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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/455

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SAINTS (CULTE DES). MAlîOlJES DE CULTE

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Oratio junebris in patrem, t. xxxv, col. 000. Saint Jérôme écrit à la mère de Blésilla : « Elle prie le Seigneur pour vous et m’obtient à moi-même le pardon de mes péchés » ; et s’adressant à Paula : « Adieu, Paula, et soutenez par vos prières la vieillesse de celui qui vous vénérait ! Votre foi et vos œuvres vous unissent au Christ ; en sa présence, vous obtiendrez plus aisément ce que vous demandez. » Episl., xxv et cviii, P. L., t. xxii, col. 473 et 900. Voir dans Delehaye, Les origines…, p. 123-127, d’autres exemples de la persistance atténuée de cet usage aux ive et ve siècles.

A l'âge des persécutions, les martyrs surtout furent invoqués comme intercesseurs pour les vivants et les défunts : témoins les inscriptions funéraires sur les tombeaux des fidèles et les graffiti marqués sur les parois des catacombes au voisinage des corps saints. En voici quelques spécimens, qui s’adressent à des martyrs renommés ou aux « saints martyrs » en général :

Sancte Laurenti, suscepta abeto anim[am]. Mommsen, Inscript, regn. Neapolit., n. 5736.

Salba me domncCrescentione. Marucchi, Guida delcimitero di Priscilla, 1903, p. 56.

Martyres sancti in mente havite Maria. Corp. inscr. lut., t. v, n. 1636.

Cyriace… ad quietem pacis translata cuique pro vit » testimonium sancti martyres apud Deum et Christum erunt advocati. De Rossi, Bull, di archeol. crist., 1864, p. 34.

Santé Suste in mente habeas in horationes Aureliu Repentinu. De Rossi, Borna sotterranea, t. II, p. 17.

Ippolite in mente Petru peccatore. De Rossi, Bull, di archeol. crist., 1883, p. 104, 107.

Refrigeri Ianuarius, Agatopus. Felicissimus martyres. Ibid., 1863, p. 3.

Refrigeri tibi domnus Ipolitus. Reinesius, Syntagma inscr. antiq., cl. xx, n. 326.

Sancti Petr[e], Marcelline, suscipite vestrum alumnum. Davanzati, Notizie délia basilica di santa Prassedc, Rome, 1725, p. 211.

En additionnant les titres et prérogatives donnés aux martyrs dans ces inscriptions — synthèse légitime puisque ce sont là des idées courantes — on voit que les saints sont, pour les fidèles, des « seigneurs », « nom qui avait une dignité si haute » (Delehaye), des maîtres qui tiennent école de vie chrétienne : voilà pour les vivants. Pour les défunts, ensevelis sous ces dalles, Dieu et le Christ sont évidemment les seuls maîtres de la destinée humaine ; mais les martyrs « reçoivent les âmes » des chrétiens « selon le témoignage de leur vie » et même celles de ceux qui s’appellent « pécheurs » ; ils s’en souviennent dans leurs prières célestes, qu’on sollicite sur le tombeau comme à la synaxe, selon la vieille formule liturgique : In mente habete ; par ces prières, ils se font « les avocats » des fidèles — c’est le mot de saint Augustin, .Serm., ccLXXxvi, n.5, P. L., t. xxxviii, col. 1209 ; ils leur procurent le « rafraîchissement » dont parlait Tertullicn, et finalement le salut. Salva met n’est qu’un cri sans nuance arraché à l’angoisse. « Malheureusement ces textes épigraphiques se refusent à un classement chronologique, dont la majeure partie appartient visiblement à une époque où l’invocation des martyrs est, de l’aveu de tous, universellement pratiqué. » I)elchaye, op. cit., p. 129.

