son action s’affirme sans contestation possible dans la pratique héroïque des vertus par ses membres :
La conduite de l’Église enseignante constitue d’abord une très forte présomption de l’efficacité de son rôle dans la formation des saints. Nous avons vu qu’elle se réserve le droit de les béatifier et de les canoniser, (.’est elle et elle seule qui entreprend, dirige, juge les di (Ter en les enquêtes SUT l’héroîcité des vertus, les miracles, la pureté de la doctrine, déclare, après mùr examen, si tel serviteur de Dieu peut recevoir un eidte particulier ou publie, liref, elle traite les saints comme sa propriété. Une pareille altitude serait d’une rare outrecuidance, si l’Église n’était pour rien dans leurs vertus.
A cette présomption s’ajoute un argument d’ordre général, savoir que la sainteté réalise toutes les conditions, fixées par les méthodes inductives, pour qu’on puisse légitimement la regarder comme un effet de l’Église :
Partout où existe l’Église catholique, là existe la sainteté ; quand le catholicisme se trouve diminué par le schisme ou l’hérésie, la sainteté baisse et décroît avec te progrès de la dissolution doctrinale ; s’il n’y a aucune trace de catholicisme, comme dans les sociétés païennes, la vertu supérieure et la vertu héroïque ne sont plus qu’une exception. Ce fait constant n’est-il pas l’expression la plus authentique de la vérification la plus exacte de la règle fondamentale de l’induction : posita causa, ponitur effectua, variata causa, variatur efjectus, gublata causa, lollitur effectus. »
A ces deux arguments généraux, le P. de Poulpiquet ajoute trois considérations spéciales :
1° C’est la croyance des saints qui alimente leur piété. L’héroîcité de leurs vertus a pour souice unique l’ensemble des vérités dogmatiques et morales dont vivait leur foi. Or il n’est pas possible de faire dans cette croyance un dépai t entre les vérités chrétiennes admises également par les confessions séparées et les vérités exclusivement catholiques. L’unité rigoureuse de l’objet formel de la foi constitue la raison d’être de cette inséparabilité. Cf. S. Thomas, 1 l a -Il », q. v, a. : i. Ce magistère de l’Église, condition indispensable de l’acte de foi catholique, englobe donc la totalité des croyances qui inspirent la piété des fidèles… La vertu supérieure et la vertu héroïque proviennent donc de principes formellement et totalement catholiques.
2° Dieu reste la cause principale de la justification ; mais il a voulu se servir d’intermediaii es dans cotte œuvre de la sanctification intime des âmes, et cet auxiliaire, c’est l’Église. Par son pouvoir d’ordre et par son pouvoir de juridiction, l’Église visible est le canal normal de la transmission de la griïce divine, la voie par laquelle il faut passer pour s’unir plus intimement à Dieu. La sainteté est donc le résultat de l’action instrumentale de l’Église. L’Église a donc une part réelle dans la production de la sainteté ; elle y collabore efficacement.
- ° L’Église catholique se réserve encore le droit — et
elle n’a pas cessé de l’exercer depuis saint Paul — de contrôle, et de juger les relations immédiates de l’âme avec Dieu. Or ce droit a eu, l’histoire en témoigne, une Influence <les plus heureuses sur le développement des vertus supérieures et des vertus héroïques. Tous ceux qui ont repoussé cette tutelle de l’Église comme un joug, loin de s’élever à une sainteté pins éminente, n’ont pas lardé à tombe ? dans les pires désordres ; les hérétiques en sont la preuve. Au contraire, si les saints du catholicisme ont réalisé avec tant de perfection l’idéal évaugélique, c’est grâce à leur docilité a suivie les avis autorisés des représentants de l’Église visible. Ils ont d’ailleurs proclamé la nécessité el la bienfaisance de ce rôle rempli pal l’Église : " Jésus-Christ, lisons-nous dans les Maximes spirituelles de saint lean de la Croix, n’a pas dit dans son Évangile : où un homme sera seul, je nie. trouverai aussi, niais : où deux au moins se réuniront ; a fin di ! nous donner a entendre que personne ne doil croire
et se déterminer ! dans les choses qu’il regarde comme venant
de Dieu, sans le conseil et la direction d " l’Église B1 de ses ministres. (lùwres complètes, t. i. Paris. IH’.II, p. IS (lr. Gilly). La ligne de conduite la plus sûre, écrit sainte
Thérèse, consiste a confier entièrement son (une et les grâces
dont on est favorisé a un confesseur qui est un bon théologien et a lui obéir. î’.'est fort souvent que cet te. reconnu. m dation m’a été faite, i Vie de sainte Thérist écrite par elle même, t. H, Paris, 1907, c. xxvi, p. 330. (A. de Poulpiquet. L’Église catholique, p. 23.V240, passim.)
