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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/447

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    1. SAINTS (CULTK DES)##


SAINTS (CULTK DES). LE NOUVEAU TESTAMENT

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d’observance stricte de la Loi. le mérite principal des saints d’autrefois, c’est de s’y être montrés fidèles ; et le principal culte à leur endroit, c’est d’imiter leurs exemples. C’est la note moraliste qui se marquera encore davantage à l'époque qui précède celle tle NotreSeigneur. Comme par ailleurs les préoccupations religieuses se spiritualisent, la prière aux saints du judaïsme se spiritualise de plus en plus.

En résumé, une conviction se fait jour tout au cours de l’ancienne économie : le peuple, du moins la meilleure partie du peuple, a des protecteurs dans ses premiers pères : ceux-ci ne sont pas morts, comme le rappellera Notre-Seigneur. Moïse fit mieux que de laisser se propager cette tradition anccstrale ; il s’y conforma dans sa prière, qui elle-même devait servir de modèle aux prêtres lévitiques ; et, après lui, la prière juive continua à se réclamer des saints patriarches. On y adjoignait dans les derniers siècles avant la ruine, tous les personnages qui curent à jouer un rôle dans le développement de la religion. On mit en circulation sous leurs noms vénérés un certain nombre de livres apocryphes : Moïse d’abord parle dans le livre des Jubilés, les patriarches dans le Testament des douze patriarches, le roi David, puis le prophète Jérémie, enfin le grand-prêtre de la restauration, comme pour mettre la religion et la prière sous l'égide de ces grands réformateurs. Aux derniers temps avant le Christ, l’usage d’invoquer Dieu et les choses saintes et les hommes de Dieu dut être combattu par les chefs de la religion ; on crut utile d’imposer aux croyants des périphrases pour désigner Jahvé. L’Ecclésiastique, xxiii, 9, y fait allusion : Nominatio vero De.i non sit assidua in ore tua : la Vulgate porte ensuite : et nominibus sanctorum non admiscearis ; si cette leçon était authentique, nous aurions là une mise en garde contre le serment par le nom des saints, qui sont d’ailleurs parfois les anges ou les choses saintes ; mais, l’addition étant d’une main chrétienne, « sancti désigne ici les saints proprement dits » (Crampon), ce qui s’explique par le développement du culte de nos saints.

II. DAN8 LJg NOVVEA r TESTAMENT — l°Les évangiles. — 1. Le passage des évangiles qu’on expose volontiers dans la prédication, c’est l'épisode du pauvre Lazare et du mauvais riche. Luc, xvi, 19-31. « Le pauvre fut porté dans le sein d’Abraham… Dans l’enfer, le riche leva les yeux… et il s'écria : Abraham, notre père, aie pitié de moi ! Envoie Lazare… me rafraîchir la langue. » Mais il faudra d’abord observer qu’Abraham ne peut intervenir pour des pécheurs exclus de son sein, ꝟ. 26 : Inler nos et vos chaos magnum firmatum est ; que, même en faveur des vivants, Abraham se refuse à députer un mort : « Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent », ꝟ. 29 ; c’est là un avertissement solennel que l’intercession des saints ne peut rien pour les damnés, et qu’elle ne dispense pas les chrétiens de l’observation des préceptes de Dieu, qu’elle suppose du moins chez eux un commencement de docilité : « S’ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, un mort ressusciterait qu’ils ne croiraient point », ꝟ. 31. Tout ceci fait écho aux grands commandements de l'Évangile. Quant au fait même de l’invocation d’Abraham et de la connaissance qu’en eut ce patriarche, peut-on y voir une affirmation expresse de Jésus ? Il ne faut pas oublier, comme le notait déjà saint Jean Chrysostome, In Matth., hiini. x. que tous les détails d’un récit évangélique ne cadrent pas nécessairement avec les réalités spirituelles. Cependant ces détails commandant ici toute la conclusion morale et restant conformes à renseignement personnel du Maître, il est prudent de les tenir pour une recommandation de recourir aux siiints. Pater Abraham, miserere mei 1 formule cpii était peut-être entrée dans le vocabulaire des Juifs contemporains de Notre Seigneur.

