p. 792-797. À noire avis, la portée de ces deux canons va bien jusqu’aux patriarches, à l’exception évidemment du patriarche d’Occident, qui tient la première place. Par le fait qu’on adjuge le second rang à l'évoque de Constantinople, on entend lui subordonner, à l’occasion, tous les prélats orientaux et c’est bien ainsi que, dans la pratique, les évêques de la capitale et les empereurs l’ont compris. Ce droit d’appel facultatif accordé au siège de Constantinople est un nouveau pas dans l’assimilation avec le siège romain. C’est une sorte d'équivalent du droit reconnu un peu t imidement au siège de Pierre par les canons de Sardique.
1o L’annexion de. V llluricum oriental. — Voilà donc l'évêque de la nouvelle Rome devenu primat de tout. l’Orient, doté d’une large circonscription patriarcale, accrédité pour recevoir des appels de tout l’Orient. Il n’est pas satisfait cependant. Lors du partage de l’empire romain en deux moitiés, le diocèse de l’IUyricum oriental, dont la capitale est Thessalonique, a bien passé sous l’autorité de l’empereur d’Orient, niais au point de vue ecclésiastique, les provinces de ce diocèse sont restées sous la juridiction supérieure de l'évèque de Rome qui les gouverne par l’intermédiaire de l'évèque de Thessalonique, vicaire du Siège apostolique. Mais l’illyricum oriental ne devrait-il pas être, au point de vue ecclésiastique, rattaché à l’empire d’Orient et constituer une sorte d’exarchat ou patriarcat, au même titre que les autres diocèses, ou bien avoir le sort des trois diocèses de Thrace, d’Asie et de Pont ? La seconde solution agrée davantage aux évêques de Constantinople..Aussi essaient-ils, dès avant le concile de Chalcédoine, d’enlever tout ce territoire oriental au patriarcat romain. Le 14 juillet 121, Théodose II, docile sans doute à la suggestion d’Atticus, publiait un décret dans ce sens. L’illyricum était soumis au contrôle supérieur de l'évêque de Constantinople, « parce que celle ville jouit des prérogatives de l’ancienne Rome ». Si le pape Boniface Ier n’avait protesté énergiquement en faisant intervenir l’empereur d’Occident Honorius, le décret eût été appliqué. Mais Théodose II céda aux remontrances de son oncle et. si la loi ne fut pas enlevée du code, son effet du moins fut suspendu. Cène fut pas la seule tentative des patriarches byzantins pour s’annexer cette région. En 531 nous voyons le patriarche Épiphane se mêler de l’affaire d’Etienne de Larissa. Celui-ci en appelle au pape Boniface II ; ce qui n’empêche pas Épiphane de le déposer, sûr qu’il est de l’appui de Justinien. Cf. J. Pargoire, L'Église byzantine, de 527 ù 847, p. 47-48 ; V. Grumel, Hegesles du patriarcat de Constantinople, n. 220-222. Malgré bien des tiraillements, en dépit des schismes qui survinrent, les papes maintinrent tant bien que mal leur suprématie sur ces provinces, jusqu’au jour où Léon l’Isaurien les leur enleva définitivement par un coup de force (732). Les réclamations romaines ne cessèrent pas pour autant. Elles se firent entendre lui n Miuveni dans la suite, au cours des négociations avec la cour byznnt ine. et ne roui ribuèrent pas peu à aigrir les relations entre les deux Eglises. Ce qui ressort bien de ces tentatives des évêques de Constantinople, c’est qu’ils ont rêvé d’une soi te de dvarehie ecclésiastique calquée sur la dyarchie politique. Quand celle-ci a cessé du cùlé de l’Occident, toujours guidés par leur fameux principe, ils ont élevé des prétentions encore plus exorbitantes.
