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Port-Royal, et parce qu’en fait, jusqu’en 1633, il ne fut connu que de sept ou huit personnes dont le P. Seguenot. Il y est parlé de seize attributs de Jésus-Christ dans l’eucharistie, en l’honneur des seize siècles écoulés depuis son institution : sainteté, vérité, liberté, existence, suffisance, etc. : à chaque article la Mère Agnès essayait d’approfondir l’une des vertus de Jésus-Christ dans le Saint -Sacrement. Il est visible qu’elle ne fait que repéter à sa manière les leçons qu’elle a reçues de Condren, des autres Pères de l’Oratoire qui fréquentaient Port-Royal et de Zamet leur disciple. En 1633, Octave de Bellegarde, archevêque de Sens, brouillé avec Port-Royal et Zamet à l’occasion de la fondation de l’institut du Saint-Sacrement, connut le Chapelet, en obtint la la censure de huit docteurs de la faculté de Paris, l’envoya à Rome pour le faire condamner avec l’aide du P. Binet, comme tendant à établir une pureté imaginaire qui doit rendre l’homme indifférent à son salut. En voir le texte abrégé dans Prunel, Sébastien Zamet, p. 213, l’histoire dans H. Bremond, L’école de Port-Royal, p. 201-218. Rome refusa la censure qu’on lui demandait, plusieurs docteurs de l’université de Louvain n’y trouvèrent rien de répréhensible. M. de Saint-Cyran, introduit par Zamet à Port-Royal depuis 1634, en lit l’apologie et Seguenot vint à l’appui en composant Élévations à Jésus-Christ Xotre-Seigneur au T. S. Sacrement, contenant divers usages de grâce sur ses perfections divines, brochure imprimée à la fin d’un livre qui a pour titre Discussion sommaire d’un livret intitulé : Le chapelet secret du Saint-Sacrement, Paris, 1635, in-8°. Le Chapelet n’est pas janséniste ; on pourrait « étaler à la fin de chacun de ses chapitres les textes sans nombre où Bérulle, Condren, Olier, Eudes, Amelote, Quarré, Bourgoing, Saint-Pé, disent et redisent, mais avec infiniment plus de clarté, de prudence et de précision théologique, les mêmes choses que la Mère Agnès ». H. Bremond, op. cit., p. 205. Celle-ci est souvent gauche et obscure, et prête facilement au contre-sens, avec cependant d’assez belles choses quelquefois. Dans les Élévations du P. Seguenot, une quarantaine de pages seulement, les erreurs grammaticales disparaissent à la faveur de la clarté, de l’étendue, du tour heureux qu’il donne à ses phrases. Ainsi le premier article de Mère Agnès : Sainteté à J.-C. au Très Saint Sacrement, afin qu’il soit au très saint sacrement, en sorte qu’il ne soit point de lui-même, c’est-à-dire que la société qu’il veut avoir avec les hommes, soit d’une manière séparée d’eux et résidente en lui-même, n’étant pas raisonnable qu’il s’approche de nous qui ne sommes que péché », qui fit le plus crier, devient sous la plume du P. Seguenot : Votre bonté, ô Jésus, vous tire et vous abaisse à nous, vous fait entrer en commerce et en société avec nous, et vous dites vousmême que c’est votre dessein en l’institution de ce sacrement adorable d’établir entre vous et nous une résidence mutuelle… Votre bonté vous donne ce désir, mais votre sainteté ne vous le permet pas, car elle vous sépare des créatures… Il me semble que ces deux effets différents opèrent aussi en moi deux dispositions différentes au regard de vous : l’une qui m’y attire et m’en approche par amour, l’autre qui m’en retire et m’en éloigne par révérence. » C’est exact, somme toute, et fort bien dit.

