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RUFIN D’AQUILÉE


se retournèrent contre lui, car Jérôme ne tarda pas à composer une traduction nouvelle, aussi exacte que possible, dans laquelle étaient mises en relief toutes les témérités d’Origène, et cette traduction parut si dangereuse à Oceanus et à Pammachius qu’ils firent tous leurs efforts pour la faire disparaître avant même sa publication.

Vains efforts. Manuscrits subtilisés, lettres interceptées, rien ne manqua de ce qui pouvait le mieux dresser l’un contre l’autre les anciens amis. Accusé auprès du pape Anastase, sommé de comparaître devant son concile, Ru (in fut obligé de se justifier et de démontrer la parfaite orthodoxie de sa foi (400). En même temps, il dirigea contre Jérôme une apologie de sa conduite qui eût été de nature par la modération du ton et par la puissance des arguments, à faire réfléchir un esprit moins vif que celui du solitaire de Bethléem. A l’ouvrage de Rufin, Jérôme crut devoir répondre par trois livres des plus violents, que leur destinataire eut la sagesse de laisser sans réplique.

Retire à Aquilée auprès de l’évêque Chromatius (400), Ru fin put dès lors reprendre la vie de prière et d’études pour laquelle il était fait. Cependant les invasions barbares ne lui permirent pas de demeurer dans son pays natal. Vers 407. il fut obligé de quitter Aquilée et de se réfugier au monastère de Pinctum, près de Terracine, où résidait sa vieille amie Mélanie. Puis en 409, la nouvelle avance des Goths le contraignit à passer en Sicile : ce fut à Messine qu’il mourut en 410, fidèle jusqu’au bout à sa besogne d’écrivain et de traducteur.

If. Écrits. — 1° Les traductions. — La plus grande partie de l’œuvre littéraire de Rufin est constituée par des traductions. Ses écrits personnels sont peu nombreux et les plus importants d’entre eux sont das aux circonstances, puisque ce sont des apologies de sa conduite. Rufin apparaît donc essentiellement comme un traducteur : on peut dire que cette besogne modeste, dans laquelle il s’est volontairement confiné, lui convenait à merveille et qu’il a, en la poursuivant sans relâche, rendu aux chrétiens de l’Occident le plus éminent des services. Grâce à lui, en effet, les œuvres des docteurs grecs sont devenues accessibles à tous, non seulement celles des vieux maîtres comme Origène, mais aussi celles des écrivains les plus récents, qu’il transférait en latin, à peine étaient-elles publiées dans leur texte original. Voici la liste des livres qu’il a ainsi traduits :

1. Origène.

— Rufin a consacré de longs et patients etïorts à faire connaître à l’Occident les œuvres d’Origène. Il a publié en effet :

a) Le De principiis : les deux premiers livres ont été traduits pendant le carême de 398 ; les deux derniers quelques semaines après Pâques. L’ouvrage a ainsi paru en deux fois, chaque partie étant précédée d’une courte préface.

b) De très nombreuses homélies, à savoir : 1(1 homélies sur la Genèse ; 1.3 homélies sur l’Exode ; tti homélies sur le Lévitiquc ; 28 homélies sur les Nombres ; 20 homélies sur Josué ; 9 homélies sur les Juges ; ho mélies sur les psaumes xxxvi, xxxvii et xxxviii. Toutes ces traductions, à l’exception de celle des homélies sur les Nombres, sont antérieures à 101. Celle des homélies sur les Nombres date de 110 : elle constitue le dernier travail de Rufin et le prologue à l’abbé I Irsacius est particulièrement émouvant, parce que le vieil écrivain y parle des dévastations commises par les barbares et de sa mort cpi’il sent presque imminente.

c) Le commentaire sur l’épître aux Romains (vers loi), et le commentaire sur le Cantique des Cantiques (vers 4 10). Ces deux Irai lue lion s ne sont pas complètes, OU plus exactement elles se présentent, surtout la première, comme des adaptations. Rufin explique, dans

sa préface, que le commentaire d’Origène sur l’épître aux Romains était trop long et qu’il a jugé nécessaire de l’abréger tout en conservant l’essentiel des idées d’Origène.