Mais, pour l'âge des persécutions, nous avons mieux : les Acla martyrum les plus authentiques, qui nous montrent à la fois que les fidèles ont confiance en la prière des martyrs, au moment de leur mort, et que les martyrs sont dans la même conviction. A Alexandrie, Potamicnne promel au soldai Basilide d’intercéder en sa faveur quand elle scia près de Dieu, Eusèbe, Hist, eccl., t. VI, c. v. En Afrique, les martyrs Montan <(

l.ucius ('roulent les fidèles se recommander a eux. l’assio SS. Montant ri l.inii.u. 13, A Tyr, sainte Théodosic supplie les confesseurs mis en jugement de se

souvenir d’elle quand ils auront reçu leur récompense. Eusèbe, De martyr. Palest., vii, 1. A Tarragone la communauté chrétienne environnait dans sa prison l'évêque saint Fructueux, ut illos in mente haberet ; à l’heure du supplice, un chrétien s’approcha, « et lui prenant la main, lui demanda de se souvenir de lui. A quoi saint Fructueux répondit à voix haute, chacun pouvant l’entendre : Je dois avoir en intention toute l'Église catholique répandue de l’Orient jusqu'à l’Occident ». Acta Fructuosi, c. i, vu ; Passio S. Frucluosi, n. 3. Cf. Acla Julii, c. v, dans Bibl. hagiogr. lat., n. 4555. Ces textes ont été réunis par H. Delehaye, Les origines…, p. 132.

Honneurs et titres donnés aux martyrs défunts.


Le plus significatif de ces honneurs était de garder pour la postérité le souvenir de leur confession, en rédigeant leurs Acta. Les plus authentiques de ces actes, ceux dont les éléments ont été pris au greffe du tribunal, n'étaient pas destinés à ce que nous appelons l'édification, c’est-à-dire à fournir des exemples précis de morale chrétienne ; et, si quelques-uns des plus complets ont été tournés à une intention doctrinale, comme la Passio Perpétuée., c’est assurément une préoccupation bien secondaire pour la plupart des autres. Voir l’art. Acta martyrum, t. i, col. 320 sq.

Dans ces Acta lus dans les synaxes, on accumule autour des noms des martyrs les épithètes d’honneur et de bénédiction : beatus, beatissimus, benedictus, forlissimus. H. Delehaye, op. cit., p. 5. « Le respect domine tous les autres sentiments. Le nom de seigneur, dominus, qui avait une signification si haute, est resté, dans plusieurs langues, le titre officiel réservé aux martyrs et aux saints : Per eos dominos meos qui coronali fuerint. Cyprien, Epist., xxi, éd. Hartel, p. 530 ; cf. Epist., xxii, p. 533. Tertullien, lui, a trouvé une expression heureuse : martyres designati, faisant allusion à la plus haute magistrature du peuple romain. » Loc. cit., p. 17. Les prêtres et les diacres étaient au service des confesseurs prisonniers, pour « faire l’oblation dans leurs prisons ». Cyprien, Epist., v, Hartel, p. 479, pour veiller à l’ensevelissement des martyrs et assurer leur anniversaire… Cf. H. Delehaye, Sanctus, dans Anal, bolland., t. xxviii, p. 179.

Noms de saints portes par les fidèles.

Entre bien

d’autres manifestations de piété destinées à disparaître avec les persécutions, il faut signaler une coutume qui devait se développer aux siècles suivants, se perpétuer au Moyen Age et devenir de nos jours une loi de l'Église : celle de donner aux chrétiens, au moment de leur baptême — plus tard, à l’occasion de leur entrée dans la vie religieuse — le nom d’un ou de plusieurs saints : acte de dévotion inspiré par la prédilection pour ce saint, par le désir d’assurer sa protection au baptisé et de proposer à son imitation les exemples de sa vie. Le fait et l’intention ne sont pas toujours faciles à discerner dans un cas particulier, mais, « si un nom revient fréquemment dans les inscriptions d’un pays, dit le P. Delehaye, c’est une preuve de la popularité du martyr qui l’a porté le premier ».

Le plus ancien texte à examiner, celui de Denys d’Alexandrie, († 265), dans Eusèbe, Hist. eccl., t. VII, c. xxv, n. 14, constate, à son époque et à Alexandrie, l’imposition fréquente parmi les chrétiens des noms de Pierre et de Paul. Le nom de Jean avait été très répandu, ce qui tenait à l’admiration qu’inspirait cet apôtre, et au désir de s’attirer l’amour du Seigneur comme Jean en avait été favorisé ; mais le nom était moins fréquent désormais. Vers le iv c siècle, il connut un retour de faveur. Lis martyrs égyptiens de Palestine avaient adopté les noms d'ÉIie, de Jérémie, d’Isaïc, de Samuel, « le Daniel, pour mieux se défendre des noms de divinités païennes, comme ce nom de Aïovûtrioç, qui fut, au m° siècle, celui d’un évêque de