclusion naturelle qui aurait dû alors disparaître ou se perdre avec cette dernière portion de l’ouvrage que l’on accuse par ailleurs l’auteur de n’avoir même pas composée. D’autre part, un « titre » mentionnant l’auteur n'était nullement indispensable, attendu que le livre de l’Ecclésiastique. aussi parent que possible du nôtre que Prov. etEccle., n’en avait pas non plus quand il fut traduit par le petit-fils de Jésus, fils de Sirach. Il n’est pas du tout certain que la Sagesse contienne des prophéties proprement dites, au sens littéral, concernant le Christ. Enfin, puisque xix, 22 donne l’impression d’une conclusion où l’auteur résume brièvement tout ce qui précède en faisant allusion à toutes les époques de l’histoire de son peuple, « partout et toujours glorifié par Dieu, il doit être sous-entendu que tous autres renseignements historiques ne pouvaient