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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/458

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SAINTS (CULTE DES). DOCTRINE DES IIe ET Ille SIÈCLES


le dogme révélé en quoi il trouve sa raison dernière. Cet usage, il le sépare nettement du culte païen envers les dieux et envers les défunts, qu’il unit dans la même réprobation. De spectaculis, c. xiii, P. L., t. i, col. 720-721. Les anniversaires des martyrs ont donc un caractère bien différent de l’idolâtrie ; si on y prie les saints, ce n’est pas d’eux, mais de Dieu seul, que l’on espère obtenir le secours. Apolog., c. xxx. Si ! < peuple chrétien s'était parfois égaré sur ce point, ce n'était pas la faute de ses docteurs. Cf. Clément d’Alexandrie, Stronnd., t. VII, c. 1 sq. ; P. G., t. ix, col. 404 sq. ; Origène, Contra Celsum, I. VIII, 26 ; P. G., t. xi, col. 1510 ; Adamantins. Dialogus, 1. III. c. ix ; P. G., t. xi, col. 1800 ; Acta Ignatii, n..s. etc. L’essentiel est dit : les saints ne sont pas des dieux, ni même des lares familiaux : mais ce sont des intercesseurs.

Saint Cyprien.

Quant à saint Cyprien, non

content de recevoir de la tradition ecclésiastique l’usage déjà ancien et perpétuel des anniversaires des martyrs locaux, Epist., xxxix, 3, éd. Martel, p. 583 ; non content d’en recommander le maintien dans les circonstances les plus périlleuses, Epist, xii, 2, p. 503, il explique le sens profond de ces anniversaires et leur portée doctrinale à l’aide de tous les témoignages dont il dispose. Dans sa première lettre aux confesseurs prisonniers, il n’avait eu recours qu’aux testimonia scriplurariim sur la mort glorieuse dis saints. Epist., vi, p. 480 sep Mais ces textes sacrés ne élisaient pas assez explicitement, à son gré, le rôle éminent des martyrs dans l'Église chrétienne, ni le secours que les fidèles pouvaient en espérer dans la persécution. Cyprien, qui devait, à la fin de sa vie, résumer la vertu et l’espérance du chrétien dans la patience (cf. De bono patientiei) et dans l’attente du céleste rendez-vous (cf. De mortalitaté), était bien préparé à approfondir la doctrine traditionnelle du cul le des saints. Au cours de sa correspondance, il l’explicite en cinq points : a) les confesseurs, dans leurs tourments, obtiennent le secours de Dieu ; b) ils sont un exemple pour les fidèles ; e) leurs prières ne sont pas interrompues par la mort, bien au contraire ; d) car, au ciel, les saints s’intéressent au salut de leurs frères ; e) enfin, ils sont exaucés par le Dieu qu’ils voient. Ces affirmations se présentent successivement dans ses lettres, dans l’ordre même qu’il aurait donné à une analyse théologique des enseignements de l'Évangile, mais sans raisonnement laborieux, comme l’expression de la pensée commune. Voici ces textes précieux.

a) Four les martyrs non encore couronnés, leur prière est exaucée dès avant leur mort : Vix Ma de his subacti mundi parlibus ad superna transmissa, impetrat de Dei bonitate quod postulat. Quid enim petitis de indulgentia Dei quod non impetrare mereamini ? Epist., xxxvii, 4, p. 578. De ce passage de la correspondance, on peut rapprocher l’exhortation aux vierges par quoi il termine son traité contemporain, De habitu virginum : « Par des encouragements mutuels, excitez-vous [à la vie chrétienne], par les exploits de courage que vous lisez, provoquez-vous à la gloire [du martyre et du ciel]. Oui, supportez courageusement, persévérez spirituellement, arrivez au but heureusement ! Seulement, souvenez-vous alors de nous, quand en vous la virginité en viendra à recevoir sa récompense, cum ineipiet in vobis vir(/initas honorari. » Ainsi l'évêque propose aux vierges « l’honneur » promis à la virginité, honneur qui est d’abord le glorieux martyre, mais qui n’exclut point l’honneur suprême de « l’heureuse arrivée » au ciel, autour de l’Agneau immolé.

