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1165 SATISFACTION. RECUL DE LA PENITENCE PUBLIUUE

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de la mort, où elle devient impossible. D’ailleurs, même en dehors de cette suprême échéance, le principe se formule progressivement d’une adaptation qui comporte des allégements et des exceptions multiples.

Le recours à ces allégements ou à ces exceptions est, somme toute, essentiellement divers. Les évêques ou les prêtres préposés au service de la pénitence en restent juges. Encore sont-ils liés par les usages locaux ou par la tradition. Chacun d’eux, en outre, procède avec ce qu’on pourrait appeler son tempérament humain ou le caractère propre de son zèle pastoral. Aussi ne saurait-on parler ici d’uniformité. Mais la variété même des dispenses consenties confirme que la satisfaction complète normalement exigée n’a par elle-même qu’une valeur de surcroît. La nécessité en est toute relative. On peut obtenir par d’autres voies, par les bonnes œuvres personnelles, la guérison de l’âme et la rémission de la peine qu’elle a pour but de procurer. L’aumône, par exemple, qu’elle ait précédé ou qu’il y soit pourvu au moment de la mort, supplée très heureusement l’accomplissement de la pénitence publique devenue alors impossible. Nous avons vu (col. 1157) l’importance qu’y attachait saint Césaire d’Arles : Salvien, à la même époque, la présente comme un moyen plus facile que la pénitence de « racheter » ses péchés. Epist., ix, 10, Corpus Vindob., t. viii, p. 23-24 ; P. L., t. lui, col. 171 B. Il y a donc là, dès cette époque, comme une amorce du système des commutations qui, aux siècles suivants, jouera un si grand rôle dans l’évolution de la pénitence et de la satisfaction.

II. DE SAINT GRÉGOIRE LE OKAJfJD AUX WCTEVH8 DU MOYEN AGE. — 1° Le recul de la pénitence publique.

— Le trait le plus saillant de cette période est le reçu ! de la pénitence publique. Les formes de pénitence, restées jusque là dans l’ombre, passent désormais au premier plan. Par là même, la satisfaction change d’aspect. D’essentiellement liturgique qu’elle était jusque là, elle devient surtout subjective et morale.

1. Causes.

L’évolution ainsi caractérisée tient à des causes multiples dont les premières sont celles qui de tout temps ont fait omettre ou négliger la forme solennelle de l’expiation du péché. Mais d’autres interviennent, dont il faut tenir compte aussi, pour s’expliquer la généralisation du mode de satisfaction destiné désormais à prévaloir.

La principale, peut-être, est l’extension du christianisme dans les campagnes. Cette extension, en Occident, en Gaule par exemple, a été d’abord fort lente. Elle ne s’accélère qu’à partir du v° et du vie siècle. Elle se traduit par la création de multiples paroisses rurales, aux édifices du culte extrêmement pauvres, au clergé extrêmement réduit et aux cérémonies religieuses forcément simplifiées. La mise à part des « pénitents » y trouve difficilement place. De plus, les prêtres qui desservent ces lieux de culte, originaires en principe de l’endroit même, souvent très peu instruits, vivant dans la dépendance matérielle des fidèles et surtout des maîtres du sol qui ont bâti eux-mêmes l’église et créé la paroisse, manquent de l’autorité morale nécessaire pour imposer la pénitence publique. Les conséquences qu’elle entraîne au for externe en ont fait toujours réserver la décision aux évêques ou à quelques prêtres spécialement établis à cet effet. Ici, ce pouvoir devrait s’étendre outre mesure. Aussi le fonctionnement régulier de la pénitence publique devient-il pratiquement impossible.