2. Adamantins. Dialogus de recta in Deum fide. — Ce dialogue a longtemps passé pour une œuvre d’Origène, et Rufin. en le traduisant, l’a regardé comme écrit par le docteur alexandrin.

3. Pamphile de Césarée.

Du prêtre Pamphile, Rufin a traduit le 1. I de Y Apologie pour Origène. Cette traduction a été faite au début de 398, et elle est dédiée à Macaire, celui-là même à la prière de qui Rufin entreprit la traduction du De principiis. Macaire travaillait alors à un livre contre les « mathématiciens », c’est-à-dire les partisans du destin, et il espérait trouver des arguments dans l’ouvrage de Pamphile. Sous forme d’appendice, à cette traduction, Rufin a écrit un second traité De, adulteralione librorum Origenis, P. G., t. xvii, col. C15-632. dans lequel il démontre que les écrits d’Origène ont été corrompus ou interpolés et qu’il en a été de même pour plusieurs autres écrits de l’antiquité chrétienne. Ce petit traité ne manque pas d’intérêt pour l’histoire de la propriété littéraire.

4. Sentences de Sexlus.

— Au temps de Rufin, on attribuait communément au pape Sixte II une série de sentences d’origine pythagoricienne. Ce recueil, christianisé vers la fin du ne siècle, a été traduit par Rufin qui s’est laissé tromper sur sa véritable origine. Cf. J. Kroll, dans llennecke, Neutestamentliche Apokryphen,

e éd., 1924, p. 625 643.

5. Apocryphes pscudo-clémentins.

De ces apocrycryphes, qu’il attribuait à saint Clément de Rome, Rufin a traduit la lettre de Clément à Jacques, et assez lontemps après les Récognitions. Ce travail doit dater de 405 environ.

(i. Eusèbe de Césarée. ~ En 403, semble-t-il, Rufin traduisit, à la demande de Chromatius d’Aquilée, les dix livres de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe. Il voulait, en faisant ce travail, donner aux chrétiens d’Italie, attristés par les invasions "barbares, le moyen de trouver dans le passé une consolation et un apaisement pour les épreuves du présent. A l’occasion, Rufin ne craint pas d’ajouter quelques compléments à Eusèbe, par exemple dans l’histoire de saint Grégoire le Thaumaturge et dans celle de saint Lucien d’Antioche. Inversement, il lui arrive assez souvent de raccourcir son modèle ; c’est ainsi qu’il ramène à un seul les deux derniers livres d’Eusèbe.

7. Saint Basile.

Ru tin a traduit les Règles de saint Basile : sa traduction combine les Régulée fusius tractai æ et les Régulée breoius traclalæ en une seule règle qui compte 203 questions et réponses. Il faut noter que cette traduction n’a pas été reproduite dans les Patrologies de Aligne : on la trouvera chez L. Holstenius, Codex regularum monasticarum et canonicarum, t. i, Augsbourg, 1759, p. 67-108. De plus, Rufin a traduit huit homélies de l’évêque de Césarée : deux sur les psaumes, cinq sur divers sujets et la lettre xxvi (traitée comme une homélie) Ad virginem lapsam. La traduction des Règles date, semble-t-il, de 397 ; celle des huit discours de 399 ou 400.

.s. Saint Grégoire de Nazianze. — De saint Grégoire, Rufin a traduit, vers 399-400, neuf discours (n, vi, xvi, xvii, xxvi, xxvii. xxxviii, xxxix, xl). Cette traduction n’a pas été réimprimée par Migne. Cf. A. Engelbrecht, Tgrannii Ruflni oralionum Gregorii Nazianzeni novem interprelatio, dans le Corpus de Vienne, t. xlvi, 1910.

9. Évagre le Pontique.

Sous les titres Le moine et Le gnoslique, Evagrius avait écrit deux courts ouvrages composes l’un de cent. l’autre de cinquante chapitres. Rufin traduisit au moins le premier de ces ouvrages ; mais cette traduction, dont l’existence est attestée par