b) D’ailleurs les martyrs ont une autre influence posthume : l’encouragement de leurs exemples. La vaillance des martyrs dans leurs supplices est un soutien

pour la foi, un appel au martyre : … Nutantem multorum /idem martgrii vestri veritate solidastis ; martyria

veslra exempta fecistis. Epist, xxxvii, 4, p. 578. A exalter ainsi l’exemple des martyrs, l'évêque ne risquait rien ; mais il s’aperçut bientôt qu’il n'était pas s ; ms inconvénient pour la discipline ecclésiastique <v vanter la toute-puissance d’impétration des confesseurs sur l’indulgence de Dieu ». Plusieurs d’entre eux s’arrogèrent d’exiger pour les lapsi le pardon de l'Église. Il maintient pourtant que leurs prières nous obtiennent de Dieu la persévérance.

c) Ces prières continuent au ciel : s’adressant a son collègue de Home, le pape Corneille, et prévoyant le cas où l’un d’eux précédera l’autre au ciel, il écrit : Si quis istinc noslrum prior divinse largitatis celeritate prsecesserit, perseoeret apudDeum nostra dilectio ; pro /ratribus et sororibus nostris aptid miserieordiam Palris non cesset oratio. Epist, lx, 5, p. 695. Voilà un témoignage capital, où les théologiens catholiques se heurtent malheureusement à une interprétation protestante qui tend à minimiser la portée du texte. Or, dans cette lettre. Cyprien parle d’abord à Corneille de leurs communes prières durant leur vie : où qu’ils se trouvent l’un et l’autre jetés par la persécution, utrobique, leur charité et leur prière doivent se maintenir indéfectibles. Kt. si l’un d’entre eux vient à mourir le premier, évidemment le survivant ne cessera pas de prier pour ses fidèles ; mais, écrit saint Cyprien, le défunt aussi continuera d’intercéder pour les fidèles des deux Églises, et de la sorte « notre amitié persévérera » au delà de la mort : elle sera seulement transportée au ciel, devant le Seigneur. Cette explication est obvie et il est surprenant que des auteurs anglicans aient Cherché par une subtile exégèse à en contester l’exactitude.

d) Nos amis du ciel, pense encore Cyprien. se préoccupent toujours de nous ; la chose est certaine, non seulement pour les martyrs, mais pour les fidèles qui sont morts dans le Seigneur : cette pensée consolante est la foi commune « à tous ceux qui vivent dans l'Église ». De mortalitaté, c. vi, p. 300. « Là-haut, c’est la multitude de nos amis qui nous attend ; de nos parents, de nos frères, de nos (ils ; la foule nombreuse et dense nous désire, jam de sua incolumilide secura, et adluie de nostra sainte sollicita. » l.oc. cil. L’affirmation est aussi claire que possible de la sollicitude des saints pour les fidèles de la terre. Mais qu’on ne pense pas que cette sollicitude soit inquiète et désarmée ; qu’on ne croie pas que l’attente des fidèles soit purement admirative : « Notre rendez-vous ad horum eonspeelum et comf)lexum est notre commune joie, à eux comme à nous ! … Le paradis, c’est notre patrie, nous le pensons bien ; déjà sur la terre, par le saint baptême, nous avons commencé à avoir pour parents les patriarches ! » Loc. cit. Si « nous avons un avide désir de les rejoindre », pouvons-nous croire que ces célestes parents le désirent moins que nous ? De la le culte de saint Cyprien pour les apôtres et les martyrs, qui s’exprime dans les termes enthousiastes qu’empruntera l’auteur du Te Deum : Illic apostolorum qloriosus chorus, illic prophetarum exultanlium numéros, illic martyrum innumerabilis populus ! … Triumphanles illic virgines… ; rémunérait miséricordes, qui… ad c&lestes thesauros terrena patrimonia translulcrunl. Loc. cit. On remarquera la place donnée par saint Cyprien aux vierges et aux bienfaiteurs des Églises : son énmnéralion jalonne à l’avance les étapes du culte des saints et marque les titres des vierges chrétiennes et des grands pontifes à partager un jour la gloire des apôtres.

e) Quant aux martyrs, leurs titres sont désormais bien établis : dès leur dernier soupir, « le ciel est ouvert devant eux… Suit l’immortalité et la vie éternelle est toute prête ». Ne craignez pas que ces immortels