2. Il est donc trop simple de dire que « Jésus et les apôtres n’ont pas donne d’instructions sur le culte et l’invocation des saints ». Pour le culte d’honneur que Jésus rend aux pères de son peuple, il ne faut pas le chercher dans sa prière, car il était « plus grand que Jonas et que Salomon », Matth., xii, 41-42, mais dans ses discours. Ce culte est au moins aussi formel que celui de ses contemporains. Empruntant le langage des prophètes, il annonce qu' « Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des deux, » verront venir à eux une multitude de l’Orient et de l’Occident. Matth., vm, 11. Explicitant la prière de Moïse, il déclare que ces patriarches sont vivants près du Dieu vivant. Marc, xii, 27. Il parle de Moïse surtout comme législateur, dont les prescriptions sont encore imparfaites, mais dont l’autorité demeure, car la Loi est inspirée de Dieu. Marc, xii, 26, 29. David pareillement « a parlé dans le Saint-Esprit », Marc, xii, 26 ; et il a su accomplir intelligemment la Loi de Dieu. Marc, ii, 25. Les prophètes ont été envoyés par Dieu comme des protecteurs qu’il faut honorer, Matth., xxiii, 29 ; et JeanBaptiste, le dernier d’entre eux, est un ange qui prépare les voies de Dieu. Matth., xi, 10 sq.

Cependant ces restrictions mêmes de Notre-Seigneur dans son appréciation des saints de l’Ancien Testament, ne supposent-elles pas qu’ils passeront avec l’ancienne économie ? Dans le culte d’honneur qu’il leur rend en paroles, n’y a-t-il pas une attitude provisoire, destinée à tomber, comme les observances de la Loi qu’il gardait fidèlement ? Non sans doute. Car comme s’il voulait esquisser cette perspective, et mettre en un relief définitif la figure des patriarches dans la nouvelle Alliance, Notre-Seigneur a marqué leur rôle dans l'œuvre commune : « Le père de famille a envoyé ses serviteurs à sa vigne », Matth., xxi, 34, et leur situation par rapport à lui-même. Dans les Synoptiques, la chose n’est qu’indiquée : « Beaucoup de prophètes et de

justes ont voulu voir ce que vous voyez, Matth., xiii,

17 ; mais dans l'évangile de saint Jean, la pensée intime du Christ s'éclaire au sujet de ces anciens serviteurs : « Abraham votre père, a tressailli de joie de voir mon jour ; il l’a vii, et il s’est réjoui. » Joa., viii, 52-56. Le Messie, principe d’unité entre les deux économies, donne à ses disciples une nouvelle raison de garder le patronage des pères de l’ancien peuple : Abraham était le père d’une race privilégiée ; c’est aussi le premier de ceux qui ont cru et espéré dans le Christ. Pour le IV' évangile, c’est le saint précurseur qui est le principal témoin du Christ, Joa., i, 6, « l’ami de l'époux ». Joa., m, 29. Mais le secours d’un saint ne peut valoir que si l’on suit ses conseils : « Jean était la lampe qui brûle et luit ; mais vous n’avez voulu que vous réjouir un instant à sa lumière. » Joa., v, 35. Condition qui marque bien les limites de l’assistance des saints et celle de Moïse en particulier : « Votre accusateur, c’est Moïse, en qui vous avez mis votre confiance. Car si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez aussi. » Joa., v, 45-46.

Ainsi formés par Jésus à la vénération des prophètes, les disciples étaient bien sûrs de rester dans l’esprit du Maître, quand ils offrirent leurs hommages à Moïse et Élic, apparus aux côtés de Jésus, dans sa transfiguration. Marc, ix, 3-7. Leur geste et leur déception marquèrent à toutes les générations chrétiennes la légitimité et le caractère accessoire du culte des saints : il faut ne se confier qu’en Jésus seul. Voilà donc, épais et un peu dissimulés au milieu des paraboles du règne de Dieu, autant de points solides où les chrétiens trouveront à appuyer leur culte pour les saints de l’Ancien l’est anient : unis à Dieu sur la terre, ils ont travaillé à son règne ; dans le royaume céleste, ils se sont réjouis de la venue du Messie.

3. Pour les saints de la nouvelle Alliance, les évan-