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SCORTIA JEA N-HAPTISTEÏ — SCOTELLUS


Bellarmin ; sa position dans les questions controversées est commandée par celle de ces deux docteurs, [mmutation et destruction d’une offrande, telle est l’essence de tout sacrifice, telle est la messe (I. I, c. iii, | i. 6, 9) ; à la messe, où le Christ vivant est offert réellement sous les espèces inanimées du pain et du viii, l’immutation consiste dans la consommation et il n’y a, dans les deux consécrations, que mort mystique ex vi verborum (§ 12). Consécration, oblation, communion constituent l’essence du sacrifice de la messe : la consécration, c’est la mactatio ; s’en tenir à la consécration d’une seule espèce, c’est représenter incomplètement le sacrifice de la Croix et seulement commencer le sacrifice de la messe (c. vi. § 1, 2) ; l’oblation, implicitement unie à la consécration, se ramène à la présence de la victime sur l’autel de Dieu et ne comporte ni paroles ni « estes particuliers (c. v, § 2) ; la communion sous les deux espèces permet l’immutation parfaite du Christ (c’est à ce titre que la messe des présanctifiés est une partie du sacrifice de la veille, ibid.).

L’opinion de Bellarmin, qui place l’immutation dans la communion, est donc fidèlement suivie ; niais. embarrassé sans doute par ses présupposés relatifs à l’essence du sacrifice. Scortia voudrait conserver son importance à l’oblation — sans oblation, pas de sacrifice, l’oblation étant le genus du sacrifice (c. v, § 2) — sans parvenir néanmoins à la reconnaître où elle est et sans pouvoir la dégager du rôle subordonné qu’il lui attribue. La première oblation n’appartient, d’après lui, ni à l’essence ni à l’intégrité du sacrifice (t. IV, c. i, §3) ; la troisième, qu’il voit dans la prière Unde et memores, ne fait partie que de l’intégrité de la messe (1. 1, c. v, § 2). La seconde, essentielle, fait pratiquement corps avec la consécration. Bien qu’il semble avoir échappé aux investigations de M. Lepin, dans L’idée du sacrifice de la messe chez les théologiens, il faudrait pourtant assigner à Scortia le rang de disciple direct de Bellarmin et en même temps reconnaître dans son œuvre comme une ébauche d’une doctrine progressive, si peu décantée soit-elle, vers le sacrifice-oblation.

Scortia donne encore l’impression d'être le témoin d’une doctrine de transition lorsqu’il aborde la question du mode de présence du Christ sous les espèces. Il se défend d’admettre l’annihilation, ce qui supposerait, écrit-il, la soustraction de l’influx divin, alors que cette desilio substantiæ partis et vini se produit par une action positive qui fait se succéder sous les espèces le corps et le sang du Christ (t. IV, c. xv. § 3). Il s’explique davantage au chapitre suivant et se conforme à la doctrine de la xiii session du concile de Trente : la conversion ne forme qu’une seule et unique action positive ; au § 3 : la conversion se fera par production et adduction, production qui signifie seulement rendre présent sous les espèces, passage d’une substance à une autre.

La principale préoccupation de l’auteur est tournée ver> la polémique protestante, notamment contre cet impie Luther qui corrompt tout ce qu’il touche, (I. II. c. v, § 1), polémique sereine et toute positive. Scortia préfère exposer largement sa doctrine et souligner, à l’occasion, les faiblesses de l’argumentation adverse. Quelques développements visent toutefois directement les réformés : les chapitres sur les saintes images, 1. III. c. iii, sur le signe de la croix, c. viii. sur les reliques, c.xii, et l’importante discussion sur la formule de la consécration. L. IV. c. xi, § 15.

Le large exposé liturgique et mystique des cérémonies de la messe mériterait qu’on s’y arrêtât. L’ori gine des rubriques, leur évolution et leur symbolisme sont expliqués avec l’ampleur de Durand, d’ai huis souvent cité. Il est vrai que trop fréquemment Scortia attribue aux Apôtres des cérémonies qui leur sont pos térieures (encensements, introït lectures, etc.), ou

qu’il accorde une autorité excessive à des liturgies plus récentes ; cependant, il a su, en général, puiser à bonne source (le pseudo-Denys. saint Cyrille de Jérusalem, saint Lierre Damien, etc.) et ses explications sont empreintes d’une grande piété, son développement sur les demandes du Pater en fait foi. L. IV,

c. XXII.

