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    1. SEMI-PEIAGIENS##


SEMI-PEIAGIENS. RECRl DESCENCE DE L’ANTIAUGUSTINISME

1836

démarche spontanée vers Dieu, c’est qu’il y a en nous des énergies naturelles qui nous permettent d’aller vers Dieu. C’est ce que d’un terme assez impropre Fauste appelle le libre arbitre. C. vih-xiii. Si ee libre arbitre, déclare-t-il, lequel consiste en l’amour de l’innocence, l’accomplissement de la justice, la sainteté du corps (singulière définition, pour le dire en passant), si ce libre arbitre avait entièrement péri, à quoi bon, dans l'Écriture, tant d’exhortations à pratiquer la justice, tant de louanges à l’innocence et à la chasteté'? Et, si on lui demande comment il faut comprendre cette infirmité du libre arbitre que nul ne saurait nier, c’est en ce sens, répond-il, que la liberté (entendons, comme plus haut, l’amour de la vertu) s’est amenuisée et demande davantage le secours de la grâce, tel un convalescent qui a besoin d’appui ; mais elle n’a pas péri entièrement, elle sent que les dons divins ne lui sont pas interdits, mais bien plutôt qu’elle doit les réclamer. Puisque les païens eux-mêmes se dirigent par le libre arbitre qui leur est inné, à plus forte raison le chrétien peut-il guider cette possibilité de faire le bien et répondre aux appels de Jésus. Celuici appelle, mais c’est à la volonté qu’est laissé le soin de suivre : mcic miserationis est ut voceris, sed tuæ voluntati commissum est ut sequaris. C. ix, col. 795 D.

Il faut donc réagir contre l’idée que le libre arbitre n’est incliné qu’au mal, qu’il n’a pas de force pour le bien. Il faut maintenir, au rebours, qu’il y a dans l’homme une facilitas bonse voluniatis. La nature humaine est susceptible d'être bonne ou mauvaise. Notre Seigneur ne le montre-t-il pas dans la parabole de l’enfant prodigue : celui-ci rentre en lui-même, se convertit ; de même en général pour l’homme : suæ devotionis est quodPEn iNsrruM sibi bonum délibérons et assargens ad paternos recurrit amplexus. C.xii, col. 802 D.

Toute l’argumentation sur la force du libre arbitre est reprise au t. II, c. vin. Contre l’idée que, lors de la chute originelle, la bonté naturelle aurait fait un complet naufrage, totus Adam periit, l'évêque de Riez s’efïorce de démontrer que Dieu a laissé à l’homme le pouvoir très efficace de choisir entre l’amitié ou la haine du séducteur. Abcl, par exemple, a mérité de plaire à Dieu per propria voluniatis affectum, parce qu’il était doué par son Créateur d’intelligence, de raison, de foi. Aussi bien. Dieu a-t-il donné à l'âme (sans qu’aucune révélation générale ou particulière fût nécessaire) la connaissance de lui-même, du fait qu’il a créé l’homme à son image et ressemblance. Cꝟ. 1. II. c. vii, vin. L’on comprend donc comment la connaissance de Dieu et la pratique de la vertu ont pu continuer entre Adam et la venue du Christ. Et, dans tout ce développement, ce qui est mis en avant comme moyen de salut, c’est bien la connaissance naturelle, la raison, le libre arbitre. Chose remarquable d’ailleurs, Fauste qui n’est pas sans remarquer le caractère scabreux de ses affirmations, cꝟ. t. III, c. viii, col. 828 BC, essaie de les corriger en reprenant sa théorie de Vinitium fldei : dans ce processus salvifique, dit-il, le tout premier commencement, initium inchoationis, c’est-à-dire L’appel, est « le Dieu, puis vient L’effort de la volonté qui, d’elle môme, répond a la grâce, et enfin l’assistance de Dieu. Somme toute, les modernes admirateurs de Fauste, qui ont vu surtout en lui l’idée, fort juste, que la ressemblance de l’homme avec son Créateur n’a pas i iientièrement détruite par le péché et qu’il y a lieu d'évaluer avec un certain optimisme les ressources

morales de l’humanité, n’ont pas suffisamment re marqué que pour Fauste, en beaucoup d’endroits, ces

