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1347 SCHISME BYZANTIN. ENTRE PHOTIUS ET CÉRULAIRE 1348

On est quelque peu étonné de l’insistance tic Nicolas le Mystique à faire cesser le schisme qu’il avait luimême provoqué. C'était peut-être remords de sa part. Mais on peut soupçonner aussi d’autres mol ifs : on avait besoin de l’intervention du pape pour ramener les euthymiens opiniâtres qui refusaient de se rallier au second patriarcat anticanonique de Nicolas et aux vues intransigeantes de celui-ci sur les quatrièmes noces. De plus, on savait le Saint-Siège en bonnes relations avec le tsar des Bulgares Syméon, qui menaçait alors de s’emparer de Constantinople, après avoir infligé aux Byzantins la défaite d’Anchialos, le 20 août 917. Nous voyons Nicolas adresser lettres sur lettres à Syméon pour l’engager à faire la paix avec le basilcus. Aussitôt après le rétablissement de l’union avec Rome, le patriarche écrit de nouveau au prince. Il déclare le faire non seulement en son nom propre, mais aussi sur l’invitation du pape, qui a envoyé une ambassade au tsar en vue de mettre fin au conflit entre Bulgares et Byzantins. Les ambassadeurs sont, pour le moment, retenus à Constantinople. Le prince est averti « de ne point mépriser le pape, car mépriser le pape, c’est faire injure au Prince des apôtres ». Grumel, op. cit., n. 712. Ce dessous politique éclaire d’un jour singulier la dernière lettre si humble de Nicolas au pape et son zèle à faire cesser le schisme. Et l’on comprend aussi l’ambassade impériale avec présents envoyée à Sa Sainteté !

De 923 à 974, l’union entre les deux Églises paraît s'être maintenue sans accroc. A Rome, c’est l’asservissement complet de la papauté, d’abord à la maison de Théophylacte, puis, à partir de 962, aux Ottons d’Allemagne. L’activité du Saint-Siège en Orient ne se manifeste, durant ce temps, que par une démarche peu susceptible d’augmenter son prestige et de lui concilier l’estime des Byzantins : l’envoi par le pape Jean XI de quatre légats, dont deux évêques, en février 933, pour assister à l’intronisation du fameux patriarche Théophylacte et négocier une alliance matrimoniale entre la famille de Romain Lécapène et celle de Marozie, deux familles d’usurpateurs. C’est en 974 que les relations se gâtent de nouveau et aboutissent à une rupture avec le pape légitime. La cour byzantine, en effet, commence à se mêler des affaires intérieures de l'Église romaine. Malgré le mariage de Théophano avec Otton II, qui vient de succéder à son père, elle soutient le parti des factions romaines contre la tutelle allemande. Après avoir fait étrangler Benoît VI (972-974), Crescentius donne la tiare à Boniface Franco, qui prend le nom de Boniface VII. Déposé sur l’intervention de l’empereur allemand, l’antipape s’enfuit à Constantinople en emportant, dit-on, les trésors du Vatican (974). C’est pour lui que les souverains de Byzance prennent parti, après avoir déposé le patriarche Basile I" Scamandrenos (970-974) qui a refusé de comparaître devant le tribunal impérial et en a appelé au jugement d’un concile universel, c’est-à-dire implicitement au jugement du pape de Rome. Cf. Sehlumberger, L'épopée byzantine, 1. 1, p. 263-275. La rupture se prolongea dix ans jusqu’au jour où Franco réussit, avec l’appui de Crescentius, à remonter sur le trône pontifical. Mais son second pontificat ne dura guère plus que le premier. Après avoir exaspéré les Romains par sa rapacité, il fut, semhlc-t-il, assassiné en 985.

Les Byzantins reconnurent ils les deux successeurs de Benoît VII, Jean XV (985-996) et Grégoire V (996 '.)'.)', ))> La chose ne paraît pas faire de doute pour Jean XV, une créature du dis de Crescentius, sous le

pontifical duquel l’impératrice Théophano, veuve d’Otton II et sieur des empereurs byzantins Basile II

cl Constantin IX, se réfugia à Rome, prenant le titre d’impératrice des Romains. Grégoire N', au contraire, candidat (le l’empereur allemand, fut repoussé et l’on

soutint la créature de Crescentius, Jean Philagathos, archevêque de Plaisance, un Grec de Calabre, qui prit le nom de Jean XVI. Ce nouvel antipape ne fut pas plus heureux que Franco. Il était à peine intronisé (avril 997) qu’Otton III faisait route vers l’Italie. Se voyant perdu, il fit sa soumission à Grégoire V et finit ses jours dans un monastère. Voir l’article Jean XVI, t. viii, col. 629.

