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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/453

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SAINTS (CULTE DES). MARQUES DE CULTE


l’esprit antique, ces liturgies (cf. P. L., t. t.xxxv, col. 114) sont dirigées quasi exclusivement vers l’idée de la gloire éternelle, plutôt que vers la rémission des péchés. Ce rituel étant le même pour un défunt ou pour un martyr, nous ne pouvons distinguer à première vue s’il s’agit d’un martyr, par exemple dans ces mots des Acta Joannis, c. ixxii, qu’on date <i' milieu du ii° siècle : « T.e troisième jour après sa mort, nous nous rendrons à la tombe pour y rompre le pain. » Bonnet, Acta apost. apoc, t. n a, p. 186. I.a liste des martyrs était sans doute mêlée à celle des anciens fondateurs ou donateurs ou chefs de famille chrétienne dans ces « fastes chrétiens > auxquels Tertullien renvoie les fidèles : Habrs, christiane, fastos tuos, par allusion à ces fasti municipales dont il parle ailleurs, communs à tout un municipe et marqués par des fêtes annuelles.

b) Cependant, vers la tin du n p siècle, un décalage se produit entre les deux catégories de défunts. Tandis que les martyrs montent dans le ciel des chrétiens, au point que ceux de Lyon refusent d’en porter le titre, et prennent celui plus humble de confesseurs, on s’inquiète du sort éternel de quelques chrétiens moins exemplaires, et puis de celui de tous les fidèles non martyrs. C’est justement Tertullien qui leur dorme une place tout à fait au-dessous des martyrs. De anima, c. lv, P. L., t. ii, col. 7 11. C’est Clément d’Alexandrie et Orlgène qui prévoient une purification et des prières pour ces chrétiens. Cf. ici art. Purgatoire, t. xiii, c. 1195-120(1. À ceux-là, on assure un service liturgique que commandent des sentiments religieux : « Tu ne pourras pourtant pas te désintéresser de ta première femme, dit Tertullien à un veuf qui veut se remarier, et même tu lui donneras une affection plus religieuse encore, depuis qu’elle a été admise près du Seigneur : à ce titre, tu pries pour son âme, tu lui dois rendre chaque année des oblations », De exhortalione castitatis. c. xi, P. L., t. ii, col. 928 ; cependant leur sort laissait encore place à des inquiétudes. Cf. De monogamia, c. x, t. ii, col. 9 12. Les inscriptions funéraires communes portent de plus en plus des intentions de prières, à Rome, au milieu du iiie siècle. Aucune notation de ce genre n’envahit les tombeaux des martyrs. Même réserve à leur sujet, au m c siècle, dans les recommandations à la messe : « Dans vos assemblées, dans vos cimetières [de martyrs], à la sortie de ceux qui meurent, offrez le pain sans tache », dit la Didascalie des apôtres ; mais, dès qu’il s’agit de prières, elle continue : « Priez et offrez sans hésitation aucune pour ceux qui dorment. » C. XXVI, n. 2. C’est que le cas des uns et des autres est bien différent : « Les martyrs sont bienheureux et purs de toute iniquité. » Il y a peut-être place pour des bienheureux non-martyrs, puisque « les péchés ne. sont pas imputés à ceux qui ressemblent à Abraham…, aux patriarches et aux martyrs ». Mais tout chrétien, après son baptême, « est exposé au péché » et, à sa mort, il est bon de prier pour lui, tandis qu' « un homme qui quitte le monde par le martyre, bienheureux est-il parce que ses péchés sont couverts ». C. xx, n. 8, édit. Nau, p. 161.

c) Mais on ne. tarde pas à mettre sur ces saints tombeaux, au contraire, des recommandations et invocations. Cela suppose que les anniversaires des martyrs revêtaient une note de fête et d’enthousiasme : « S’il est glorieux déjà de laisser après soi le souvenir d’une vie parfaite, quanto majoris taudis et honoris est fieri in cœlesti prædicatione gloriosnm ! » l’our ces martyrs, il n’y a qu’une chose à faire, c’est de remercier Dieu de leur victoire. Cyprien, Epist., xxxix, 3, Martel, p. 583 ; cf. Epist, i.xxix, p. 319. Que cette note d’actions de grâces ait aussi distingué plus ou moins vite le Cérémonial des anniversaires de martyrs de celui des autres chrétiens, c’est vraisemblable. Du moins Tertullien emploic-t-il deux expressions distinctes quand

