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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/720

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SCHISME BYZANTIN ET CONCILE ŒCUMÉNIQUE


n’avons pas encore dit et ce dont la plupart des théologiens dissidents ne paraissent pas s’être aperçus, c’est que Dosithée, dans une seconde édition qu’il donna de sa Confession de foi en 1690, modifia complètement l’article xviii, relatif à l’existence d’une peine temporelle due au péché pardonné et d’un état intermédiaire entre le ciel et l’enfer. Explicitement affirmées dans la rédaction approuvée par le synode de Jérusalem de 1672, ces deux vérités ne sont pas moins explicitement rejetées par Dosithée dans l’édition de 1690. Or, ce n’est pas le texte corrigé, mais la rédactio’n première de 1672 que les patriarches orientaux envoyèrent aux Russes en 1723 comme l’expression de la pure orthodoxie. On arrive ainsi à constater que ces deux fameuses confessions de foi du xviie siècle, qu’un bon nombre de théologiens gréco-russes ont considérées et considèrent encore comme des livres symboliques proprement dits, comme des documents infaillibles au même titre que les définitions des sept conciles, ont été reniées en certaines de leurs parties par leurs auteurs eux-mêmes.

Il faut ajouter que ces deux confessions, dans le texte qui a été approuvé par les patriarches orientaux, se contredisent l’une l’autre sur plusieurs points. C’est ainsi que la confession de Moghila nie l’existence de toute peine temporelle après la mort et de tout état intermédiaire entre le ciel et l’enfer, tandis que la confession de Dosithée enseigne le contraire. La première ordonne de reconfirmer les apostats, la seconde de les réconcilier par le sacrement de pénitence. Tandis que Dosithée reconnaît explicitement la validité du baptêms des hérétiques, la confession orthodoxe de Moghila corrigée par Syrigos exige pour la validité du sacrement la foi orthodoxe au mystère de la Trinité. La même retarde la béatitude des âmes saintes jusqu’au jugement dernier, alors que la confession de Dosithée est pour la rétribution immédiate.

/II. I/ÉGLISE GRÉCO-RUSSE EST DANS L’IMPUIS-SANCE RADICALE DE RÉUNIR UN NOUVEAU CONCILE

œcuménique. — Le concile œcuménique a pour l’Église gréco-russe une importance beaucoup plus grande que pour l’Église catholique. C’est, en effet, pour elle la seule autorité commune qui puisse porter des décrets obligatoires pour chaque Église particulière, le seul organe infaillible du magistère ecclésiastique capable de dirimer en dernier ressort les controverses doctrinales. Sans concile œcuménique, l’Église gréco-russe est, de fait, privée de tout magistère ecclésiastique infaillible. Pour l’Église catholique, au contraire, le concile œcuménique, bien qu’il puisse être très utile, n’est jamais indispensable, à cause du pouvoir de juridiction plénier et immédiat et de la prérogative de l’infaillibilité personnelle de l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre.

Or, depuis la consommation du schisme byzantin au xie siècle, l’Église catholique, qui peut, à la rigueur, se passer des conciles œcuméniques, en a réuni douze, tandis que l’Église gréco-russe, pour qui le concile œcuménique est un organisme vital indispensable, n’en a connu aucun. Chose plus invraisemblable, la théologie du concile œcuménique n’existe pour ainsi dire pas dans cette Église. Ses théologiens n’arrivent pas à s’entendre sur les conditions et les prérogatives d’une pareille assemblée. C’est pourquoi ils en parlent très peu, ou même se taisent complètement à son sujet ; on ne trouve à peu près rien sur le concile œcuménique dans la littérature théologique de l’orthodoxie orientale.

