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SCOLASTIQUE OCC1 DENTALE, L’A POG ÉE

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Simon de Tournay, Etienne Langton, Pierre de Capoue, Pierre de Crève, Robert Sorbon. Cf. M. Grabmann, Geschichte des sehol. Méthode, t. ii, 2e partie, c. vu et vin..Mais le plus représentatif est à coup sûr Guillaume d’Auvergne († 1240) qui, tout en tirant parti de la philosophie arabe et juive (Algazel et Maïnionide) el retenant le meilleur du platonisme, sait combattre

leurs erreurs, s’opposer au catharisme régnant et combattre l’astrologie et les superstitions. Voir ici t. vi, col ; 1967-1976 ; M. De Wulf, op. cit., t. i, p. 323-328 ; M. Baumgartner, Die Erkenntnisslehre des Y. von A., Munster, L893.

2. Introduction de l’aristotélisme arabe et juif. — Toutefois l’influence arabe sur la scolastique fut bien plus considérable en ce qui concerne l’introduction en Europe d’une grande partie de l'œuvre aristotélicienne. Les Arabes considéraient Aristote comme le philosophe par excellence : ils lui empruntent « la conception de la science, la valeur de l’observation des faits et une foule de doctrines spéciales où les scolastiques les prendront pour guides », .Malheureusement, ils se servaient de textes aristotéliciens défectueux…, ils interprétaient volontiers Aristote à travers les commentateurs grecs : ils transformaient des doctrines en forçant des textesdemeurés vagues chez Aristote, notamment celles relatives à l’intellect humain. Surtout ils additionnaient leur arislotélisme d'éléments néoplatoniciens tels que les doctrines de l'émanation et de l’extase, si bien qu’au jour où la scolastique étudiera la philosophie arabe, elle recevra, par son canal, de nouvelles infiltrations néoplatoniciennes. » M. De Wulf, op. cit., t. I, p. 208. En effet, les théologiens syriens, tant monophysites que nestoriens, par lesquels Juifs et Arabes avaient connu Aristote, interprétaient ce philosophe d’après les commentaires de Proclus. Une des préoccupations principales des philosophes arabes était de mettre en harmonie leur pensée philosophique avec le dogme musulman. H. Carra de Vaux appelle scolastique musulmane cette tentative d’harmoniser la philosophie et le Coran : tentative d’autant plus intéressante qu’elle pouvait être, pour les philosophes chrétiens, une indication. Cf. B. Carra de Vaux, Avicenne, Paris, 1900.

Lu Orient. Avicenne est le principal représentant 'le cette » scolastique > ; en Occident, c’est Averroés de Cordbue, qui s’est appliqué à mettre en honneur Aristote et à en introduire les doctrines dans la philosophie. Cf..M. ltorten, Die Metaphysik des Ai>crroës, 1 [aile, 1912. L’influence d’Averroës sur la pensée chrétienne fut considérable. Voir ici t. i, col. 1882, 2630.

l.a philosophie juive subit l’influence de la spéculation arabe, en Orient comme en Occident, el fut ainsi un des véhicules par lesquels s’exerça, sur la théologie médiévale, celle influence. Deux noms méritent une mention spéciale : Avencebml (Avieebron, Ibn Gabirol) et Maïnionide. Ce dernier est beaucoup plus pies d’Aristote que les au ! res auteurs cités : il corle péripatétisme par les enseignements de la Bible et fut très lu par les scolastiques chrétiens. Cf. Munck, Mélanges de philosophie juive et arabe, Paris, 1859 ; L.-G. Lévy, Malmonide, Taris, 1911.

3. Premières difficultés. Le péripatétisme suspect des Arabes ei des Juifs, malgré les épurations que lui avait fait subir à Tolède un certain Gundisalvi (Gundissalinus) au xir siècle, constituait, pour la foi cliré tienne, un moyen d 'exposil ion récllcinent dangereux.