L’évangélisation de ces mêmes campagnes par les moines venus d’Irlande ou de la Grande-Bretagne contribue au même résultat. Les monastères deviennent, pour des régions entières, les vrais ou les seuls centres de culte abordables. Or, là non plus, il n’y a

aucune organisation de la pénitence publique. Cette expiation liturgique du péché n’a jamais existé dans les Églises, toutes rurales, elles aussi (Ryan, Irish monastieism, p. 77, 184), d’où viennent les nouveaux convertisseurs du monde gallo-romain et des populations germaniques. Aussi, n’apparaît-elle guère plus que sous la forme de cérémonies ou de pénalités rituelles, auxquelles ont recours les conciles, les évêques ou les papes pour prévenir et châtier les crimes publics. Les collections canoniques où s’accumu’ent, parfois mal traduits et mal compris, les canons pénitentiels de jadis, en conservent ou en rappellent le souvenir. Aux époques de réforme ou de renaissance littéraire et canonique, on s’essaie ou l’on s’applique à en faire revivre la pratique. Mais les exemples mêmes que l’on connaît de cette restitution (voir ci-dessus, t.xii, art. Pénitence, col. 880-881) en font ressortir le caractère surtout disciplinaire et coercitif. Les « pénitents >> de tout le diocèse sont conduits à I’évêque, au début du carême, comme le seraient des criminels à une cour d’assises. La conception de la satisfaction qui se manifeste ainsi le plus est celle qu’avait signalée saint Augustin : une réparation à l’Église elle-même et au peuple chrétien pour le scandale donné. Ainsi le trouve-t-on hautement proclamé dans certaines circonstances plus solennelles. En 833, lorsque les évêques francs prononcent la déposition de Louis le Débonnaire et lui imposent la pénitence publique, ils la lui font demander à lui-même qualenus Hcclesiee, quam peceando seandalizaverat, psenitendo satisjacerel. Episcoporum de psnitentia quam imperalor professus est relatio, n. 8, dans Mon. Gcrm. hist., Capitular.a, t. ii, p. 55.

2. Caractère pénal et administratif.

Aussi bien, à partir de l’époque carolingienne, la pénitence publique présente-telle surtout l’aspect d’un système pénal, à appliquer au for externe, et dont on demande au pouvoir civil lui-même d’assurer l’observation. Les Capitulaires des rois francs montrent qu’ils y veillent. Dès 742, on en trouve un de Carloman qui porte l’obligation pour le religieux ou le clerc coupable de fornication, de faire pénitence en prison : In carcere pœnitenlium faciai in » ane et aqua… Duos annos in carcere permaneat… In carcerem missus, vertentem annum ibi pwnitentiam a<jat. Capilulariu, t. i, n. x, 6, p. 2526. Charlemagne, dans l’Admonition générale du 23 mars 789, n. 79, rappelle qu’au lieu de courir de tous côtés sous prétexte de pèlerinages, mieux vaut faire la pénitence sur place : Melius l’idetur ut, si aliquid inconsuelum et capitale crimen commiserint, ut in uno loco permaneant laborantes et servientes et pœnitentiam agentes secundum quod sibi canonice impositum est. Ibid., p. 61. En 813, le concile de Tours (can. 41) avait demandé à l’empereur de pourvoir au cas des nombreux « incestueux, parricides et meurtriers » de toute sorte qui ne tenaient aucun compte des excommunications portées contre eux, Mon. Germ. hist., Conc. sévi karol., t. i, p. 292 ; celui de Chalon-sur-Saône, la même année, lui avait également fait appel pour remettre en honneur la pénitence canonique, can. 25 : A domno imperalore impelretur adjutorium qualiter, si qui publiée peccat, publica mulletur psenilentia et secundum ordinem canonum pro merito suo et excommunicetur et reconcilirtur. Ibid., p. 278. Le Capitulaire de la même année fit droit à ces plaintes et à ce recours : 8. De ineestuosis. omnino investigandum, ut ab Ecclesia expellantur nisi pœnitentiam egerinl… 25. Ut qui publico crimine convicti sunt rei, publiée judicentur et publicam peenitenliam agant secundum canones. Ca< ilularia, t. i. p. 174 et 175. Quelques années plus tard (818-819) les évêques francs étaient revenus à la charge auprès de Louis le Débonnaire, quia sunt in plerisque locis parricidse et homicidw vel reliquis cupitalibus criminibns im