Si les théologiens gréco-russes ne s’entendent pas entre eux sur les conditions et les prérogatives du concile œcuménique, cela vient de ce qu’aucune des assemblées de ce genre reconnues par eux n’a déterminé d’une manière précise ces conditions et ces pré rogatives. Or, du point de vue de l’orthodoxie orientale, seul un concile œcuménique peut statuer d’une manière infaillible sur les conditions de l’œcuménicité. Aussi comprend-on que quelques-uns de ces théologiens, pour être sûrs d’avoir un vrai concile œcuménique, exigent que cette assemblée soit calquée sur le modèle des sept premiers conciles en tout et pour tout et que le pape de Rome y soit représenté.

Question de la présence du pape de Rome.

La

question de la nécessité de la présence de l’évêque de Rome pour former un véritable concile œcuménique mérite d’attirer notre attention, car elle en suppose une autre plus générale et plus importante, sur laquelle les théologiens gréco-russes ne s’entendent pas non plus. Cette question est celle-ci : « L’Église gréco-russe, constitue-t-elle, à elle seule, l’Église universelle, la véritable Église fondée par Jésus-Christ ; ou bien n’en est-elle qu’une partie ? » Le fait même que les théologiens dissidents en soient encore à se poser une pareille question et qu’ils ne soient pas d’accord sur sa solution est vraiment suggestif. Il en est cependant ainsi. Par la voix d’un bon nombre de ses théologiens, elle affirme sans doute qu’elle appartient à l’Église universelle fondée par le Sauveur, mais elle ajoute qu’elle n’en constitue pas la totalité, qu’elle n’est qu’une partie du tout. La position de ces théologiens peut se résumer ainsi :

L’unité visible de l’Église universelle a été brisée au xie siècle. L’Église gréco-russe, dite Église orientale, ne forme pas, à elle seule, la totalité de la véritable Église fondée par Jésus-Christ. Elle n’en est que la partie la plus saine, celle qui a conservé l’ancienne tradition indemne de tout alliage humain. L’autre partie de l’Église universelle est l’Église d’Occident. Par Église d’Occident il faut entendre, selon les uns, la seule Église romaine-catholique ; d’après les autres, également les Églises protestantes, au moins celle d’entre elles qui a conservé l’épiscopat, à savoirl’Église anglicane. Tant que durera le schisme entre les deux Églises il ne pourra pas y avoir de véritable concile œcuménique. La présence de l’évêque de Rome, patriarche d’Occident, est absolument requise pour qu’une assemblée conciliaire possède l’œcuménicité. De même, la représentation des patriarcats d’Orient est indispensable pour constituer un concile œcuménique. Il suit de là que les conciles tenus en Occident depuis 787, ne sauraient être considérés comme de vrais conciles œcuméniques.

Parmi les théologiens qui ont soutenu cette thèse, il faut d’abord signaler Philarète Drozdov, métropolite de Moscou (1782-1867), le plus célèbre des théologiens russes du xixe siècle. Cf. l’article Philarète Drozdov, t. xii, col. 1376-1398. Dans son opuscule intitulé Dialogues entre un chercheur et un convaincu, composé en 1815, il reconnaît que l’Église occidentale vient de Dieu et qu’elle fait partie intégrante de l’Église universelle ; mais il déclare qu’elle n’est pas purement vraie, parce qu’au salutaire enseignement de la foi chrétienne elle a mêlé des opinions humaines fausses et nuisibles, tandis que l’Église orientale est la partie laplus saine de l’Église universelle, celle qui a conservé l’antique tradition sans mélange d’erreur et de mensonge. Le grand reproche que Philarète fait à l’Église d’Occident est justement de considérer comme exclue de la véritable Église, fondée par Jésus-Christ, sa sœur l’Église orientale, cette autre moitié de la chrétienté. La séparation des deux Églises peut se comparer à la division des tribus d’Israël en royaume de Juda et en royaume d’Israël, après la mort de Salomon. Au royaume d’Israël correspond l’Église occidentale, qui s’est séparée de sa sœur, l’Église orientale, en définissant, de son jugement particulier, sans la participation de l’autre moitié de la chrétienté, certaines doctrines