il énumère les institutions chrétiennes issues de la tradition non écrite : Oblaliones pro defunciis, pro nalaliciis, annua die facimus. De corona, iii, P. L., t. ii, col. 79 : et saint Cyprien marque bien, par le soin qu’il met à dresser sa liste de martyrs, que ceux-ci avaient droit à des honneurs spéciaux. On peut conjecturer qu’en sus de l’oblation du sacrifice de la messe, ces honneurs comportaient souvent une vigile (Acta Pionii, Acta sanctorum, febr. t. i, p. 302) où « l’on chantait des hymnes, des psaumes, des louanges à Dieu qui voit toutes choses ». P. (]., t. x.xxi, col. 189.

'.. Rituel officiel. — Faut-il parler d'églises des martyrs ? Pas encore. Mais, sinon à Rome, du moins en

Orient, on signalait, au m c siècle, la dignité des martyrs par une place d’honneur dans les cimetières. Ainsi, parmi les écrits qui portent à titres divers le nom d’Mippolyte, celui qui risque d'être romain, la Tradition apostolique, xiv, 2, n’en parle pas, mais les Canons d’Hippolyte, xix, can. 101, regardent la chose comme admise : le livre VIII des Constitutions apostoliques a supprimé un privilège qui n’avait plus de bénéficiaires.

A un autre point de vue, les anniversaires de martyrs devaient, par la nature des choses, se différencier des autres : ils devenaient à la longue le lot d’une Église entière, tandis que les autres tombes n'étaient visitées que par les parents du mort et durant une génération.

Devant ces services funèbres qui se muent en chants de triomphe, les évêques constatent qu’il s’agit bel et bien d’un culte désormais officiel. Le De alealoribus place les martyrs à côté de l’autel, avec le Christ et les anges, en situation de bénéficiaires du culte. Dans Cy priant opéra, éd. Hartel, t. i, p. 103.

Mais, au n c siècle déjà, les martyrs n'étaient plus avant tout des victimes que l’on pleurait ; c'étaient des combattants victorieux auxquels tout honneur était réservé au ciel et sur la terre. On les déclarait bienheureux ; on leur adressait des prières dans les discours et dans les inscriptions ; on donnait leurs noms aux nouveaux baptisés. Quand ils échappaient à la mort, aucune marque d’honneur n'était trop élevée pour ces témoins du Christ. Il faut même, si l’on veut suivre l’ordre des temps, examiner ces distinctions ecclésiastiques concédées aux martyrs survivants (à ceux que bientôt l’on appellera les confesseurs), car elles remontent à une époque très reculée. Pourquoi ne pas dire jusqu'à l'âge subapostolique ? Car enfin les évangélistes avaient pris soin d’enchâsser dans les enseignements du Christ à ses disciples des paroles qui dépassaient le cercle des apôtres : « Celui qui reçoit un prophète, … un juste à titre de juste, recevra une récompense de juste. » Matth., x, 41. Quels étaient désormais ces privilégiés sinon ceux qui avaient confessé le Christ ?

Martyrs associés au clergé.

À côté de la hiérarchie régulière, subsistait une sorte d’ordre charismatique dont saint Paul parle souvent. Or, le martyr est

un privilégié de l’Esprit. Sa victoire sur les tourments ne s’explique que par la présence en lui de l’Esprit même de Jésus. À ce spirituel, pourquoi ne reconnaîtrait-on pas, s’il survit, certains privilèges de la hiérarchie ? C’est là, peut-être, la plus antique marque d’honneur accordée aux confesseurs. Hégésippe rapporte qu’en Palestine, au début du n° siècle, on fit prêtres des parents de Jésus, martyrs sous Domitien. Eusèbe, llisl. rrrl.. t. III, c. xx, n. 6. En Egypte, vers le milieu du même siècle, Valentin fut évincé du sacerdoce par un ancien confesseur « grâce à la prérogative du martyre ». Tertullien, Adn. Valentinianos, c iv. L’usage est attesté dans les décades suivantes par Tertullien, De juqa, c. xi, par Eusèbe, llisl. ceci.. t. V, c. xxviii, 1 1 ; t. VI, c. viii, 7 et c. Xt, ' ; I. IX. c. xi-xii. Les écrits attribués à Hippolytc