Les relations durent reprendre entre Rome et Constantinople, sinon sous le pape Sylvestre II (999-1003), l'élu d’Otton III, du moins sous ses successeurs Jean XVII (1003), Jean XVIII (1003-1009) et Sergius IV (1009-1012), créatures de la faction romaine des Crescentii. Ce qui est sûr, c’est qu’en l’an 1009, sous le pontificat de Jean XVIII, Pierre, patriarche d’Antioche au temps de Michel Cérulaire, voyait le nom du pape inscrit aux diptyques de Sainte-Sophie. Lettre à Michel Cérulaire, P. G., t. cxx, col. 800. L’union continua-t-elle sous le successeur de Sergius IV, Benoît VIII (1012-1024)? Il y a des raisons d’en douter, non seulement à cause des circonstances de l'élection de ce pape, que confirma l’arbitrage de l’empereur allemand Henri II, mais aussi à cause du couronnement solennel de cet empereur par le nouveau pape, le 14 février 1014. Cette répétition de l’acte solennel qu’avait autrefois accompli le pape Léon III pour Charlemagne, la présentation, qui fut faite au souverain, du globe d’or surmonté d’une croix, symbole de la domination universelle, ne durent certainement pas être du goût de Basile II, alors au faîte de sa puissance. S’il eut connaissance de ces détails, il dut en éprouver un vif mécontentement et se sentir fort mal disposé à l'égard du nouveau pape. Le globe d’or, c'était à lui qu’il était dû, et non au souverain barbare. Faut-il conclure de là que Benoît VIII ne fut pas admis à figurer sur les diptyques de Sainte-Sophie ? La chose ne serait pas impossible, et ce serait à cette occasion que le schisme survenu du temps du patriarche Sergius II, dont parlent Nicétas de Nicée et plusieurs autres écrivains byzantins, se serait produit. On aurait rompu avec le pape pour le punir de l’attentat qu’il avait commis contre les droits du basileus en offrant le globe d’or à Henri II et en le couronnant empereur. Une leçon de Nicétas de Nicée, considérée par certains critiques comme la leçon authentique, paraît favoriser cette hypothèse. D’après cette leçon, le schisme en question aurait été occasionné par « l’usurpation des privilèges et des droits romains (entendez : byzantins) : si Ss Sià x/)v twv 7rpovo(iicov xal xàv pcojiaïxwv Stxaîcov ûçaproxy/jv, TroXuTrpaYr 10 ^™ ô PouXôfisvoç. » Cf. P. G., t. cxx, col. 713 sq. Il ne faut pas oublier qu'à l’instigation de Benoît VIII l’empereur Henri II soutint la révolte de l’Apulie contre les Byzantins en 1018, et tenta de s’emparer de la Calabre byzantine en 1022.

Si l’on ne reconnut pas Benoît VIII, il est sûr qu’on fit une démarche pour entrer en relation avec son successeur le pape Jean XIX (1021-1033), Eustathe, successeur de Sergius II sur le siège de Constantinople, étant encore de ce monde (t novembre-décembre 1025). L’avènement de Jean XIX parut aux Byzantins une occasion favorable pour régler une question pendante depuis plusieurs siècles. Pour la première fois depuis longtemps, on avait affaire à un pape-roi, soustrait à la t nielle séculière, un laïc d’hier porté d’une façon irrégulière sur le trône de saint Pierre et réunissant en ses mains à la fois le pouvoir religieux et le pouvoir civil. Jean XIX, en effet, n'était nuire que le « sénateur « Romain, frère du pape priée dent, qui s'était déchargé sur lui du gouvernement temporel. Jean XIX axait reçu en quelques jours les divers ordres sacrés. Voir son article. On pensa, à Constantinople à faire reconnaître par lui le titre de patriarche œcuménique. Ce serait la consécration officielle de