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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/388

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SAINT-AMOUR GUILLAUME DE)

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de rentier dans le royaume de France et interdiction absolue d’enseigner et de prêcher. Lettre pontificale du 9 août 1257, ChartuL, n. 314 ; lettres conformes à saint Louis et à Pévêque de Paris, n. 315 et 316. Le maître parisien se retira donc, selon toute vraisemblance, en son pays natal qui n’appartenait point alors au royaume, mais ressortissait à l’Empire. Même éloigné de Paris, Guillaume demeurait un danger, ses anciens collègues se maintenaient avec lui en commerce épistolaire ; à plusieurs reprises défense leur fut intimée au nom du pape d'écrire à l’exilé. ChartuL, n. 332, 339, 354, 356. Sans doute s’imaginait-on que ces correspondances n'étaient pas étrangères à l’agitation dirigée contre les religieux mendiants qui persévéra dans les années 1258-1259. Les universitaires perdaient donc leur temps quand ils demandaient au pape d’autoriser Guillaume à rentrer à Paris. La réponse d’Alexandre du 1 1 août 1259 est très ferme : il n'était pas encore temps de permettre le retour de l’exilé. Ibid., n. 353. Sans doute, s’il venait à résipiscence, la miséricorde du Siège apostolique ne lui ferait pas défaut. Lettre du Il juillet 125 !), ibid., u. 313. Mais il ne semblait pas au pape que Guillaume s’engageât dans cette voie ; sensiblement à la même date, 25 juillet. le pape prenait des mesures pour qu’un bénéfice dont on avait disposé dans le diocèse de Beauvais en faveur du maître parisien, fût conféré à une autre personne. Ibid., n. 344. La situation de Guillaume ne se modifia donc point sous le, pontificat d’Alexandre IV, qui mourut le 25 mai 1261.

On a écrit que, sous Urbain IV (29 août 1261-2 octobre 1264), Guillaume eut la permission de revenir à Paris, en 1263, et « fut reçu par toute l’Université avec une joie qui ne se peut exprimer ». Du Boulay, Historia unip. paris., t. iii, p. 368. Mais il est difficile de voir sur quelles preuves on se fonde pour affirmer cela. La Chronique de Normandie, édit. citée, p. 1014 D, donnerait plutôt à penser qu’il est mort dans son exil, en 1271 et cette chronique, comme le fait remarquer Tillemont, est remarquablement exacte pour les divers événements relatifs à cette lutte des séculiers et des réguliers. En fait, on possède une lettre de Guillaume adressée à Nicolas de Lisieux et qui peut dater des années 12701271. ChartuL, n. 440. Elle répond à l’envoi que celuici lui avait fait d’un travail contre les ordres mendiants où étaient réfutées diverses assertions de Jean Peckam ; à ce moment Guillaume est encore exilé et ce n’est qu’avec des précautions que les maîtres parisiens communiquent avec lui et lui avec eux.

D’ailleurs le temps ne l’avait guère assagi. Il occupait ses loisirs à composer un ouvrage considérable, où il rassemblait les textes, tant scripturaires que canoniques, allant à l’appui de sa thèse favorite. Ce sont les Collectiones catholicse et canoniese Scripturse, dans les Opéra, p. 111-487. Clément IV (5 lévrier 1265-29 novembre 1268), pensait-il, en sa qualité de Français, d’ancien avocat laïque, comprendrait mieux que, ses prédécesseurs l’opposition que Guillaume faisait à l’invasion des religieux mendiants. Il le lui fit envoyer et le pape eut la bonté de lui en accuser réception. ChartuL, n. 412. du 18 octobre 1266. Mais, tout en lui reconnaissant le droit de chercher dans les textes sacrés des moyens de défense pour l'Église, Clément IV ne laissait pas de remarquer qu’il n’y avait, somme toute, que peu de différence entre le récent écrit et celui qui avait valu à Guillaume les sévérités de l'Église. Pour bienveillante qu’elle fût, la lettre pontificale n'était pas une absolution. Du moins Clément IV ne prenait-il aucune mesure contre ce volumineux jætum. Ce livre n'était pas, a coup sûr, le bon moyen pour faire cesser l’exil de Guillaume ; le docteur mourut le 13 septembre 1272, comme il ressort de son épitaphe

conservée à Saint-Amour, sans avoir pu rentrer à Paris.