Sotvell, Jiibl. script. Socict. Jesu, p. 418 ; Sommervogel, Bibl. de la Comp, de Jésus, t. vil, col. 965-966 ; Hurler, Nomenclator, 3e édit., t. iii, col. 863.

A. Rayez.

SCOTELLUS Dl TONNAPARTE ou Pierre d’Aquila, frère mineur du xiv c siècle et disciple fidèle de Duns Scot, appelé Scolellus par antonomase et dénommé du titre honorifique de Doclor sufficiens. Voir Fr. Ehrle, Die Ehrcntilel der scholastischen Lehrer des Millelalters, Munich, 1919, p. 38, 42, 44, 48, 52 et 55. — Originaire d’Aquila, il appartint à la province des mineurs des Abruzzes et à la custodie d’Aquila. Voir Barthélémy de Pise, De conjormitate, dans Analecta franciscana, t. iv, 1906, p. 530. Il étudia à l’université de Paris, où il fut promu maître en théologie. Il n’est cependant point prouvé, comme quelques-uns le soutiennent, qu’il y ait été l’auditeur de Duns Scot. Ce qui est certain, c’est que, de retour en Italie, il y enseigna les doctrines du Docteur subtil, dont il est, de l’avis des historiens de la scolastique, un des meilleurs interprètes. Même pendant sa vie il avait déjà cette réputation et le chapitre d’Assise de 1334 le chargea, avec quatre autres docteurs de l’ordre, de l’examen du commentaire sur les Sentences de Guillaume de Rubion. Le décret d’approbation de cet ouvrage, porté par Gérard Odonis, général de l’ordre des mineurs, a été publié par Fr. Ehrle, Der Sentenzenkommentar Peters von Candia, dans Franzisk. Stu~ dien, fasc. suppl. 9, Munster-en-YV., 1925, p. 256, n. L Il résulte de ce texte que Pierre d’Aquila était à cette époque provincial de la Toscane. D’après J.-H. Sbaralea, Supplementum, 2° éd., t. ii, Rome, 1921, p. 322, il aurait encore exercé cette charge en 1336.

Le 22 janvier 1344, Jeanne, reine de Naples et de Sicile, choisit Pierre d’Aquila comme un de ses chapelains et familiers. D. Scaramuzzi, // pensiero di Giovanni Duns Scoto nel mezzogiorno d’Italia, Rome, 1927, p. 79, en conclut que Pierre d’Aquila doit avoir résidé pendant un certain temps à Naples, où très probablement il est entré en contact avec un autre grand scotiste, Landulphe Caracciolo, et où peut-être il a enseigné au studium de l’ordre. Toutefois, si cela est. il nous semble qu’il faut placer le séjour de Scotcllus à Naples avant 1311, puisqu’après cette date il fut inquisiteur pour la Toscane et, en cette qualité, résida très probablement à Florence. Voir C. Eubel, Bullarium franciscanum, t. vi, 1902, n. 402, p. 192, n. 7 ; L. Wadding, Annales minorum, 3e éd., t. vii, 1932, an. 1343, n. xxxv, p. 363. Comme il avait été obligé de sévir contre quelques citoyens de Florence, en 1346, ceux-ci s’insurgèrent contre lui. Ils entraînèrent avec eux tous les Florentins dans leur insurrection contre Pierre d’Aquila et l’accusèrent auprès du pape d’ava rice et de toutes sortes d’impostures. Voir L. Wadding. Annales minorum, éd. cit., t. vii, an. 1346, n. ivvi. p. 390-391. Clément VI, ayant reconnu son innocence, le promut évêque de Sant' Angelo dei Lombardi, en Calabrc, le 12 février 1347 et, le 27 avril suivant, il nomma le frère mineur Michel Lapi comme inquisiteur de la Toscane, à la place de Scotellus. C. Eubel, Bull, franc, t. vi, n. 102, p. 192-193 ; n. 413, p. 197 ; n. 426, p. 201, n. 3, et Hierarchia catholica Medii Aeui, 2e éd., t. i, 1913, ]>. 90. Le 30 mai 1348, Pierre d’Aquila fut transféré au siège épiscopal de Trivento, dans la province de Campobasso et suffragant de Bénévent, où il mourut en 1361, puisque son successeur fut désigné