2° Le livre de la sainte virginité et les aventures du P. Seguenot. — A la prière de la comtesse de Brienne et de Mère Angélique, prieure des carmélites de Saint-Denis, le P. Seguenot publia De la sainte virginité, discours traduit de saint Augustin avec quelques remarques pour la clarté de la doctrine, Paris, 1638, in-8°, avec privilège du roi, sans toutefois l’approbation des docteurs que Seguenot, partant p-jur Sautnur,

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avait demandé de mettre, mais que l’imprimeur ne prit pas le temps d’attendre. L’ouvrage fut achevé d’imprimer le 14 mars ; or, le 7 mai, à l’ouverture de la troisième assemblée générale de l’Oratoire, l’auteur était appréhende par ordre de Richelieu, mis en prison à Saumur et transféré le 14 à la Bastille, d’où il ne devait sortir qu’après la mort du cardinal ; il y était encore le 7 avril 1643.

Tels sont les faits. Comment les expliquer ? Aucune raison n’est suffisante pour éclaircir le mystère : Richard Simon accuse d’abord la préface dans laquelle le Père « se déclare ouvertement contre la théologie qu’on enseigne dans les écoles, à laquelle il oppose la doctrine de saint Augustin qu’on n’y enseignait plus depuis longtemps ». Tant de gens, dit-il, y ont touche qu’il est entièrement nécessaire d’y repasser le pinceau pour remettre les premiers traits et effacer les autres. « Ce seul discours, dit Richard Simon, qui ne différait guère du langage de Luther et de Calvin… était capable de faire impression sur l’esprit du cardinal. » Bibl. critique, t. ii, p. 332. C’est au moins très exagéré.

La question des vœux a plus d’importance. Un capucin, le P. Hyacinthe, tout dévoué au P. Joseph, lui avait remis un exemplaire de l’ouvrage qui fit grand bruit à la cour et dans les communautés religieuses, parce que l’auteur paraissait mépriser les vœux de religion : « S’il arrivait, disait-il, qu’une personne mariée fût si bien disposée qu’elle fût non seulement capable de vivre honnêtement dans le mariage, mais que renonçant à tout ce qu’il y a d’impur et de sensuel… elle conservât une pareille pureté de cœur et d’esprit… quoique non une telle pureté de corps… celle-là aurait le mérite des vierges… elle serait aussi pure et aussi chaste qu’elles. » P. 12 des Remarques. Il y a certainement là une exagération, mais on ne peut accuser l’auteur de mépriser la virgiginité en faveur du mariage, « chose de soi si basse, si vile et si abjecte ». P. 13. Tandis que « la virginité est chose de soi plus grande et plus parfaite que le mariage… il y a plus de mérite dans la virginité que dans le mariage. » P. 56.

Il se compromet davantage quand il dit : « Le vœu n’ajoute rien à la perfection chrétienne ni à ce qui a été voué au baptême, sinon quant à l’extérieur, en cjui la perfection ne consiste pas. » P. 18. Le soupçon d’en diminuer l’importance était donc fondé ; ces affirmations excessives, fausses, surtout si on les sépare du contexte, manquant des distinctions nécessaires et venant d’un auteur appartenant à une Congrégation nouvelle qui faisait profession de ne s’astreindre à aucun vœu, pouvait paraître une critique des autres. Dans l’Oratoire même, quelques Pères voulaient introduire les vœux pour affermir la société en y conservant les sujets, les autres étaient très opposés à en faire : les premiers se crurent visés et déférèrent le livre à Richelieu. Le P. Joseph dressa le catalogue des erreurs qu’il renfermait et en dénonça l’auteur.

Celui-ci s’expose plus encore quanti il dit : « La pénitence n’est point véritable, ni entière, ni assurée si elle n’a les conditions de vraie contrition, i Et ces conditions, d’après lui, c’est « la détestation du péché, la conversion à Dieu, le regret de l’avoir offensé, le désir de lui satisfaire, le ferme propos de s’amender, l’espérance de pardon, la confiance en sa miséricorde ; toutes lesquelles choses ne peuvent procéder que d’une charité parfaite et non point d’une crainte servile… Il n’y a que l’amour de Dieu et la haine du péché qui rendent la pénitence certaine. I’. 122 Par oie de conséquence, s’il est certain que cette sorte de charité réconcilie l’homme avec Dieu et le met en sa grâce, avant qu’il ail reçu en effel le sacrement,

T. XIV. :.7.