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SCOLASTIQUE AUX TEMPS MODERNES


Compagnie de Jésus au w r siècle est François Suarez (1548-1617). L’œuvre do Suarez est surtout théologique, mais c’est sa philosophie qui la caractérise le mieux. Elle constitue une voie moyenne entre celle de saint Thomas d’une part et. d’autre part.de Seot et d’Occam. Elle sera étudiée en détail à l’art. Suarez, Voir aussi 1.. Mallieu. François Suarez. Sa philosophie et les rapports qu’elle a avec sa théologie, Paris, 1921. Voici les points considérés par !.. Mahieu comme personnels à Suarez.

a. Tout d’abord le modalisme, qu’il emprunte à Cajétan, voir col. 1717. en le transformant. L’idée des modes maintient une réelle unité dans sa métaphysique, différente par là de celle de saint Thomas. Pour Suarez, qui dit i distinction réelle », dit « séparation ou tout au moins séparabilité ». I.’unité est rétablie par le mode qui. sans ajouter aux choses une entité nouvelle, est le principe immédiat de toutes les modifications essentielles (mode substantiel) ou accidentelles (triode accidentel) dont est l’objet la substance a laquelle il est attaché. Suarez multiplie les modes : entre la distinction réelle et la distinction logique, il admet une distinction intermédiaire, non la distinction formelle des scotistes. mais une distinction modale, celle qui existe entre une chose et sa manière d’être ».

b. Ensuite, nombreux sont les points en ontologie sur lesquels Suarez abandonne saint Thomas : pas de distinction réelle entre l’essence et l’existence créées, simple distinction modale : — pas d’analogie de proportionnalité, mais simple analogie de proportion ou d’attribution dans le concept d’être entre Dieu et la créature ; — pas de pure puissance ordonnée à l’acte, mais une puissance douée elle-même d’un acte d’existence incomplète et, par conséquent, pas de matière première pure puissance, mais une matière première ayant déjà par elle-même un acte « entitatif » qui la pose dans l’existence.

c. De plus, les notions de substance et d’accident sont entendues autrement que chez saint Thomas : l’accident est pour saint Thomas si imparfait qu’il est moins ens que ens enlis ; pour Suarez, c’est un être véritable, ayant avec l’être substantiel une analogie de proportion ou d’attribution. La substance est composée, non seulement de parties essentielles, mais de parties intégrantes qui ne lui viennent pas de la quantité. D’où le rôle de la quantité est minimisé : adapter les parties de la substance aux siennes propres, les rendre coétendues à elle-même.

d. D’où encore une explication singulière de Yeuc’. iarislie : la localisation est un enveloppement actif contenu par le contenant : c’est le lieu intrinsèque ». Elle pénètre la substance comme telle, abstraction faite de la quantité. La multiplication devient ainsi possible, alors que saint Thomas la déclare contradictoire.

e. La notion de relation est conçue par Suarez de manière à pouvoir déclarer qu’en Dieu le principe de contradiction ne trouve pas son application. Au lieu de distinguer Yesse in et Yesse ad, de reconnaître que, si le premier, inhérent à la substance, représente l’aspect matériel du relatif, et d’accepter que seul le second, esse ad, est l’aspect formel qui le spécifie. Suarez identifie les deux et aboutit ainsi a attribuer, dans la Trinité, à la relation comme telle une perfection propre. Voir ici Relations divines, t. xiit, col. 2155. Comme Cajétan, Suarez est acculé à admettre trois subsistences absolues et une relative dans la Trinité.

/ Enfin, en vue de l’incarnation, Suarez a conçu une thèse de métaphysique très particulière sur la tubsislence ou la personnalité. La personnalité ou subsistence des êtres doués d’intelligence, est un mode substantiel ; mais, à la différence de Cajétan qui le

plaie entre l’essence et l’existence, Suarez l’ajoute à l’existence qui, pour lui, ne fait qu’un avec l’essence réelle. L’unité du composé humain et surtout du Christ devient, dans ce système, dillicilement explicable.