ressources paraissent se 5Uffire à elles -mêmes pour l’obtent ion du salut. '.', . La volonté salvifique universelle. L'établisse

ment de cette thèse contre les attaques de i l’héréti

que, sa défense contre les objet lions possibles que paraissent constituer divers textes scripturaires ne nous retiendront pas aussi longtemps. Avec beaucoup de raison, l'évêque de Riez déclare que l’idée selon laquelle h' Christ ne serait pas mort pour tous les hommes est en horreur à l'Église. L. I, c. xvi. Prenant parti, sans le nommer, contre le traité De vocatione omnium gentium et sa distinction entre la volonté très générale de Dieu à l'égard de l’humanité et la prédilection spéciale dont il entoure les fidèles, ci-dessus, col. 1831, Fauste ne veut voir dans la phrase paulinienne relative au salut « des fidèles » que l’affirmation d’une volonté conséquente, non point antécédente : le Christ est le rédempteur tout spécialement de ceux qui, par leur foi et leur obéissance, ont eu part au bienfait de la rédemption. Amenuisement d’un texte scripturaire dont on retrouverait d’autres exemples I Voir, par exemple, le commentaire du texte johannique Xcmo potest venirc ad me nisi Pater traxeril eum (Joa., vi, 11), t. I, e. xvi et II, e. iv, où la « traction » de Dieu est expliquée d’un simple appel ; la discussion des textes évangéliqucs relatifs aux effets divers de la parole de Dieu sur les âmes, t. II, c. v ; la discussion des textes pauliniens sur lesquels Augustin avait établi sa doctrine de la prédestination ante pnruisa mérita, t. II, e. vi. Encore que ces divers textes n’aient pas absolument le sens tragique que la dialectique augustinienne en avait tiré, il reste que l’idée d'élection, de préférence de Dieu à l'égard de certains, préférence qui n’est point conditionnée par des mérites existants ou prévus, est une idée qui se retrouve à chaque page de l'Écriture. Mais c’est précisément une telle donnée qui est insupportable à Fauste ; la préférence accordée à tels sur tels ne saurait être fonction, à son point de vue, que de la prévision des mérites, le rôle de Dieu se bornant à constater les résultats de la correspondance plus ou moins empressée du libre arbitre à la grâce.

4. La prédestination.

De cet état d’esprit on s’aperçoit mieux encore à étudier sa doctrine de la prédestination qui est d’une simplicité déconcertante et d’un anthropomorphisme enfantin. L. II, c. n et m. Du haut de son éternité, Dieu est le témoin des actions des hommes, sur lesquelles il ne saurait avoir aucune action décisive. Sa providence peut bien régler la marche de l’univers, son pouvoir s’arrête devant la liberté de l’homme. C’est la liberté et la volonté de l’homme qui imposent â Dieu la qualité de son acte de prescience. Si la prescience générale de l’ordre du monde naît de la puissance de Dieu, quand il s’agit de l’homme, les diverses qualités de l’acte de prescience dépendent de la vue par Dieu de l’acte humain. Vim quandam patitur divina sententia, ne craint pas d'écrire L'évêque de Fiiez, col. 816 B, qui n’hésite pas â rapprocher son expression de la parole du Sauveur : Rcgnum cœlorum vim patitur ! La prédestination n’est qu’un aspect de la prescience. Celle-ci est le témoin des actes de l’homme, celle-là en est le juge, elle détermine à l’avance ce qui sera attribué à tel ou tel, dont la prescience a constaté le bon ou le mauvais comportement, prsescientia gerenda pnvnoscit, prwdestinatio retribuenda describit.

5. Conclusion.

-Au moins voilà « un christianisme sans mystère ! C’est en somme l’impression générale que laisse tout le livre de Fauste. Se plaçant délibéré nient du côté de L’homme, il veut que tout finalement dépende de l’homme. De là cette véritable phobie de tout ee qui pourrait être action intérieure de Dieu au plus profond de l'âme. La grâce sans doute est admise, mais ce n’est pas à l’intérieur même de la volonté qu’elle besogne, elle se tient à la périphérie. Le péché originel disparaît ou presque ; à la vérité il est tenu pour responsable de la mort corporelle de l’homme,

mais non de sa mort spirituelle, de cette déchéance