On a retracé ici, t. r, col, 1882 1886, les péripéties de la lutte engagée toul d’abord contre l’aristotélisme. Une première condamnation fui portée en 1210 contre la « philosophie naturelle d’Aristote et lescommen taires d’Averroës et d’Avicenne, En 1215, nouvelle i ondamnation en y associant celle des écrits de l >a id de Dinanl et d’Amaurj de Bène. Voir ces mois. Tou tefois, la condamnation était portée non pas contre le principe même de l’exposition scolastique, mais contre les hérésies que comportait cette exposition en fonction d’une philosophie erronée. Le principe demeurait intact, car Grigoire l se praoccupa <Ls îiit de faire expurger l'œuvre d’Aristote. Chartularium Unirersilatis Parisieusis, t. i, p. 138, I 13. Si les trois théologiens, Guillaume d’Auxerre, Simon d’Authie et Etienne de Provins, charges de mener à bien cette œuvre n’y purent parvenir, >u moins le principe était sauf.

Les dangers de l’influence arabe se manifestèrent surtout quand, en 1205, s’implanta à Paris l’averîoïsine latin avec Siger de Hrabanl, lioèce de Dacie et Bernier île Nivelles. Voir Avehroïsme. 1. 1. col. 2228, et surtout Mandoiinct. Siger île Brabant, 2e édit., Louvain, 1908-1909 ; M. De Wulf, op. vil., t. ii, p. 90-105 et ici l’art. Siger de Braban r. La doctrine fondamentale est le monopsychisme, ou l’unité de l’intellect humain pour l’humanité entière. L'âme individuelle est purement sensible et périssable ; seule l'âme racique est immortelle ; mais elle ne contracte avec les individus qu’une union accidentelle. Un tel exposé compromettait gravement la foi en ruinant la personnalité humaine et en frayant les voies au panthéisme.

4. Albert le Grand. Albert travailla à réaliser

l'œuvre d’adaptation du péripatétisme à la doctrine catholique principalement dans le domaine scientifique. Son vrai titre de gloire, a dit ici-mème, t. I, col. 072(173. P. Mandonnet, est « dans la sagacité et l’effort qu’il a déployés pour porter à la connaissance de la société lettrée du Moyen Age le résumé des connaissances humaines déjà acquises, créer une nouvelle et vigoureuse poussée intellectuelle dans son siècle et gagner définitivement à Aristote les meilleurs esprits de son temps ». En vulgarisant la science d’Aristote, après se l'être assimilée. Albert contribuait à vulgariser la philosophie péripatéticienne elle-même. Aux yeux de beaucoup, le naturalisme < de cette philosophie semblait incompatible avec la loi. Albert sut montrer que les difficultés soulevées n'étaient pas sans solution et qu’Aristote, comme Platon, pouvait être mis au service du Christ. Néanmoins son travail d 'épurai ion doctrinale et d’adaptation ne fut pas mené à fond : cet honneur devait être réservé à son disciple Thomas d’Aquin. D’ailleurs la scolastique d’Albert est encore très éclectique : sur bien des points, elle s’inspire du néo-platonisme et de l’augustiiiismc. Cf. Cl. Bâumker, Witelo, p. 407 sq. Cet éclectisme amène parfois, surtout dans la psychologie d’Albert, des idées opposées entre elles. A. Schneider, Die Psychologie Alberts des Grossen nach den Quellen dargestellt, dans les Beitrûge de Bâumker, L iv, 1894, p. 2 sq. Cf. M. De Wulf, op. vil., t. i, p. 382-383.

Albert, tout en introduisant nombre de conceptions aristotéliciennes à côté ou à la place des idées philosophiques courantes, reste encore, en somme, fidèle à l’augustinisme traditionnel. Un de ses principaux mérites, dans l’impulsion qu’il donna à la pensée scolastique, fut d'établir plus clairement « les rapports entre li science et la foi : leur distinction formelle, l’impossibilité de croire et de savoir en même temps une même vérité, considérée au même point de vue, le rôle préparatoire et persuasif de la science vis à vis de la foi et l’inaptitude foncière de la raison à démontrer les mystères. A ces éléments de solution proposes par Albert, le Docleur augelique n’ajoutera rien d’entièrement nouveau », i h. I leilz. Essai historique sut li : rapports entre la philosophie et la foi., , , Paris. 1909, p. 1 il.

Les auditeurs et successeurs Immédiats d’Albert dissocièrent le faisceau des doctrines disparates du maître : les uns retinrent principalement les doctrines