On pourrait rappeler également des vues très personnelles et très originales sur la grâce (congruisme), la causalité des sacrements, la transsubstantiation (reproduction), le motif de l’incarnation, la nature des anges, etc.

Ce qui vient d’être dit suffit à montrer à la fois l’originalité de Suarez et son indépendance à l’égard de la scolastique thomiste. Les déclarations de Suarez quant à son souci d’expliquer la doctrine de saint Thomas, doivent donc n’être acceptées que sous bénéfice d’inventaire. Toutefois on doit lui reconnaître un grand mérite, celui d’une systématisation scientifique de toute la métaphysique. Cf. M. Grabmann, Die « Disputaliones metaphijsicæ » des Franz Suarez in ihrer methodischen Eigenart und Fortenlwicklung, dans Mitlclalterliches Geistesteben, Munich, 1926, p. 525-560.

Plus fidèle à saint Thomas se sont montrés Côme Alemanni, dans sa Summa lolius philosophiæ, Pavie, 1618 (Paris, 1885, 1888) et, plus tard, Silvestre Maurus, dans ses Commentaires sur Arislole, Rome, 1668. Leur éclectisme est moins accentué que celui des Eonseca, Mendoza, Vasquez, Oviedo, Arriaga, etc. Parmi les nombreux représentants de la théologie scolastique fournis par la Compagnie aux xvie, xviie et xvin siècles, voir ici t. viii, col. 10 13-1052, nous relèverons le nom de Tiphaine, dont l’ouvrage De hypostasi et persona, Pont-à-.Mousson, 1634 (réimprimé depuis), présente un caractère de scotisme accentué.

3° Décadence de la scolastique au XVIIIe siècle, sous l’influence de la philosophie nouvelle. — Beaucoup d’auteurs s’efforcent de trouver des compromis entre les affirmations modernes et les conceptions scolastiques anciennes. Ils s’efforcent de renouveler la physique et la métaphysique dans un sens plus conforme à ce qu’ils croient être les exigences de la science.

La philosophie cartésienne, en particulier, eut une grande influence en ce sens. Dans les Pays-Bas on peut citer Etienne Chauvin, dont le Lexicon rationale, Rotterdam, 1692, connut des heures de célébrité ; en Allemagne, Jean Glauberg († 1665), qui préluda aux conclusions panthéistes de Spinoza, surtout dans son Ontosophia seu de cognilione Dei et noslri, 1(556 ; en Belgique, Arnauld Geulincx (| 1669), dont la Meiaphgsica vera et ad menlem peripalelicorum. Couvain, 1695, enseigne nettement l’occasionnalisme et va jusqu’à dire que, dans nos opérations d’intelligence et de volonté, nous ne sommes que des « modi Mentis », c’est-à-dire les modes de Dieu. Voir l’énumération des scolastiques cartésiens dans P. Gény, Historia philosophiir, Borne, 1928, p. 210-212. Les plus célèbres, et dont les noms sont restés dans l’histoire de la philosophie sont le franciscain Antoine Le Grand, professeur à Douai. avec ses nombreux écrits cartésiens et notamment ses Insliltiliones philosophie secundum principia Hennit Descartes, 1671 ; Marin Mcrscnne, minime, ami très fidèle de Descartes, auteur de La vérité des sciences contre les sceptiques et les pyrrhoniens, 163(1 ; chez les jésuites, le P. Yves André († 176 1) qui, en raison de son admiration exagérée pour Descartes, se vit privé par ses supérieurs du droit d’enseigner ; chez les bénédic tins, Robert Desgabets qui s’est efforcé de concilier la théologie de l’eucharistie avec les principes carte siens sur la matière et qui, pour ce mol if. recul pareil lement de ses supérieurs défense d’enseigner. Voir ici I (escartes, t. iv, col. 557, et la bibliographie col. 565

L’éclectisme philosophique, issu des conflits dis dil (érentes écoles et descendanl direct de l’occamisme nominaliste exerce également une Influence délétère. (in pourrait iii encore citer quantité’! < noms d’au