Tel fut Guillaume de Saint-Amour ; mais on se tromperait à voir en lui un isolé. Il a incarné, mieux que tout autre, les passions qui se sont donné cours au milieu du xiii c e siècle dans l’université de Paris. Mais il faudrait citer à côté de lui, outre ceux qui l’accompagnèrent à Rome en 1256 et qui ne. persévérèrent pas tous dans leur hostilité contre les mendiants, des maîtres comme Laurent Langlais à qui ont été attribués deux ouvrages de Guillaume, cf. Glorieux, Répertoire, t. i, p. 350, Siger de Brabant, voir son article ; Nicolas de Lisieux dont nous avons dit un mot ci des sus ; mais surtout Gérard d’Abbeville. Sur l'œuvre considérable de ce dernier, voir pour une première orientation. Glorieux, op. cit.. p. 356-360. Parmi ses ouvrages relatifs à la polémique en question, il faut signaler un Liber contra adversarium perfectionis christianse maxime prxlatorum, facultatumque ecclesiasticarum inimieum (entre autres mss, celui de. la Sorbonne, n. 228, fol. 35-128 v°) ; le Liber apologeticus auctoris et libri editi contra adversarium perfectionis christianse, apologie de l’ouvrage précédent (même ms., fol. 129214). Peut être aussi de Gérard d’Abbeville un De perfectione et excellentia status clericorum, même ms.. fol. 215-317, qui est une réponse directe à l’opuscule de saint Thomas, De perfectione vitæ spiritualis. Analyse de ces divers traités dans Histoire littéraire de la France, t. xxi. p. 185-492.

Bien entendu, les religieux mendiants n’avaient pas lardé à répondre ; ux attaques dirigées contre eux. Nous avons signalé plus haut l’intervention de saint Bonaventure dans le conflit. Un anonyme rédigea aussi vers ce même moment un écrit qui commence par les mots : Manus quæ contra otnnipotentem tenditur. ms. de Sorbonne, n. 228, fol. 1-25, qui amena une riposte de Gérard d’Abbeville : Exceptiones contra librum qui incipit : Manus quæ contra. Saint Thomas lui-même entra de bonne, heure dans la lice : l’opuscule Contra impugnantes Dei cultum et religionem est, pour partie, une réfutation en règle du De periculis, de Guillaume de Saint-Amour, mais il répond aussi à toutes les attaques des séculiers en 1255-1256, attaques dont 4 bornas d’Aquin avait été lui-même victime. Cf. P. Glorieux. Le Contra impugnantes de s. Thomas, dans Mélanges Manitoiincl, t. i. p. 51-81. C’est en tant qu’ils peuvent expliquer les traites des grands maîtres que nous venons de citer, que lis productions littéraires de cette époque tourmentée ont encore partie pour nous quelque intérêt.

Les sources sont rassemblées au mieux dans Denifle et Châtelain, Charlularium universitatis Parisiensis, t. i, Paris, 188'J, qui complétera et au besoin rectifiera Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, t. tu, p. 281 sq. ; quelques renseignements dans la Chronica Normanniee (cites en cours d’article) ; dans Matthieu Paris, Chronica Majora, édit. Luaid, t. v, généralement défavorable aux réguliers ci an Saint-Siège ; dans Thomas de Cantinpré, De apibus, éd. de i louai, 1027.

En 1*>32, parut à Constance (niais ne serait-ce pas a Paris ?) une édition des Opéra omnia de ( ruillaume de Saintvmour. L’apparition de cet ouvrage amena quelque émotion dans les milieux des réguliers ; l’autorité royale l’ut saisie et un an et du 1 1 juillet 1(133, défendit aux libraires, a peine de la vie », d’exposer, vendre, ni débiter ledit livre, les particuliers qui s’en trouveraient saisis étant passibles d’une amende de trois mille livres.

Parmi les tins aux, il faut signaler en toute première ligne Tillemont, dans la 'ie île suint Louis (publiée seulement en 1851 par la Société de l’histoire de France). t. vi, p. 135-228 (notes, p. 307-312) ; cette Histoire de Guillaume de Saint-Amour est bien supérieure a celle de Petit-Radel, dans Hisl. litlér. île lu France, t. xix, 1838, p. 197-215, même complétée par celle de V. Le Clerc, ibid., t. xxi, 1847, p. 468-499 ; Féret, La faculté de thèologh île l’aris, Moyen Age, t. II, p. 15-83, 215-225 ; M. l’errod. Étude sur la vie et les œuvres de G. de Saint-Amour, Paris,