Ces principes théologiques une fois rappelés, il devient facile de faire appel aux faits pour démontrer l’existence d’une sainteté héroïque dans l’Église, en fonction même des principes et de l’autorité de l’Église. Comme on l’a dit plus haut, on s’appuie principalement sur l’héroïsme des martyrs, non seulement au temps des persécutions romaines, mais encore au cours des âges et même à l’époque contemporaine dans certaines missions lointaines ou pendant les tourmentes révolutionnaires. On s’appuie également sur le grand nombre d’hommes et de femmes qui, sans subir le martyre, ont glorifié Dieu par des vertus héroïques. On note également la richesse de cette galerie des saints et des saintes du catholicisme, même (et surtout peut-être) depuis le siècle où les protestants ont rompu avec l’Église romaine sous prétexte de réforme » et de retour à la pureté primitive de l’évangile chrétien. Voir pour le développement de ces considérations de fait. P. Buysse, L’Église de Jésus, p. 141-151 ; Garrigou-Lagrange, De revelatione, l. ii, p. 296-301 ; d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, t. ii, p. 108-111, S 27527ti ; Ottiger. Theologia fundamentatis, t. ii, th. xxi. surtout le. § 8, p. 970-985.
IV. LA SAINTETÉ, MARQUE DE VËOUSE LÉGI-TIME, EST ABSENTE DES AUTRES CONFESSIONS CHRÉ-TIENNES. - Nous examinerons successivement la question de la sainteté des principes, puis celle de la sainteté des membres, les deux questions envisagées d’abord chez les Églises protestantes, puis chez les Églises orientales dissidentes.
1° Les Églises protestantes.
1. Questions préjudicielles.
Certains auteurs protestants ont voulu exalter le libre examen comme le meilleur moyen de développer la vie chrétienne individuelle et, à ce titre, considèrent que l’intervention d’une Église (comme l’Église romaine) dans l’affirmation des principes de sanctification et dans leur mise en application, constitue un remède pire que le mal inhérent à la liberté humaine. « L’autorité d’un sacerdoce ou d’un livre, dès que vous l’égalez à celle de Dieu, restant forcément extérieure comme une loi humaine, devient nécessairement un joug qui brise l’être humain et le pousse à la révolte. » A. Sabatier, Les religions d’autorité et la religion de l’Esprit, t. III, c. i, Paris, 1904. p. 417. Harnack accentue encore l’opposition qu’il croit trouver entre l’extrinsécisme de l’autorité et l’intrinsécisme de la vie religieuse : « La Réforme a protesté contre les autorités extérieures en religion, contre celle des conciles, des prêtres et de la tradition ecclésiastique ; seulement il devait y avoir une autorité qui intérieurement la remplaçât et opérât d’une façon libératrice ; ce fut l’Évangile … » « Le développement de l’Église devant naturellement conduire à la puissance absolue du pape et à son infaillibilité, car l’infaillibilité, dans une théocratie terrestre, ne signifie rien autre que ce que signifie la souveraineté absolue en une nation. Que l’Église n’ait pas reculé devant cette dernière conséquence, c’est une preuve qui témoigne combien en elle l’idée de la sainteté s’est sécularisée… Le Christ a enlevé ses disciples à une religion politique et rituelle, il a placé tous les hommes en face de Dieu — Dieu et l’âme, l’âme et son Dieu — au contraire, dans le catholicisme, l’homme est attaché par des (haines indissolubles à une institution terrestre à laquelle il doit obéissance : alors.seulement il peut approcher de Dieu, d L’essence du christianisme, tr. fr., Paris. 1907. p. 202, 270. 277.
A. de Poulpiquet a montré comment cette objection protestante se retournait contre elle-même. Cf. /< dogme, source d’unité et de sainteté dans l’Église, Paris, 1912 (collection Science et religion). Voici les princi-