5o L’origine apostolique du siège constantinopolilain. — Quoi qu’ils lissent cependant, leur siège avait, par rapport au siège romain, une Infériorité originelle que rien ne semblait pouvoir combler : il n'était pas de fondation apostolique. Or, il arriva que, durant le long schisme d’Acace ou peu après, un faussaire se chargea de délivrer au siège de Byzancc le brevet d’aposlolicilé qui lui manquait. Aux environs de 525, un certain
prêtre Procope, sous le pseudonyme de Dorothée de Tyr, avança que l’cvêché de Byzance avait été fondé par l’apôtre saint André, qui lui avait donné pour premier pasleur son disciple Stachys, celui-là même dont parle saint Paul dans VÉpîlre aux Romains, xvi, 9. Cf. P. G., t. xcii, col. 1059-1076. Ainsi à Pierre « le Coryphée » on peut opposer son frère André le « Protoclite ». La légende eut un rapide succès. Dès le début du viie siècle, elle était déjà entrée dans le courant de la tradition byzantine. Elle s’imposa bientôt dans l’Occident lui-même et Baronius l’a insérée dans son édition du martyrologe romain, au 31 octobre. Cf. S. Vailhé, Origines de l'Église de Constantinople, dans les Échos d’Orient, t. x, 1907, p. 287-295 ; Pargoire, op. cit., p. 49. G Le titre de patriarche œcuménique. — L’ambition de Constantinople fit un autre éclat sur la fin du vie siècle. Au synode de 588, réuni pour examiner une accusation contre le patriarche d’Antioche et auquel assistèrent les patriarches d’Alexandrie et d’Antioche, Jean IV le Jeûneur, patriarche de Constantinople, se fit décerner le titre de « patriarche œcuménique » comme une dénomination réservée désormais à lui seul et à ses successeurs. Cette épithète d' œcuménique, appliquée à un évêque, n'était pas nouvelle dans l'Église. L'évêque Olympios d’Evaza l’avait donnée à Dioscore d’Alexandrie durant le brigandage d'Éphèse en 119. Saint Léon, au concile de Chalcédoine, le pape Hormisdas en 518, le pape Agapit en 536 l’avaient reçue de la bouche d’Orientaux ; des synodes constantinopolitains tenus en 518 et en 536, des rescrits de Justinien en avaient honoré les patriarches Jean II, Épiphane, Anthime et Menas. Quelle était au juste sa signification ? Il est difficile de le dire. Si on la traduit par « universel », le pape seul la mériterait en un certain sens, à cause de sa juridiction universelle sur toute l'Église. Dans la bouche de Jean IV le Jeûneur, le titre paraît bien viser à une sorte de suprématie sur tout l'épiscopat de cette o'.xou[jiv7), de ce petit monde qu’est l’empire byzantin. Les circonstances dans lesquelles Jean revendique ce titre pour lui seul favorisent cette interprétation : c’est lui qui préside le synode qui va juger le titulaire d’Antioche ; il affirme donc par là son autorité sur les autres patriarches d’Orient. Il n’entend certes pas englober sous son obédience le patriarche même de Rome dont il a été obligé de reconnaître la primauté. Cf. Pargoire, op. cit., p. 46. Quoi qu’il en soit, ce titre de patriarche œcuménique ne dit rien qui vaille pour l’unité de l'Église et la primauté de droit divin de l'évêque de Rome. Il est de signification aussi imprécise, aussi équivoque, aussi trouble que les Ta 7rpea6eïa du 28e canon. On sait que les papes Pelage II et Grégoire le Grand protestèrent énergiquement contre cette appellation ambitieuse sans obtenir que Jean et son successeur Cyriaque y renonçassent. Ces deux papes eurent beau défendre à I’apocrisiairc romain à Constantinople de communiquer in sacris avec eux. Ils ne purent venir à bout de leur résistance, qu’appuyait au moins tacitement l’empereur Maurice. Le pape Boniface III fut plus heureux, non auprès du patriarche Cyriaque, mais auprès de l’empereur Phocas qui, en 607, publia une constitution retirant au patriarche de Constantinople le fameux titre et reconnaissant la suprématie romaine. Sa victoire ne fut cpie d’un moment. Phocas disparu, les successeurs de Cyriaque reprirent le litre ambitieux qu’ils ont gardé jusqu'à ce jour. Il n’est pas inutile de remarquer que saint Grégoire, dans ses nombreuses lettres relatives au titre de patriarche œcuménique, n’aperçoit, dans ce litre, aucun attentat à la primauté romaine. Ses protestations ne visent qu'à faire respecter les droits d’Alexandrie et d’Antioche. Or. Anaslase d’Antioche et Euloge d’Alexandrie n’attachèrent aucune importance à la fantaisie de leur collègue de Cons-